Egypte > Provenance inconnue
Nouvel Empire
Calcaire polychrome
H. 18,7 CM ; L. 12 CM ; P. 5,6 CM
Co. 900
Egypte > Provenance inconnue
Nouvel Empire
Calcaire polychrome
H. 18,7 CM ; L. 12 CM ; P. 5,6 CM
Co. 900
La figurine est cassée au niveau des genoux. Le modelé est fortement émoussé. Une cassure profonde s’étend du haut du front jusqu’au sommet du crâne. De la terre de fouille fut retrouvée conservée dans les creux. Le revers de l’œuvre est actuellement dépourvu de traces d’outils ou de polychromie.
Il s’agit d’une figure féminine reposant sur une plaque représentant probablement un lit dont les contours sont sculptés autour d’elle. La tête repose sur un oreiller qui épouse les formes de la perruque. La perruque est composée de plusieurs tresses réparties en deux grosses mèches descendant depuis le sommet du crâne jusque sur les oreilles. Ces deux grosses mèches se terminent en de larges boucles qui remontent vers le visage. Les oreilles sont cachées par la perruque. On remarque deux traits horizontaux et parallèles entre la perruque et le haut du front marquant ainsi la présence d’un bandeau. Un cône, dont la partie gauche est cassée, repose en haut de la tête. Des restes de pigments noirs sont présents dans la partie droite de la perruque qui possède les détails les mieux conservés de la sculpture. Les traits du visage sont fortement émoussés et l’on ne distingue plus que deux petits trous indiquant les yeux. Une trace ocre est visible entre la tempe et la joue droites. Le corps est allongé sur le dos, le bras gauche le long du corps et le bras droit replié sur la poitrine. Un coussin adoptant la forme du bras est placé sous la partie droite du corps. Il va du bas de la perruque et disparaît sous le coude. Le bras droit est mince, le pouce et l’index bien dessinés. Les seins sont petits et seules les parties saillantes du gauche sont encore visibles. Le bras gauche est recouvert d’un tissu qui descend jusqu’au poignet, laissant le pouce et l’index apparent. Sur le bras repose la représentation d’un enfant nu. L’enfant, dont rien ne permet de connaître le sexe avec certitude, est mince, ses jambes, ballantes, collées l’une contre l’autre, son bras gauche reposant le long de son corps et sa main droite placée sous la main droite de la figure féminine. Sa tête est posée entre le sein et l’épaule gauche de la figure féminine. Elle est très abîmée et il n’est pas possible de distinguer les traits de son visage. Sa tête est placée dans la main gauche de la femme qui lui tend son sein. Le ventre est légèrement saillant, le nombril indiqué par un petit trou. On observe une petite cassure à gauche du nombril. Les contours du pubis sont dessinés, les poils ne sont pas représentés. Une cassure est visible entre la ligne intérieure du pubis et le haut de la cuisse gauche. Une autre cassure en haut de la cuisse droite. Les cuisses sont fines mais saillantes. La cuisse droite est abîmée sur le côté extérieur, sur la face et au niveau du genou. La cuisse gauche est abîmée au niveau du genou. Des traces de pigments noirs sont visibles sur les contours de la sculpture, notamment sur la partie droite du corps de la figure féminine. Le sillon marquant la limite entre les cuisses conserve des restes de pigments rouges. Les contours du bras droits ainsi que de la main de la figure féminine possèdent des restes de couleur ocre. Il en va de même pour les contours de l’enfant.
