Égypte > provenance inconnue
Nouvel Empire, probablement époque ramesside, XIXe-XXe dynastie
H. 44,5 cm ; L. 24,2 cm ; P. 13,7 cm
Diorite
Co. 5697
Égypte > provenance inconnue
Nouvel Empire, probablement époque ramesside, XIXe-XXe dynastie
H. 44,5 cm ; L. 24,2 cm ; P. 13,7 cm
Diorite
Co. 5697
Divers impacts de différentes tailles parsèment toute la surface de l’œuvre. De grands éclats ont emporté la moitié droite du visage ainsi que le coin avant droit du socle et les orteils du pied droit. L’angle du coude droit est brisé et la cassure se poursuit en une fissure jusqu’au coin supérieur droit du naos. À l’arrière, la moitié supérieure du pilier dorsal a disparu, ne laissant que son négatif. Cet enlèvement très régulier pourrait résulter d’une action anthropique plutôt que d’un accident ou d’une dégradation naturelle.
L’ensemble de la statue a par ailleurs subi une érosion – résultant sans doute d’une exposition au vent et au sable – qui a effacé la majorité des détails, adoucissant les arêtes et gommant les volumes qui permettaient de distinguer les différentes parties du corps, notamment au niveau des jambes.
La teinte orangée visible en surface, particulièrement présente dans les creux, provient de la terre d’enfouissement.
La statue représente un homme assis aux proportions ramassées, les jambes ramenées à la poitrine, les bras croisés sur les genoux, l’avant-bras droit passant par-dessus le gauche. La statue prend l’apparence générale d’un cube et appartient à un type statuaire appelé pour cette raison « statue-cube » ou « statue-bloc ». L’aspect cubique et massif du corps est accentué par l’absence de cou – la tête paraît simplement posée entre les deux mains à plat sur les bras – ainsi que par le modelé des membres, largement gommé. En dehors de la tête, seuls les pieds dépassent de ce « cube ».
L’homme arbore une perruque mi-longue épaisse et ondulée, qui couvre à moitié les oreilles. Cette perruque apparaît à la XVIIIe dynastie et connaît plusieurs variantes ; elle est attestée jusqu’au Ier millénaire, avec une fréquence particulière à l’époque ramesside. On la trouve par exemple, avec les mèches détaillées, sur la statue-cube de Khâemouaset, datée du règne d’Amenhotep III et conservée à Baltimore (Baltimore, Walters Art Museum inv. 22.68) ou encore sur celle de Houy, conservée au Louvre et datée de la XXe dynastie (Musée du Louvre N 519).
Aucune délimitation de vêtement n’est clairement visible mais on peut supposer que le personnage porte un pagne long, lisse et moulant. À l’arrière, la taille est légèrement cintrée. Au niveau des hanches, un surplus de matière semble modifier la ligne du corps et pourrait indiquer la limite supérieure d’un vêtement. Le pagne serait donc porté sous le nombril.
Sur chaque bras est gravé un cartouche, aujourd'hui illisible. Cette caractéristique se retrouve sur les statues-cube (et d’autres types statuaires) dès la XVIIIe dynastie et devient fréquente à l’époque ramesside, notamment sous Ramsès II. Si, sur la statue de Manakhtef conservée au Louvre et datée d’Amenhotep II (Musée du Louvre E 12926), le cartouche correspond bien au roi sous lequel le dignitaire a vécu, ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, une statue-cube en gneiss conservée au musée du Caire (Musée du Caire CG 626 ; BORCHARDT, 1925, p. 172-173) et datée du règne de Ramsès II (XIXe dynastie) porte les cartouches de Psousennès (XXIe dynastie) : il s’agit d’une récupération à une époque postérieure, un phénomène fréquent dans l’art égyptien. Les cartouches sur la statue du musée Rodin pourraient nous aider à estimer l’époque de réalisation ou bien de réutilisation de la statue sans apporter de certitude.
Contre les jambes de l’homme est figuré, en faible relief, un naos rectangulaire surmonté d’une corniche à gorge, dont l’extrémité inférieure suit la courbure du dessus des pieds du personnage. Il contient un emblème de la déesse Hathor : un sistre – instrument de musique égyptien – hathorique. Celui-ci est composé d’un manche cylindrique supportant une tête féminine vue de face avec des oreilles de vache, qui rappelle les piliers hathoriques utilisés en architecture, comme dans le temple d’Hatchepsout à Deir el-Bahari ou encore le temple consacré à Hathor à Dendera, d’époque ptolémaïque.
