Égypte > provenance inconnue
IIe siècle ap. J.-C. ?
H. 10,8 cm ; L. 3,4 cm ; P. 1,68 cm
Os, tibia de boeuf, face postérieure
Co. 2123
Égypte > provenance inconnue
IIe siècle ap. J.-C. ?
H. 10,8 cm ; L. 3,4 cm ; P. 1,68 cm
Os, tibia de boeuf, face postérieure
Co. 2123
Le fragment conservé correspond au centre et à la partie inférieure d’une applique dont un seul bord est préservé, le bord dextre. Si les lignes de cassures sont assez franches au niveau du corps de Dionysos, elles sont accompagnées d’éclats le long du bord dextre. Des petites taches ocre rouge peuvent être observées sur la surface, au niveau du thorax du personnage, et sur la tranche d’une cassure. Sur le bord senestre, à hauteur de la hanche de la figure, une légère tache d’oxydation métallique est aussi identifiable.
Le personnage nu, privé de buste, de visage et de bras, est flanqué d’une panthère, appuyée contre sa jambe droite. La présence de cet animal est un argument en faveur d’une identification de la figure masculine à Dionysos. La jambe droite tendue supporte le poids du corps, alors que la jambe gauche fléchie est tournée vers l’extérieur. Cette posture est couramment adoptée par le dieu, comme le prouvent plusieurs appliques conservées au musée Rodin : Co. 2074, Co. 2077, Co. 2274-Co. 2314. La position des jambes engendre un mouvement de torsion du buste vers la gauche. Les restes du drapé de l’himation, tombant des épaules disparues du dieu, sont distinguables le long de sa hanche droite.
Puisque l’attitude qu’emprunte le plus fréquemment Dionysos est celle consistant à redresser le bras au-dessus de la tête, il est fort probable que notre figure tronquée renvoie au schéma iconographique de l'Appolon Lycien. La ligne ondulante du bassin et son fort hanchement s’y accordent d’ailleurs pleinement. La panthère, le corps orienté vers la droite, une patte étendue, détourne et lève son fin museau en direction de la divinité. Sa posture reprend celle des félins des appliques Co. 2071, Co. 2077, Co. 2274-Co. 2314, Co. 2450. Sa peau tachetée est ponctuée de profondes perforations qui en reproduisent les ocelles. Sous ses pattes antérieures court une plinthe lisse.
La qualité de la sculpture et des finitions mérite d’être relevée. Les volumes du buste et des membres de Dionysos sont dégagés en fort relief, tandis que le corps de la panthère montre un traitement plus décoratif que véritablement plastique (DELASSUS 2020, p. 60, n. 86, p. 66, 80, fig. 8). Pour accentuer davantage le relief, l’artisan semble avoir repris en biais et en dessous la matière osseuse, livrant une impression de projection du corps vers l’avant. Il a fait preuve ici d’une parfaite maîtrise dans le rendu des effets de volumes. La grande délicatesse qui caractérise le modelé des chairs est rare, et on doit à un soigneux polissage de la mettre particulièrement en valeur. Ce lustre parfait renforce l’aspect lisse du corps juvénile de Dionysos et sublime la matière osseuse à la couleur ivoirine.
La subtile traduction de la structure du corps et de la musculature estompée du jeune dieu trouvent des comparaisons éloquentes dans deux reliefs en os du musée du Louvre (Département des Antiquités égyptiennes, AF 6565 et AF 6566 : MARANGOU 1976, p. 89, pl. 5b ; QUONIAM 1970, p. 187, n° 244), sans qu’on puisse identifier ceux-ci avec certitude comme des représentations de Dionysos. La sveltesse du buste et l’élongation des jambes trahissent une dette envers la sculpture hellénistique. La facture, par sa qualité, se rapproche également d’un des volets en ivoire du Diptyque Querinianus daté du Ve siècle et supposé représenter Endymion et Séléné (Brescia, Musei Civici d’Arte e Storia, MR5768 : VOLBACH 1976, p. 57, n° 66, pl. 57). Malgré une figure plus élancée, on décèle des nuances dans les passages des plans, qui trouvent des équivalences sur notre pièce.
Parmi toutes les appliques recensées, l’oeuvre fragmentaire du musée Rodin livre une des meilleures expressions de l’esthétique illusionniste hellénistique. Celle-ci s’incarne à la fois dans la justesse des proportions et dans la saillie des volumes. E. Rodziewicz suggère de voir dans la façon dont sont rendues les textures des pelages ocellés un indice de datation (cf. RODZIEWICZ 2007, p. 22). Les cavités circulaires délicates correspondraient à la première phase de production alexandrine de ces appliques, tandis que les encoches triangulaires seraient les indices d’une phase plus tardive. Le rapprochement que suggère la qualité du travail de la pièce avec plusieurs appliques du musée Benaki, attribuées sur des critères stylistiques à l’époque d’Hadrien (117-138), ou influencées par les principes formels de l’art de cette époque (MARANGOU 1976, p. 78, pl. 2-3), nous conduit à placer la sculpture de cette pièce au cours du IIe siècle ap. J.-C.
Comparaisons
-Brescia, Musei Civici d’Arte e Storia, MR5768.
-Oxford, Ashmolean Museum, 1912.603+610+613 (pelage de la panthère).
-Paris, musée du Louvre, DAE, AF 6565, AF 6566.
-Paris, musée Rodin, Co. 2074, Co. 2077, Co. 2274-Co. 2314.
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.