Provenance > Égypte
Datation > Basse Époque – Époque hellénistique
H. 54,5 cm ; L. 143 cm ; P. 5,8 cm
Calcaire
Co. 1409
Provenance > Égypte
Datation > Basse Époque – Époque hellénistique
H. 54,5 cm ; L. 143 cm ; P. 5,8 cm
Calcaire
Co. 1409
L’état de conservation de l’œuvre est assez bon mais fragmentaire. Dans son état actuel, elle s’apparente à un linteau. Cependant, seul le chant droit, irrégulier, semble original. Les autres chants sont des cassures, ils ont visiblement été repris pour être aplanis (des traces d’outil et de râpe sont bien visibles). Le chant inférieur présente aussi des griffures modernes. L’angle supérieur droit a été emporté par une grande cassure, tandis que de nombreuses épaufrures marquent les bordures, en particulier les bords supérieur et gauche.
Les volumes et les modelés des scènes, principalement sculptées en relief dans le creux (motifs descendus par rapport au fond), sont très émoussés. De nombreux coups de pointes et de ciseau plat zèbrent la surface, en particulier la partie centrale et la moitié supérieure droite. Le revers présente également différentes traces d’outils.
Il subsiste des traces de la polychromie originale, parfois recouvertes par la terre de fouille (notamment dans les creux des reliefs) : des pigments bleus sur les lignes de sol, le pourtour des sabots des vaches et l’offrande tenue par le personnage de droite, des pigments rouges sur les chairs du roi et sur la coiffe divine. Les restes conservés sont très fragiles.
Le relief a été cassé en deux fragments, peut-être lors de sa dépose ou de sa « découverte », quoiqu’il en soit avant 1913 puisque l’inventaire établi par Boreux mentionne ces deux fragments (a et b).
Il a été de nouveau cassé sur le chant supérieur, au niveau du sommet de la coiffe de la vache gauche.
On peut voir sur la photographie du catalogue d’exposition Rodin Collectionneur (pl. 5) la ligne de cassure qui divise le relief – placé dans un cadre en bois réalisé par Kichizo Inagaki – en deux fragments. Sans doute lors du changement de système de présentation par la Maison André, suite à l’exposition, l’œuvre a été brisée, comprenant désormais sept fragments (probablement au cours du démontage du cadre en bois) qui ont été recollés.
Le relief est composé de deux scènes symétriques affrontées représentantant un roi face à une divinité prenant l’apparence d’une vache. Au centre, le roi se tient debout, dans l’attitude de la marche, dans les deux cas tourné vers l’extérieur du relief. Il lève l’un de ses bras, paume vers l’animal divin, en signe d’adoration et lui présente une offrande de l’autre, à droite un vase-nou contenant du vin et à gauche un petit pain blanc conique.
Le roi est coiffé d’un nemes rayé (lignes incisées obliques parallèles), orné d’un uraeus sur le front ; l’extrémité inférieure du catogan est figurée dans son dos. Il est paré d’un collier large ainsi que de bracelets aux poignets et en haut des bras. La musculature du torse est bien marquée, mais peu rendue dans le relief, et sa taille fine contraste avec la forte envergure de ses épaules. Le roi porte un pagne court à projection, formant une pointe à l’avant, maintenu en place par une ceinture à boucle, à l’arrière de laquelle une queue animale est attachée. Cet élément du costume des divinités masculines et des souverains égyptiens est généralement interprété comme une queue de taureau qui permet à celui qui la porte de s’attribuer la force physique et la puissance sexuelle de l’animal.
