ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 3,7 cm ; L. : 1,5 cm ; Pr. : 4,7 cm
Co. 1234
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 3,7 cm ; L. : 1,5 cm ; Pr. : 4,7 cm
Co. 1234
La figurine présente un mauvais état de conservation.
La surface est très oxydée, particulièrement sur la tête et autour du cou, et les détails sont patinés. Un début de corrosion est visible sur le dessus de la petite base et sous le ventre de l’animal. Cette corrosion est aujourd’hui stabilisée. L’oreille droite, l’extrémité des cornes et la partie arrière de la plaque sont manquantes. On note enfin quelques griffures sur le flanc gauche.
La statuette figure un taureau Apis. Il se tient sur une plaque rectangulaire dans la position de la marche apparente, c’est-à-dire les pattes antérieures et postérieures gauche en avant. Le taureau et la base ont été moulés d’un seul tenant. Cette petite base était destinée à être fixée sur un autre socle, disparu aujourd’hui.
La face de l’animal est triangulaire. Les cornes, particulièrement érodées, se détachent à peine du chignon (pour le vocabulaire général anatomique des bovidés, voir le site internet suivant). Elles surmontent des oreilles arrondies. Plus à l’avant, les arcades sourcilières se démarquent par une excroissance du métal. Le profil des cavités oculaires proprement dites est aujourd’hui trop usé pour être visible. Le museau est long, à l’extrémité arrondie. Seule l’ouverture de la gueule y est encore discernable. L’encolure du taureau est étroite, plusieurs stries verticales rendant les plis du cou comme on peut le voir sur d’autres œuvres conservées au musée Rodin, Co. 798, Co. 807, Co. 2395 et probablement aussi Co. 5629. La gorge se poursuit sur un poitrail relativement émacié. Le ventre est simplement figuré mais les parties génitales matérialisées afin d’attribuer l’œuvre à un sexe précis. Le dos de l’animal est tout aussi simplement rendu. La queue épaisse se dégage de la croupe. Suivant le mouvement naturel de la marche, la queue est balancée vers la patte postérieure droite, à laquelle elle est collée. Notons cependant que la corrosion a comblé l’espace originellement creux entre la cuisse et la queue. Les quatre pattes sont traitées avec lourdeur. La figuration de l’ergot sépare la patte du sabot. Les pattes arrière présentent un détail ignoré sur les pattes avant, le genou particulièrement haut ici.
Les statuettes d’Apis en bronze ont été produites abondamment et parfois même en série, notamment à la Basse-Époque. La statuette du musée Rodin présente une manufacture assez rudimentaire, indice probable d’un moulage en série. Les détails caractéristiques à une représentation de taureau Apis sont néanmoins rendus, notamment le pan de peau sous le poitrail, les parties génitales et les plis du cou. Ces marques particulières permettent l’identification immédiate de la figure représentée, celle d’un taureau Apis. La statuette est assez statique bien que l’artisan ait essayé de rendre le mouvement. La plupart du temps, Apis est représenté sous la forme d’un taureau marchant, un disque solaire entre ses cornes. Mais d’autres figurations de ce dieu ont pu être utilisées. Par exemple, un homme à tête de taureau tenant le sceptre ouaset la croix ankh, ou encore une momie humaine à tête de bovidé. C’est à partir de la Basse-Époque que de nouveaux attributs viennent compléter l’iconographie du taureau, notamment un scarabée ailé sur son garrot, un vautour ailé sur sa croupe et une couverture ornée de franges protégeant son dos. Pour une description des caractéristiques d’un taureau Apis, voir la notice de Luc Delvaux du bronze Musée royal de Mariemont Inv. B.485, acheté par Raoul Warocqué en 1912 à Albert Daninos Pacha (DELVAUX Luc, « Apis », in Cl. Derricks, L. Delvaux (éd.), Antiquités Égyptiennes au Musée royal de Mariemont, Morlanwelz, 2009, p. 185-186).
Attesté dès le règne de l’Horus Aha à la première dynastie, le culte du taureau Apis est aussi ancien que l’est la civilisation égyptienne. De par cette longévité, il s’enrichit de nombreuses associations avec d’autres dieux. Vénéré particulièrement à Memphis, il est naturellement associé à Ptah, dieu local, dont il devient le « héraut » à partir du règne d’Amenhotep III à la XVIIIe dynastie. Lié à l’origine à la fécondité et par conséquent à la fonction royale, il ajoute à ses marques reconnaissables un disque solaire entre ses cornes, orné d’un ou de deux uraeisymbolisant son affiliation au dieu Rê. Cette association au dieu solaire se retrouve chez un autre bovidé, le taureau Mnévis d’Héliopolis, possédant également un disque solaire entre les cornes. Ces deux taureaux sont souvent confondus en l’absence d’inscriptions qui identifieraient clairement le dieu figuré. Apis obtient aussi des prérogatives funéraires en se fondant avec Osiris et devient Osirapis, qui bien plus tard donnera le dieu Sérapis.
