Époque ptolémaïque ou impériale
Tête imberbe
Commentaire
Etat de conservation
Etat fragmentaire. Seule la tête est conservée. Le nez est arraché.
Description
Ce personnage à tête ronde est imberbe et chauve. Les oreilles sont à peine détaillées. Il est coiffé d'une couronne de fleurs qui lui masque le front mais ne faisant pas entièrement le tour de la tête. Ses arcades sourcilières épaisses et arquées surmontent ses yeux plissés entre des paupières épaisses. Il a les joues rondes, les pommettes relevées. Sa bouche étroite mais dont les lèvres sont très épaisses semble esquisser un sourire.
Cette figurine peut être rattachée à une catégorie de figurines regroupées sous l’appellation générique des « grotesques ». Ce terme désigne une série de motifs très populaires à partir de l'époque hellénistique, ayant en commun la représentation de figures grimaçantes et contorsionnées à l'aspect disgracieux. Ce terme est employé pour désigner les figurines de plusieurs ensembles iconographiques : les cas pathologiques – la qualité de la réalisation de beaucoup de ces objets permettent d'ailleurs de reconnaître des maladies et des handicaps : hydrocéphalie, lordoses, gibbosités, etc… - ; les représentations dites « réalistes », que l'on peut rapprocher des « sujets de genre », qui comprennent également les représentations ethniques ; enfin, les caricatures de diverses catégories sociales, qu’il s’agisse des prêtres, de personnes de rang subalterne… L’exagération de l’épaisseur des paupières et des lèvres et l’accentuation du sourire de la tête Co. 2538 incitent à y voir une caricature.
Ces figures ont été conçues en Grèce où elles dérivent des sujets théâtraux, apparus au Ve siècle av. J.-C. Les acteurs sont alors représentés dans leur rôle, caricaturaux, avec leur masque, un ventre postiche et un phallus postiche lorsque le rôle l'impose. Progressivement, la représentation de l’individu en tant que tel vient se substituer à l’acteur qui l’incarne. Ainsi, certains personnages tels la nourrice, le pugiliste ou l'esclave, intègrent au IIIe siècle le répertoire des caricatures et des figures réalistes.
Les contextes de découverte des « grotesques » sont généralement mal connus, à quelques exceptions près. Outre l’exemple cultuel fourni en Egypte par le sanctuaire de Ras el-Soda, des contextes funéraires sont attestés à Myrina et des contextes domestiques à Priène. La diversité apparente des contextes d’utilisation, conduit à une interprétation difficile de la fonction. Les traductions ponctuelles des « grotesques » en métal et en ivoire montrent que ces effigies devaient avoir une certaine importance, ou du moins que leurs propriétaires devaient être issus d’une haute catégorie sociale. Les ateliers de Smyrne en particulier sont réputés pour leur importante production de « grotesques » pathologiques, dont la production a été autrefois reliée à la présence d’écoles de médecine dans la cité. Ces types auraient alors eu une fonction médicale de documentation. En l’absence de texte antique confirmant cette hypothèse, celle-ci n’est pas toujours retenue par la communauté scientifique (Hasselin & Laugier 2009, p. 172 ; Jeammet & Ballet 2011, p. 73).
Hans Peter Laubscher suggérait en 1982 qu'il s'agisse d'accessoires de table. Suivant l'idée que le rire exorcise et protège, ces objets qui représentent certaines catégories de la société (le clergé, l’indigent, l’exclave, etc..) faisaient l'objet de moqueries à charge sociale. Les attitudes contournées de certaines figures permettraient d'ailleurs de contrer le mauvais œil. En dehors de la tombe et du temple, ces personnages auraient donc été le sujet de plaisanteries, mais aussi de méditations pendant les banquets. Certains « grotesques » arborent des couronnes et des colliers de fleurs, dont la connotation festive dénote leur lien avec le banquet. C’est le cas de la tête Co. 2538.
Luca Giuliani, en regard d'un texte d'Athénée (IV, 128 cff), propose un niveau de lecture additionnel à l’hypothèse de Laubscher : plus que de simples accessoires de table, l'infirme, l’esclave ou la vieille auraient été véritablement présents lors des festivités, affublés de couronnes et de colliers de fleurs, afin de distraire l'assemblée de bourgeois. Les « grotesques festifs » peuvent alors être identifiés comme des grulloi (bouffons dansants, souvent atteints de nanisme) ou des gelotopoioi (personnes risibles par leur attitude). Ces figurines et leurs modèles qui prêtaient à rire à ces occasions, auraient constitué, pour les classes aisées et fortunées, la garantie par contraste de leur propre bien-être et de leur intégrité physique, voire de leur intégrité mentale (Jeammet & Ballet 2011, p. 74-75).
Une figurine plus complète d’un grotesque ayant perdu ses bras et ses jambes mais arborant une tête similaire, ronde et souriante, est conservée au British Museum (Bailey 2008, n° 3594, p. 153, pl. 109 = inv. 1972.1-25.10). Le personnage porte une couronne alvéolée de réalisation très sommaire et ne faisant pas le tour complet de la tête. Le revers n’est d’ailleurs pas détaillé, comme sur Co.02538. La figurine du British Museum est datée du Ier ou du IIe siècle ap. J.-C., soit une datation assez basse qui n’est pas davantage justifiée.