La figurine Co. 900 appartient au type 6c établi par Géraldine Pinch. Il s’agit de figurines féminines attestées dès le début du Nouvel Empire et retrouvées dans la très grande majorité en contexte domestique et funéraire. Seul un nombre infime fut retrouvés au sein de sanctuaires hathoriques. Ce type de figurine est produit jusqu’au cours de la période ramesside. Ces figurines s’inscrivent dans deux traditions artistiques égyptiennes : celles des figurines féminines en général et celle des figurines allaitantes. Les figurines représentant des femmes nues sont connues en Egypte depuis l’époque Prédynastique, leurs caractéristiques ayant évolué jusqu’à l’époque gréco-romaine. Pendant longtemps, ces figurines féminines étaient étroitement associées à la sexualité masculine. Leur présence dans les tombes pourrait en effet indiquer qu’elles avaient pour rôle de revivifier le défunt et donc de renaître dans l’au-delà à l’image d’Isis revivifiant Osiris en s’unissant à lui, lui permettant donc de se régénérer en la personne de son fils Horus. Les figurines féminines auraient donc eu un rôle similaire à jouer vis-à-vis du défunt, d’où l’importance de leur nudité et de l’insistance sur leurs attributs sexuels. Les figurines ont ainsi été considérées pendant longtemps comme étant des « concubines du mort ». Néanmoins, la présence de ces figurines dans des tombes de femmes ainsi qu’en contexte domestique et au sein de sanctuaires impose de nuancer cette théorie. Le type 6 établi par Pinch, dont la figurine Co.5842, inclut exclusivement des figurines reposant sur des lits. Ainsi, il semblerait que la sexualité ne soit pas l’unique aspect mis en valeur mais également la fertilité et la maternité. Les figurines féminines, dans leur ensemble sont étroitement associées à la déesse Hathor. En effet la totalité des figurines féminines ont des sanctuaires dédiées à Hathor, à l’exception du type 6b qui y est beaucoup moins présent. Aussi, bien qu’elles ne puissent pas toutes représenter la déesse elle-même, car si certains types de figurines, y compris le type 6 de Pinch, peut présenter des similitudes avec les attributs de la déesse, notamment en ce qui concerne la forme de la perruque, l’évolution des coiffures des figurines semblent davantage refléter l’évolution de la mode féminine que la volonté de représenter la déesse. Hathor est la déesse de la féminité, de la fertilité, de la fécondité, de l’amour ainsi que la protectrice des défunts. Son culte, particulièrement important au cours de l’Ancien et du Moyen Empire, inclut différentes institutions religieuses regroupant des officiantes particulièrement actives lors des rites liés à la naissance et à la mort. La plupart des figurines féminines datant du Moyen Empire et de la Deuxième Période Intermédiaire représentent, selon vraisemblance, certaines de ces officiantes dédiées à la déesse. Leur présence dans des maisons, des tombes et des temples permettaient de recréer perpétuellement les rituels hathoriques exercés par ces prêtresses. Ces figurines féminines étaient donc fort probablement des catalyseurs utilisés lors de rituels hathoriques et placés ensuite entre les mains de la déesse Hathor afin qu’elle facilite la fécondité et la naissance, qu’elle protège les enfants ainsi que les défunts, leur permettant de renaître dans l’au-delà. Ces figurines étaient ensuite déposées en différents contexte en fonction des souhaits des personnes les dédiant à la déesse, d’où leur présence dans des maisons, des temples et des tombes.
