Étui ou manche en forme de Bès

Égypte ou Proche-Orient

Troisième période intermédiaire ou Basse-Époque (1069 - 332 av. J.-C.)

H. 8,5 cm ; l. 2,9 ; ép. max. 1,8 cm

H. avec socle 12,8 cm ; l. avec socle 5,1 cm ; P. max. avec socle 5,1 cm

Co. 823

Commentaire

Etat de conservation

La pièce présente un manque sur le bord supérieur, au dos. Elle est parcourue sur toute sa hauteur de fissures et de fentes longitudinales. La surface de l’os en partie délitée comporte de nombreuses traces de radicelles et de multiples griffures. Un tache d’oxydation confère une tonalité verdâtre à la partie supérieure. D’abondants sédiments recouvrent l’objet au revers.

Description

L’objet perforé en son centre est sculpté en ronde-bosse d’une figure du dieu Bès. Son iconographie qui apparaît au Moyen-Empire, se précise vers 1500 avant notre ère, et se développe en Égypte, ainsi que dans la partie orientale de la méditerranée, jusqu’à l’époque romaine. Souvent au service d’Hathor, cette divinité grotesque, contrepartie masculine de Thouéris, est associée à la danse, mais aussi à la santé et la magie. Si elle demeure anonyme avant la XXIe dynastie, elle est désignée sous le nom de Bès dans les sources ptolémaïques, ce nom faisant référence à son aspect difforme (pour une synthèse et l’évolution du type iconographique, voir CORTEGGIANI 2007, p. 84-87).

 

Le génie protecteur de la famille et de la petite enfance est figuré debout, sur un socle quadrangulaire, dans une attitude statique, qui s’accorde aux contraintes inhérentes à la morphologie d’un os long. Il adopte l’aspect d’un gnome au corps nu et appuie ses mains sur le haut de ses cuisses. Cette position suggère qu’il entretient un rapport étroit à la terre et à la matrice originelle. Son buste, étiré par rapport aux jambes à demi fléchies et particulièrement courtes, est surmonté d’un visage barbu, large et aplati. Celui-ci se distingue par des traits ramassés, un nez camus et de petites oreilles léonines. Dépourvue de la traditionnelle coiffe à plumet qui vient fréquemment couronner le front, sa tête supporte une forme rectangulaire lisse, constituant le bord supérieur de l’objet. Le dieu grimaçant tire la langue de façon à éloigner les être néfastes et les esprits malfaisants.

 

Décorant les ivoires magiques au Moyen-Empire, le dieu au physique grotesque se retrouve, au Nouvel-Empire sur différents types de mobilier (chevets, lits et sièges). Il prête aussi sa silhouette aux vases à kohol qui se déclinent en faïence siliceuse, en pierre, et en bois. Ces réceptacles peuvent aussi convoquer l’ivoire, comme en témoignent plusieurs exemplaires du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre (inv. N 1773, inv. E 5879, inv. N 1789). Les images de Bès, investies d’un pouvoir apotropaïque se multiplient durant la Troisième Période Intermédiaire sur les stèles, les vases, et sur d’innombrables figurines et amulettes. La forme de notre objet suggère d’y voir davantage un manche, un élément de décor de mobilier tubulaire, ou un flacon à kohol. Bien que ses dimensions soient plus importantes, il peut être comparé à un étui à fard en forme de Bès, en ivoire, datant de la Basse-Époque, abrité dans les collections du musée de Liverpool (inv. M11003).

 

Le dos de la figurine met l’accent sur le corps mal formé du dieu. Entre ses jambes repliées dont les chairs forment des bourrelets, pend une longue queue animale. Il n’est pas évident de savoir si cette queue appartient au dieu, ou si c’est celle de la dépouille de félin qu’il porte habituellement sur ses épaules. L’arrière de la tête est masqué par une perruque longue qui s’amincit vers son extrémité et donne naissance à une boucle. La perruque à bout pointu et à enroulement trouve des échos sur certaines œuvres de la Troisième Période Intermédiaire et de la Basse-Époque, notamment une série d’amulettes (ROMANO 2011, p. 136-137, n° 202, 228, 234-237, 240, p. 587-589, 657-659, 675-685, 692-694). On retrouve cette terminaison en boucle de la perruque sur une figurine en faïence siliceuse du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre (inv. E 3091). Sur deux flacons produits dans le même matériau, le dieu présente aussi cette particularité (Musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes : inv. E 22695 : TRAN TAM TINH 1986 n° 67b p. 104, pl. 83 ; Hanovre, Kestner Museum, inv. 1993.3 : LOEBEN 2020, p. 48-49).

 

La question de la provenance de notre objet ne peut être déterminée avec assurance, puisque peu d’œuvres équivalentes en os ou en ivoire sont répertoriées. S’il peut avoir été réalisé en Égypte, la diffusion du dieu Bès au Proche-Orient, en Chypre et dans le monde grec, permet aussi d’envisager une création issue d’une sphère culturelle ayant adopté le dieu Bès. L’attribution de la figurine du Louvre à la Troisième Période Intermédiaire, et des flacons à kohol de Liverpool, du Louvre et de Hanovre, à la Basse-Époque, plaide en faveur d’une date proche pour notre objet.

 

Comparaisons

-Hanovre, Kestner Museum, inv. 1993.3 (boucle de la perruque).

-Liverpool, National Museums, inv. M11003.

-Paris, musée du Louvre, DAE, inv. 3091, inv. E 22695 (boucle de la perruque).

Historique

Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.

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