La tête est surmontée d’une coiffe dont les hautes volutes, de part et d’autre, figurent en fait les cornes de vache stylisées d’une divinité primitive, Bat, absorbée par Hathor dès la fin de l’Ancien Empire. L’élément central de la « coiffe » adopte la forme d’un petit édifice rectangulaire qui n’est autre qu’un naos, en fait la caisse de résonance de l’instrument. Sur un objet réel, cette caisse de résonance est traversée de tigettes sur lesquelles sont enfilées des rondelles métalliques qui s’entrechoquent et produisent un crissement clair et rythmé lorsque l’instrument est violemment secoué. Un bel exemplaire de sistre à naos datant de l’époque ptolémaïque est conservé dans les collections du Metropolitan Museum (Metropolitan Museum of Art inv. 58.5a).
L’état de conservation général empêche d’apporter plus de précisions quant aux détails et au style. D’après l’ensemble des éléments qui subsistent aujourd’hui, la statue du musée Rodin peut être située dans une période qui s’étend de l’époque ramesside à la fin du Ier millénaire avant J.-C. Le modelé très épaté du visage et les lèvres bien charnues peuvent néanmoins rapprocher l’œuvre Co. 5697 d’autres statues-cubes ramessides, comme celle d’Amenmès, datée du règne de Ramsès III (Musée du Caire CG 42177 ; LEGRAIN, 1909, p. 42-43, pl. 41 ; VANDIER, 1958, p. 459, 537, 663, pl. CLXXIV,5) ou la statue EA1085 conservée au British Museum.
Les statues-cubes font leur apparition au Moyen Empire (au début de la XIIe dynastie) et perdurent jusqu’à l’époque ptolémaïque, avec une large diffusion au Nouvel Empire et à la Basse Époque. Cette typologie réservée aux particuliers est presque exclusivement masculine.
Généralement en pierre – les matériaux les plus courants sont la diorite, le calcaire et le quartzite –, on connaît néanmoins quelques rares exemples en bois et exceptionnellement en bronze (matériaux plus difficiles à conserver donc à retrouver). Les premières attestations de statues-cubes apparaissent en contexte funéraire. Dès l'origine, à l'époque de Sésostris 1er, les statues-cubes sont conçues pour être placées dans les temples : leur matériau solide allié à leur massivité en font des objets résistant aux intempéries qui peuvent être exposées dans les cours à ciel ouvert des temples et ainsi constituer des ex-voto offerts par les particuliers.
Ces statues-cube sont habituellement le support d’inscriptions plus ou moins développées, presque toujours des formules d’offrandes auxquelles s’ajoutent parfois des éléments biographiques ou des extraits de livres funéraires. Elles peuvent également être décorées d’images secondaires, par exemple des représentations des membres de la famille du dédicant ou des reproductions de scènes de culte qui rappellent le lieu où elles étaient déposées.
Ce rattachement à la sphère divine et au monde du temple est particulièrement explicite avec les statues-cubes naophores : une image de naos est figurée contre les jambes du personnage qui semble tantôt faire corps avec lui, tantôt le tenir devant lui. Extrêmement nombreuses, elles apparaissent dès la fin de la XVIIIe dynastie et se multiplient à l’époque ramesside et au Ier millénaire. Le naos peut être vide ou contenir une image divine. La statue Co. 5697 n’est pas seulement naophore, elle est également sistrophore puisque le naos contient un sistre.
La typologie de la statue sistrophore aurait été créée pour Senmout, grand intendant de la reine Hatchepsout, à la XVIIIe dynastie. On connaît plusieurs statues de ce personnage, figuré agenouillé, présentant des emblèmes hathoriques (à titre d’exemple, celle conservée au Metropolitan Museum of Art, inv. 48.149.7). Cependant, les statues-cubes sistrophores semblent connaître par la suite plus de succès, en particulier durant le Nouvel Empire et la seconde moitié du Ier millénaire avant J.-C. (pour un exemple datant de la XXVe-XXVIe dynastie trouvé dans la nécropole des vaches sacrées d’Atfih, voir EL-ENANY 2012, p. 129-138 et p. 129, note 2 pour une bibliographie de référence des statues sistrophores).
Si le sistre est l’emblème hathorique par excellence, cela ne signifie pas pour autant que la statue prenait place dans un temple dédié à la déesse Hathor. Le sistre n’est pas un simple instrument de musique : le son qu’il produit a pour particularité d’apaiser les divinités. Il joue un rôle important dans l’ensemble des cérémonies religieuses (et peut-être aussi funéraires).
Deux cartouches illisibles sont gravés sur la statue, un sur chaque bras.
Acquis par Rodin auprès de Joseph Altounian en 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 71, "Statue anépigraphe d'un personnage accroupi, tenant devant lui l'emblème hathorique (sistre sur un pilier hathorique) figuré dans un naos. Granit gris. Tout le côté droit du visage manque.Haut. 45 ; Larg. 23. Estimé six cent francs."
Donation Rodin à l’État français 1916.
La statue fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.