Le type 6b de Pinch présente une particularité importante, celle de l’allaitement. Le vocabulaire égyptien est riche de termes désignant l’allaitement et les nourrices. Plusieurs termes désignent le rôle de la mère, selon que l’on conçoive ce rôle comme purement héréditaire ou biologique. Le terme menat est généralement traduit par celui de nourrice. De même, plusieurs termes font référence au fait d’allaiter et de téter. L’allaitement est un thème iconographique qui apparaît dès la période Prédynastique qui voit la production de statuettes en ivoire représentant des femmes portant un enfant à leur poitrine. Dès le Moyen Empire, ce sont les figurines d’Isis-lactans (exemple de figurine conservée sous le numéro d’inventaire 17.190.1641 au Metropolitan Museum of Art de New-York http://www.metmuseum.org/art/collection/search/553034), figurant la déesse donnant le sein à son fils Horus. La nourrice est un personnage fondamental de la société. Le thème de l’allaitement est présent sur une grande variété d’objets apotropaïques tels des vases anthropomorphes. Elles exercent, envers la mère et l’enfant, la fonction d’auxiliaires médicale, capable de les soigner et protéger physiquement et magiquement. Le lait est d’ailleurs un aliment porté en haute estime. Il apaise la faim et la soif et possède, en raison de la pureté de sa blancheur, de nombreuses vertus curatives. L’offrande de lait par le roi aux dieux est bien connue et permet la régénération des divinités. Le lait de femme est assimilé au lait des déesses et est tout particulièrement respecté celui d’une femme venant d’accoucher d’un garçon, comparé au lait d’Isis allaitant Horus. Dans la royauté, les nourrices possèdent un statut élevé. Chaque prince et princesse possède sa propre nourrice et l’on connait des représentations de rois sur les genoux de leur nourrice comme celle de Touthankhamon et sa nourrice Maïa. Les nourrices royales sont organisées en groupe dirigé par les « grandes nourrices », elles-mêmes sous la supervisions de la « grande intendante des nourrices ». Le titre de nourrice peut également être honorifique et accordé à une prêtresse qui devient alors la nourrice d’un dieu-enfant. Si Isis apparaît dans l’iconographie comme la déesse allaitante par excellence, cette fonction nourricière peut être exercée par d’autres déesses, comme Thouéris, Bastet Hésat Nephtys ou encore Iati, désignée dans les Textes des Pyramides comme la divine nourrice du roi défunt. Hathor est bien sûr également une divinité nourricière puisqu’elle possède les titres de « Nourrice parfaite, jeune fille, Dame du lait blanc, Maîtresse de la Demeure de l’engendrement », d’après une inscription du temple d’Edfou. L’allaitement fait partie de la royauté et est indispensable à la personne du roi tout au long de sa vie. En effet, le prince hériter est nourri à sa naissance par les divinités nourricières afin de le faire grandir comme un dieu. Le lait est ici considéré comme le transmetteur de la royauté et de la divinié. Transmission effectuée donc par les déesses à la personne du roi. Le thème de l’allaitement réapparaît au moment du couronnement puisque le roi, devenu un dieu accompli, obtient donc la capacité nourricière envers l’humanité et devient donc lui-même la « nourrice des hommes ». L’allaitement devient à nouveau indispensable au moment de la mort afin de le faire renaître dans l’au-delà, comme indiqué dans les Textes des Pyramides. Le sein est évidemment dans l’imaginaire égyptien un symbole d’abondance et de prospérité au même titre que d’autres parties du corps humain.
La Co. 900 est donc un très bel exemple de cette iconographie fondamentale à la fois au sein de la sphère royale et de l’ensemble de la société. Ses caractéristiques esthétiques, à l’instar de sa coiffure, semble indiquer qu’elle fut réalisée au début du Nouvel Empire, bien que son visage conserve la rondeur typique du Moyen Empire. On remarque que la position adoptée pour effectuer l’allaitement n’est pas naturelle. L’objet n’avait donc pas vocation à décrire visuellement la façon naturelle d’allaiter mais plutôt d’immortaliser la symbolique contenue dans ce geste. Sa fonction était probablement apotropaïque et il est possible qu’elle représente la mère et l’enfant à protéger. Les traces de pigments retrouvés sur le corps de la femme et de l’enfant peuvent indiquer l’éventuel présence initiale de tatouages comme ceux retrouvés sur d’autres figurines du corpus.
La figurine Co.900 est la seule figurine féminine allaitante conservées dans la collection du musée Rodin. Les autres figurines féminines datant de l’époque classique que possède la collection, à savoir les figurines Co. 2481, Co. 3052 et Co. 2610 ne sont pas représentées avec des enfants.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
Donation Rodin à l’ État français en 1916.