Isis Lactans

Isis allaitant Horus l'Enfant

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

TROISÈME PÉRIODE INTERMÉDIAIRE OU ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXIe - XXXIe dynastie > 1069 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 24 cm ; L. : 6,9 cm ; P. : 9,2 cm 

Co. 210

Commentaire

Etat de conservation

L'oeuvre présente un mauvais état de conservation. Le métal est très oxydé favorisant l’écaillement de l’œuvre notamment sur la couronne, les chevilles et les pieds. Les vestiges d’un parement en or sont encore visibles sur le disque solaire et dans les yeux de la déesse. La statuette est complète à l’exception du siège sur lequel elle était assise. L’extrémité des cornes de vache composant la couronne est brisée.

Description

L’œuvre représente Isis assise, allaitant son fils Horus-l’Enfant, appelé également Harpocrate. Les jambes de la déesse sont jointes et ses pieds posés à plat sur une petite base carrée. Bien que cette base creuse soit inscrite sur les quatre côtés, le texte est aujourd'hui illisible. Sa main gauche est posée sur la nuque de l’enfant, soutenant sa tête. Horus est assis sur les genoux de sa mère, les jambes jointes, les pieds ballants et les bras le long du corps. Pour faciliter l’allaitement, Isis a placé sa main droite sur son sein gauche.

La déesse est coiffée de la couronne hathorique, composée d’un imposant disque solaire flanqué de deux cornes de vache, le tout reposant sur un socle d’uraei. Cette couronne complexe surmonte une perruque tripartite ornée d’une dépouille de vautour, dont de nombreuses stries détaillent les plumes. La tête du rapace se dégage sur le front. La dépouille de vautour symbolise qu'Isis est considérée ici comme mère de roi. Le cou de la déesse est paré d’un large collier-ousekh, recouvert par les pans de la perruque tripartite qui descend dans le dos jusque sous ses omoplates. Les longues mèches de la perruque sont maintenues par des bandeaux en leur extrémité inférieure. La déesse est vêtue d’une robe moulante. Très long, son vêtement s’arrête au niveau des chevilles ; aucun détail ornemental n’est discernable. Horus est entièrement nu, à l’exception d’un bonnet orné d’un uraeus frontal. Une mèche de l’enfance se dégage du côté droit de la coiffe.

Le visage d’Isis est rond et plein. Sa partie gauche est soigneusement exécutée alors que la réalisation de la droite est plus sommaire. Les yeux sont grands et étirés, cerclés d’une ligne de fard qui se prolonge vers les oreilles. Le petit nez aquilin surmonte une bouche pincée. Le menton fuyant est horizontal et les oreilles sont grandes et hautes. Les épaules, dont la gauche est plus haute et plus large que celle de droite, se poursuivent sur des bras fins réalisés sans détail anatomique. La poitrine est petite alors que le bassin est large. Les pieds sont représentés à « l’égyptienne », c’est-à-dire qu’ils sont longs et plats. L’oxydation du métal ne permet pas de lire correctement les caractéristiques anatomiques de l’enfant. On remarque cependant que l’œil est globuleux, que les membres sont longs et fins et que le buste a été modelé par une succession de cinq bourrelets qui créent les pectoraux, le ventre rebondi et les organes génitaux. Les bras sont collés à son corps, les mains semblent sectionnées ou bien présentent un défaut de fabrication.

Sous la base, approximativement centré, un tenon métallique épais permettait de fixer la figurine sur un socle plus important, comportant en particulier le siège sur lequel s’asseyait la déesse. La longueur de ce tenon est courte et une encoche d’encastrement a été ménagée à son extrémité. La partie supérieure de cette base est feuilletée, rendant confuse sa liaison avec la figurine dont les pieds sont également très corrodés.

