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Relief en creux

Scène de consécration des coffres-meret par Ramsès Ier

Égypte > Provenance inconnue
Nouvel Empire > Ramsès Ier ou postérieur, XIXe dynastie
H. 59 CM ; L. 60,5 CM ; P. 10 CM 
Calcaire polychromé
Co. 5879

Comment

State of preservation

L'oeuvre est en bon état de conservation. Ce bas-relief fragmentaire, monolithe, est taillé dans une pierre calcaire. Le revers a été aplani, avec des traces de ciseau et de gradine à grain d’orge. Les chants présentent des plans droits. L’état de conservation de la face décorée est assez médiocre. En surface, de nombreuses traces d’altération, des cassures et des zones de piquetage rendent les détails moins visibles. Un enduit rosé, partiellement conservé, modèle le visage du roi. Rien ne permet de déterminer si cet enduit est antique, ancien, ou appliqué lors d’une restauration. Par endroits, le relief apparaît ocre rouge.

Description

Dans une scène représentée en léger creux, l'image d'un pharaon est conservée. Bien que la représentation soit coupée au niveau du torse, il est possible de restituer qu'il est figuré debout, tourné vers la droite. Le souverain projette vers l'avant son bras gauche - le seul conservé sur ce bloc - de manière quasi-horizontale. Son visage, sur lequel des restes de pigments sont encore visibles, a été mutilé intentionnellement sans qu'il soit possible d'en déterminer l'époque.
 
Le roi est vêtu d’une tunique ample et transparente à manches courtes et coiffé du khepresh. Placé au ras de son cou, un double rang de perles circulaires se remarque. Sous ce bras tendu, deux petites plumes obliques sont visibles. Si l'état du bloc ne permet pas d'appréhender l'attitude complète du souverain, une pancarte, placée en haut et à droite,  mentionne sa titulature et permet de l'identifier. La scène représente le pharaon Ramsès Ier, fondateur de la XIXe dynastie et grand-père du très célèbre Ramsès II. La disposition spaciale du texte de la pancarte, organisée en colonnes et lignes affrontées, atteste de la bonne connaissance de la langue hiéroglyphiques du scribe-graveur.
 
Ramsès Ier, de son nom de naisssance Paramessou, était avant son accession au pouvoir, issu d’une famille de militaires et  fils d’un certain Séthi « dignitaire et chef de troupe ». La récurrence de l’anthroponyme « Séthi » (‘celui du dieu Seth’) dans sa lignée laisse penser que la famille était originaire du nord-est du Delta, de la région d’Avaris ou de Tjarou où cette divinité était particulièrement populaire, notamment depuis la Deuxième Période intermédiaire. Cette région d'Avaris correspondait en effet à la capitale du royaume des Hyksôs, une population d'origine cananéenne qui portait une vénération particulière à Seth, dieu égyptien considéré comme l'avatar local du dieu Baâl. Le fait que Paramessou se soit vu confier la direction des postes-frontières du delta oriental est également être l'indice de son lien important avec cette région (SOMAGLINO 2014)
 
Membre éminent  de l’armée égyptienne, ayant notamment pris part aux transactions avec l'empire hittitite d'une part et, plus largement, à l'ensemble des relations égypto-levantines d'autre part, Paramessou a aussi exercé des fonctions civiles et religieuses qui allaient de pair avec la charge de vizir qu'il assuma pendant le règne d'Horemheb. Ce dernier, ultime roi de la XVIIIe dynastie, s'était emparé du pouvoir pendant la crise de succession qui suivit le décès d'Akhenaton. N'ayant pas eu d'enfant lui-même, Horemheb désigna comme successeur son homme de confiance et vizir Paramessou, qui accèda au trône sous le nom de Ramsès "celui qui a été enfanté par Rê".
 