Apis faisait partie des « uniques », c’est-à-dire « une bête choisie parmi ses congénères de la même espèce pour être l’hypostase de la divinité de la cité. » (cf. CHARRON Alain (dir.), La mort n’est pas une fin, Pratiques funéraires en Égypte d’Alexandre à Cléopâtre, Catalogue d’exposition, 28 septembre 2002-5 janvier 2003, Musée de l’Arles antique, Arles, 2002, p. 176). Ce qualificatif lui offrait de nombreux avantages, notamment le fait d’être couronné, de posséder un culte propre, d’être entretenu et bien traité, ainsi que d’avoir des funérailles dignes d’un dieu.Toutefois, les uniques n’étaient pas des dieux à part entière mais étaient des ouhem. Ce mot traduit généralement par « héraut » faisait de l’animal un intermédiaire entre les hommes et les dieux. Il avait un rôle de médiateur, chargé de transmettre au dieu les prières des dévots et parfois possédait un rôle d’oracle.
« Cet Apis-Épaphos est un taureau né d’une vache qui ne peut plus par la suite avoir d’autre veau. Les Égyptiens disent qu’un éclair descend du ciel sur la bête qui, ainsi fécondée, met au monde un Apis. Le taureau qui reçoit les nom d’Apis présente les signes suivants : il est noir, avec un triangle blanc sur le front, une marque en forme d’aigle sur le dos, les poils de la queue double et une marque en forme de scarabée sous la langue. » Bien qu’Hérodote (L’Enquête, III, 28, trad. A Barguet) le décrive comme tel, les très nombreuses stèles découvertes par Mariette au Sérapeum le figure à la robe blanche tachetée de noir.
Né d’une vache elle-même considérée comme manifestation d’Isis (voir CASSIER Charlène, « Vaches sacrées dans l’ancienne Égypte. Quelles vaches ? Quels rôles ? », Égypte, Afrique et Orient 66, 2012, p. 15-20), Apis vit entouré de son harem et de sa mère dans un enclos sacré, le sekos, dans l’enceinte du temple de Ptah à Memphis. À sa mort, il recevait tous les hommages généralement réservés aux hommes et était enterré dans des tombes indépendantes à Saqqarah jusqu’au règne de Ramsès II. Puis, son culte prenant une importance considérable, notamment à la Basse Époque, période à laquelle on retrouve d’innombrables statuettes en bronze le représentant, un immense réseau de couloirs souterrains, aujourd’hui appelé le Sérapeum, est aménagé dans la nécropole memphite. Immédiatement après la période respectueuse d’accomplissement des rites funéraires de 70 jours, un nouvel héraut était recherché parmi les troupeaux d’Égypte.
À la mort du taureau, de nombreuses statuettes en bronze étaient commandées, moulées et présentées en offrandes, en particulier sur les lieux de culte du Sérapeum, afin de demander au dieu d’accorder ses bienfaits et sa protection au commanditaire. La figurine Co. 1234 serait donc un témoignage de dévotion personnelle. Elle était peut être aussi intégrée dans un groupe divin, comme celui de la Glyptothèque Ny Carlsberg de Copenhague dont la collection égyptienne a été constituée à une époque et dans un contexte proche de celle d’Auguste Rodin. Si l’assemblage a été très vraisemblablement réalisé pour le marché de l’art, les statuettes sont d’origine. Dans ce groupe reconstitué, une déesse ailée (Isis ?) protège des ses ailes étendues un taureau Apis devant trois orants agenouillés (Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague, ÆIN 1464, acheté par Carl Jacobsen à Paris en 1912, voir JØRGENSEN Mogens, Catalogue EgyptV. Egyptian Bronzes Ny Carlsberg Glyptotek, s. l., Ny Carlsberg Glyptotek, 2009, cat. 67, p. 200-201).
Les collections du musée Rodin conservent plusieurs statuettes du taureau Apis, Co. 798, Co. 807, Co. 2369, Co. 2395 et Co. 5629. Les œuvres Co. 2369 et Co. 5629 sont à rapprocher de Co. 1234 par le style et la finesse de l’objet.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Meudon, pavillon de l'Alma, vitrines 23 et 24, 523, "Petit taureau sur base rectangulaire plate, le disque manque, bronze. Haut. 4 cent. Long. 4 cent. 1/2. Estimé dix francs."
Donation Rodin à l'État français 1916.
L'objet était exposé du vivant de Rodin dans une vitrine du pavillon de l'Alma à Meudon.