 

Au-delà de l’image de l’amour maternel, les statuettes d’Isis allaitant Horus illustrent un des mythes fondateurs de la civilisation et de la royauté égyptiennes. Prodiguant ses soins au fils posthume d’Osiris, Isis assure la survie de son enfant et le protège des puissances maléfiques représentées par Seth. Mécontent de n’être que le frère du roi Osiris, Seth assassine en effet son propre frère puis s’attaque à l’héritier du trône, Horus. Or Isis, experte magicienne et déesse nourricière, cache son enfant dans les marais du Delta afin d’assurer la succession. Outre la symbolique mythologique, ces statuettes représentent également l’image du roi allaité par une divinité, image connue depuis l’Ancien Empire grâce entre autres aux Textes des Pyramides qui font mention d’Isis allaitant le roi (cf. LECLANT Jean, « Le rôle du lait et de l’allaitement d’après les Textes des Pyramides », JNES 10, 1951, p. 126). C’est par cet acte maternel que la déesse offre au souverain une protection divine et le reconnaît comme étant de caractère divin. À l’origine, l’allaitement concerne exclusivement la survie du roi, avant d’être sous Montouhotep II (Moyen Empire, premier roi de la XIe dynastie) associé au couronnement pharaonique. En affirmant sa filiation au dieu Horus-enfant, il lui accorde la légitimité nécessaire pour régner. L’allaitement permet ainsi la continuité et la perpétuité de sa souveraineté.

 

À la Basse Époque, Isis obtient un culte propre qui la démarque peu à peu du mythe osirien et par conséquent des cultes funéraires. Dans la pensée populaire, elle est étroitement associée à Hathor, déesse vache incarnant la prospérité grâce à son image nourricière. Elle reprend ainsi symbolisme et attributs d’Hathor, notamment les cornes de vache flanquant le disque solaire de la couronne de cette figurine. Isis devient par la suite l’emblème de la féminité en tant qu’épouse et mère. Pour une présentation générale d’Isis, voir DUNAND Françoise, Isis, mère des dieux, Paris, 2000 puis Arles, 2008.

 

Ces statuettes, issues de commandes privées, étaient déposées dans les sanctuaires dédiés à la déesse afin d’accorder vie, prospérité et santé au dévot, comme Isis les a accordé à son fils et aux souverains égyptiens. Pour un corpus iconographique d’Isis lactans à l’époque gréco-romaine, voir TRAN TAM TIHN Vincent, LABRECQUE Yvette (coll.), Isis lactans. Corpus des monuments gréco-romains d’Isis allaitant Harpocrate, Etudes préliminaires aux religions orientales dans l’Empire romain 37, Leyde, 1973.

 

Ce type de statuette était largement répandu à partir de la Troisième Période intermédiaire. Nombre de musées en possèdent donc dans leurs collections, et en grande quantité. Nous ne donnons ici que quelques exemples datant tous de la Troisième Période intermédiaire ou de la Basse Époque.

Carlsberg Glyptotek de Copenhague : inv. n° AEIN 161 ...

Musée du Louvre, Paris : inv. n° E 3637, N 5022, AF 13341, E 3636 ...

Metropolitan Museum of Art, New York : inv. n° 17.190.1641, 45.4.3a et b, 1972.62, 04.2.443 ...

Museo Egizio di Torino, Turin : inv. n° Cat. 0154, S. 00034, S. 00033, Cat. 0156 ...

Penn Museum, Philadelphie : inv. n° E 14293, E 14328, E 502, E 504, E 880 ...

Walter Art Museum, Baltimore : inv. n° 54.415, 54.416, 54.417, 54.792 ...

Œuvres associées

Les collections du musée Rodin conservent d’autres exemples d’Isis Lactans, notamment Co. 209, Co. 1487, Co. 2370, Co. 2409, Co. 2429, Co. 2433 et Co. 5787. Cette dernière statuette présente les mêmes caractéristiques ainsi qu’une manufacture similaire à l’œuvre Co. 210.

Inscription

Un texte était inscrit sur les quatre côtés de la petite base. L'oxydation du métal rend ce texte aujourd'hui illisible. 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 259, "Isis allaitant. Disque et cornes. Le siège manque, sous la base un tenon. Bronze ayant gardé quelques traces de dorure, mais très oxydé ; haut. 25 cent. Estimé cinquante frs."

Donation à l’État français en 1916.

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