D’un point de vue stylistique, le bloc Co. 5879 livre une iconographie typique de la période post-amarnienne et du début de l’époque ramesside. Néanmoins, les monuments datés du règne de Ramsès Ier étant rares, peu de parallèles peuvent être énoncés. Monté tardivement sur le trône d’Égypte, il ne régna en effet qu’un an et quatre mois selon la tradition issue de Manéthon. Cette durée de règne – très limitée – ne lui permit pas d’achever ses programmes architecturaux. Ses seules réalisations notables consistèrent donc en la poursuite des travaux d’Horemheb à Karnak et au Sinaï. Sur le site d’Abydos, son fils Séthi Ier réalisa pour lui une petite chapelle, à proximité de son propre temple mémoriel. Cet édifice en calcaire mesurait environ sept mètres sur quatre et était entouré d’une enceinte en briques crues (WINLOCK 1921). La comparaison avec plusieurs blocs de ce monument conservés au Metroplitan Museum of Art (MMA 11.155.3 ; MMA 11.155.3b ; MMA 11.155.3a), permet cependant de constater que celui du musée Rodin s’en distinguerait stylistiquement. On remarque en particulier une différence dans le traitement de l’inscription, aux signes traités en creux et non pas gravés en relief comme dans la chapelle d’Abydos, ou encore dans le traitement de l’œil.
 
Dès les hautes époques, le roi assumait une relation privilégiée avec les dieux. Il était le premier desservant du culte, un rôle qu’il déléguait aux prêtres dans les différents sanctuaires du pays. Ses différentes actions religieuses sont ainsi régulièrement dépeintes dans les temples et correspondent à différents rituels (voir par exemple, pour le temple de Karnak, les scènes du mur extérieur de Thoutmosis III, gravées sous le règne de Ramsès II (Enceinte sud, Face sud). La présence de deux plumes, en bas à droite du bloc de Rodin, permet de supposer que le rite représenté est celui de la consécration des quatre coffres-meret (CAUVILLE 2011, p. 216-217). Ce rituel apparaît sous le règne d’Antef V Noubkheperrê, à la XVIIe dynastie, et est encore connu à l’époque romaine sous l’empereur Néron (EGBERT 1998). Son iconographie est globalement codifiée : le roi élève sa main droite au-dessus de sa tête, dans le but de frapper quatre coffres nommés meret avec un sceptre, le plus souvent le sceptre-sekhem (sḫm) qui correspond au signe S42 (de la liste d’A. Gardiner). Dans quelques cas, il utilise une massue. C’est ce même sceptre-sekhem qui est généralement brandi par le pharaon dans diverses scènes de consécration d’offrandes. Son bras gauche, quant à lui, est tendu vers l’avant. La consécration des coffres-meret ayant pour objectif le maintien de l’unité de l’Égypte, une variété de dieux pouvaient être les bénéficiaires de ce rite, au premier rang desquels se trouve Amon, le grand dieu de Karnak. 
 
En raison des circuits d’acquisition du marché de l’art à l’époque de Rodin, l’hypothèse qu’il puisse provenir d’un sanctuaire de la région thébaine paraît assez plausible, même si les indices archéologiques ne sont pas suffisants pour le confirmer.

 

Historic

Acquis par Rodin de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 278, "Bas relief fragmentaire en calcaire, sur lequel est figuré jusqu’à mi-corps le roi Ramsès Ier tourné vers la droite. La figure, autrefois peinte en rose, a été en partie mutilée par les Coptes. Le roi étend le bras gauche, avec lequel il semble bien qu’il bandait l’arc, devant lui on voit la partie supérieure du traîneau, et, dans un encadrement carré, les cartouches [hiéroglyphes] précédés du nom d’Osiris khont-Amenti 60 x 58 ½. Estimé deux mille francs."

Donation Rodin à l'État français en 1916.

Historic comment

Ce bas-relief fut acheté auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi :  « 1 relief en creux repres. Ramsès II en buste grand. Nature Abydos XVIIIe dyn. 250 » (ALT 147, archives musée Rodin).

 

L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.

 

Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont le relief Co.5879 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.

 

Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français

L’œuvre a retenu l’attention de Bernard V. Bothmer à la fin des années 1950 qui l’a photographié pour Jean Yoyotte (Corpus of Late Egyptian Sculpture, L-63-45 et L-63-51), photographie redessinée par Jean Sainte Fare Garnot et utilisée pour le catalogue de l’exposition Rodin collectionneur.

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