Les deux vaches, clairement identifiables comme des femelles grâce à leurs pis, présentent la même iconographie : elles sont figurées debout, tournées vers l’intérieur du relief, dans l’attitude de la marche apparente. Leurs longues cornes lyriformes enserrent un disque solaire peint en rouge, surmonté de deux hautes plumes d’autruche, également peintes en rouge. Le sculpteur a pris soin d’ajouter certains détails : tous les sabots sont fendus, la queue semble tressée à partir de la croupe puis incisée de lignes obliques parallèles, les naseaux et les coins des yeux sont également marqués dans la pierre. La technique du relief dans le creux est particulièrement poussée pour ces divins ruminants qui sont animés d’un subtil modelé
Le pain de l'offrande est à la base de l’alimentation égyptienne et constitue l’élément principal de plusieurs rites. Il occupe une place d’honneur dans les offrandes faites aux dieux, aux rois et aux défunts et sa simple évocation sert parfois à elle seule à résumer toutes les offrandes alimentaires. Le pain blanc occupe une place à part dans le paysage religieux : de par sa forme, il évoque le benben – tout comme les pyramides et les obélisques –, le tertre primordial émergé du Noun sur lequel est apparu le soleil Atoum dans la cosmogonie héliopolitaine. Il revêt donc une forte connotation solaire, à laquelle s’ajoute l’idée de régénération royale. Produit de luxe consommé par les membres de l’élite, le vin fait partie des boissons servies lors des banquets funéraires et compte parmi les offrandes. Il est présenté dans les vases-nou. Cette boisson peut aussi être mise en relation avec l’idée de vie et de régénération puisque son effet désinhibiteur amène ses consommateurs à profiter de la vie jusqu’à la créer. De plus, par l’ivresse qu’il procure, le vin a également des vertus apaisantes, notamment sur les dieux, comme en témoigne le mythe de la Lointaine. Dans certaines versions du récit, l’Œil de Rê, c'est-à-dire la déesse Hathor, sous la forme de la déesse lionne Sekhmet, ivre de rage à l’égard des humains qui avaient comploté contre son père, les massacre. La déesse ne peut être apaisée qu’au moyen d’une ruse : une boisson alcoolisée mélangée avec une substance rouge, qu’elle prend pour du sang, boit et s’enivre. Le choix de ces deux offrandes ne semble donc pas anodin.
Si les deux représentations de pharaon sont identiques, il n’en va pas de même pour la déesse bovine. La vache de droite, plus grande d’environ 4 cm, présente néanmoins une tête plus petite, exécutée avec plus de finesse ; l’oreille est plus fine et plus détaillée puisque les poils en sont figurés par de courtes incisions parallèles.
De manière générale, les déesses bovines évoquent les pouvoirs de création et de fécondité, raison pour laquelle un certain nombre de déesses mères et de déesses célestes – parce qu’elles donnent naissance au soleil dans les cosmogonies – apparaissent sous cette forme. En l’absence de texte, il est impossible de déterminer quelle déesse est représentée en face du roi : il pourrait tout autant s’agir d’Hathor ou d’Isis que d’entités moins connues comme Hésat, Sekhat-Hor, Méhet-Ouret, Ihet, voire de la déesse Neith sous sa forme de vache céleste.
Notons que l’animal n’est pas placé sur un socle qui lui est propre ; cette convention signale que la figure divine est en réalité une statue devant laquelle on exécute le rite. Si le socle n’est pas toujours indiqué dans l’art égyptien, nous pouvons néanmoins supposer que le roi fait offrande à la déesse elle-même, et non à son image, puisque des liens particuliers unissent le roi d’Égypte et les dieux.
Nous pouvons également envisager la possibilité que la vache figurée ici soit un animal de chair et d’os, l’un des animaux sacrés que les Égyptiens vénéraient en tant que « ba vivant » d’une divinité (concernant les animaux sacrés en général, consulter CHARRON, 2002 ; pour les vaches sacrées, voir CASSIER, 2012). Par exemple, Strabon (Géographie XVII, 1, 35) nous informe de l’existence d’une vache sacrée à Aphroditopolis (XXIIe nome de Haute Égypte), ce que les textes égyptiens et surtout les fouilles d’Atfih, nom moderne de la localité, ont confirmé. C’est là que se trouve l’Hésateum, la nécropole des vaches blanches Hésat, qui étaient le réceptacle vivant de la déesse Hathor. Il existait également un temple, nommé hout-Hésat, où devait se dérouler leur culte funéraire.
Dans les deux scènes, le roi est séparé de la déesse par une table d’offrandes sur laquelle reposent quatre pains ronds surmontés d’une fleur de « lotus » (en réalité un nénuphar). Le plateau de la table semble lui-même prendre la forme d’une ombelle de papyrus. La qualité d’exécution diffère grandement du reste du relief : le sculpteur a réalisé ces tables d’offrandes non pas en relief dans le creux mais par de simples incisions, comme s’il s’agissait d’un travail préparatoire. De plus, dans les deux cas, le pied de la table d’offrandes est figuré derrière la patte la plus avancée de la vache. On pourrait penser que le sculpteur a tenté de rendre ici l’idée de profondeur. Cependant, si les « concessions » à la réalité par la mise en place d’une vision perspective – par opposition à la vision aspective utilisée dans l’art égyptien – sont courantes pour les figures considérées comme secondaires, elles restent rares en ce qui concerne les protagonistes principaux, en particulier les figures divines et royales. Sans compter que la table d’offrandes est présentée à la divinité et ne saurait en aucun cas être placée à côté ou derrière elle. On en retire l’impression que ces tables d’offrandes ont été rajoutées dans un espace qui n’était pas prévu, ou du moins pas envisagé assez grand, pour les accueillir. Cela est confirmé par la disposition des offrandes : dans la scène de gauche, où la vache est plus petite, les pains semblent alignés et non disposés en deux rangées étagées comme dans la scène de droite ; de même, la fleur est beaucoup moins grande et moins épanouie à gauche. Le sculpteur semble donc avoir éprouvé beaucoup de difficultés à insérer ces tables d’offrandes, en particulier dans la scène de gauche.
D’autres curiosités viennent marquer le relief. Les deux scènes prennent place sur une ligne de sol discontinue, qui n’est pas gravée entre les deux groupes. Elles ne sont donc pas reliées entre elles, ce qui constitue une anomalie pour ce type de scènes, dont on trouve l’un des exemples les plus connus sur le linteau de Médamoud, conservé au musée du Louvre (E 13938). À cela s’ajoute une ligne incisée perpendiculaire à cette ligne de sol, dans la partie droite de l’œuvre, dispositif qui ne se retrouve pas ailleurs. À l’extrémité droite du fragment, on observe une ligne incisée verticale discontinue, constituée de tirets. Peut-être cette ligne, sans doute inachevée, était-elle prévue pour marquer la délimitation avec une autre scène ou une inscription.
Le revers est très endommagé mais lisse. S’il est difficile d’établir si les traces d’outils sont liées exclusivement aux différents soclages ou si certaines peuvent être imputées à une dépose moderne, la couleur plus claire de la pierre nous incite à penser que le relief a bien été prélevé sur un bloc plus épais.
De par son format allongé et sa composition, l’œuvre Co. 1409 se rapproche d’un élément structurel et décoratif qui prend place dans les bâtiments : le linteau, comme le linteau de Médamoud évoqué plus haut. Ce relief pouvait-il, en l’état, décorer une structure cultuelle ? Il arrive de trouver dans les temples des décors laissés inachevés, auxquels il manque notamment les inscriptions. Cependant, la somme des différentes anomalies que nous avons mises en évidence – la différence de taille entre les deux vaches, la table d’offrande qui ne semble pas à sa place, l’impression globale d’inachèvement et de déséquilibre – ainsi que l’absence totale de texte nous amènent à envisager une autre hypothèse. Il pourrait s’agir d’un exercice de sculpteur, provenant d’un atelier, sur lequel au moins deux mains différentes auraient travaillé, l’un des sculpteurs étant moins expérimenté que l’autre. Cet exercice aurait eu pour but de préparer la réalisation d’un linteau qui aurait ensuite été placé dans le lieu de culte d’une déesse voire d’une vache sacrée.
Aucune.
Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian en 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 74 a et b, "Bas relief en deux morceaux, représentant à gauche le roi tourné vers la gauche offrant [dessin] à la vache sacrée tournée vers la droite, à droite ce même roi tourné vers la droite offrant le vase [dessin] à cette même vache tournée vers la gauche. Dans les deux cas le roi et l’animal sont séparés par une table d’offrande. Calcaire. a/ Largeur 82 cent. Haut. 52 cent. b/ Larg. 62 ; Haut. 53 cent. Estimé mille cinq cent francs."
Donation Rodin à l'État français 1916.
Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.