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Torse masculin

"Grotesque"

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
Époque Ptolémaïque
[VOIR CHRONOLOGIE]
TERRE CUITE 
H : 6,8 cm ; L : 4,7 cm ; P : 3,6 cm
CO. 2505

Comment

State of preservation

Incomplet. La tête, le dos et le bras droit sont conservés.

Description

Personnage simiesque se contorsionnant, la tête penchée vers la droite, l'avant-bras droit atrophié et replié contre le torse. Le mouvement, déjà exagéré, est encore accentué par le montage sur socle qui présente la figure fortement inclinée. Il porte une sorte de couronne de trois fleurs (une sur le front et deux à l'arrière du crâne) et un collier de fleurs en forme de boudin alvéolé. Il a une tête de cynocéphale. Son front est bas, ses arcades sourcilières épaisses et ses yeux sont enfoncés dans leurs orbites entre des paupières épaisses. Le nez, très épaté, semble avoir été allongé et agrandi après moulage par une pastille d’argile, et est collé contre la lèvre supérieure de la bouche grande ouverte comme pour laisser s’échapper un râle. Le dessin continu et ondulé de la ligne de l’aisselle et du sein droit, conservé au-dessus du bras, laisse deviner la maigreur du personnage. Il présente dans le dos, les symptômes d'une gibbosité osseuse, reconnaissable aux deux excroissances bossues de part et d’autre de la colonne vertébrale.

Cette figurine peut être rattachée à une catégorie de figurines regroupées sous l’appellation générique des « grotesques ». Ce terme désigne une série de motifs très populaires à l'époque hellénistique, ayant en commun la représentation de figures grimaçantes et contorsionnées à l'aspect disgracieux. Ce terme est employé pour désigner les figurines de plusieurs ensembles iconographiques : les cas pathologiques – la qualité de la réalisation de beaucoup de ces objets permettent d'ailleurs de reconnaître des maladies et des handicaps : hydrocéphalie, lordoses, gibbosités, etc… - ; les représentations dites « réalistes », que l'on peut rapprocher des « sujets de genre », qui comprennent également les représentations ethniques ; enfin, les caricatures de diverses catégories sociales, qu’il s’agisse des prêtres ou de personnes de rang subalterne… Ces figures ont été conçues en Grèce où elles dérivent des sujets théâtraux, apparus au Ve siècle av. J.-C. Les acteurs sont alors représentés dans leur rôle, caricaturaux, avec leur masque, un ventre postiche et un phallus postiche lorsque le rôle l'impose. Progressivement, la représentation de l’individu en tant que tel vient se substituer à l’acteur qui l’incarne. Ainsi, certains personnages tels la nourrice, le pugiliste ou l'esclave, intègrent au IIIe siècle le répertoire des caricatures et des figures réalistes. En l’absence du corps, il est difficile d’attribuer la tête Co.03242 à un genre plutôt qu’à un autre, si ce n’est que l’exagération générale des traits du visage permet de la classer parmi les « grotesques ».

Les sujets ainsi regroupés sous cette appellation discutée proviennent, jusqu'à lors, en très large majorité d'Asie Mineure et d'Egypte. Plus précisément, ce sont les sites de Smyrne et d'Alexandrie qui ont livré la majorité du matériel connu. Avant d’être considérée comme de fabrication alexandrine, le torse Co. 2505 était d’ailleurs présenté comme originaire de Smyrne, car la mention « Asie Mineure » est inscrite sur une étiquette anciennement fixée sous le socle. Néanmoins, la fabrique a pu être identifiée comme égyptienne. De plus, les représentations zoomorphes parodiant les hommes dans leur quotidien sont bien connues à Alexandrie. Ces deux éléments conduisent a réattribuer cette figurine aux ateliers d’Egypte lagide.  

Quelques exemples ont également été retrouvés à Tarse, à Priène ou encore à Cyrène (musée du Louvre, CA 968bis). Leurs contextes de découverte sont généralement mal connus, à l’exception de quelques-uns, très variés. Ainsi, quelques contextes funéraires sont attestés à Myrina (musée du Louvre, Myr 332), de même que quelques contextes domestiques à Priène. Enfin, la découverte d'une favissa à Ras el-Soda, au nord-ouest d'un sanctuaire alexandrin dédié à Isis, nous fournit un exemple de contexte religieux. La diversité apparente des contextes d’utilisation, conduit à une interprétation difficile de la fonction. Diverses hypothèses ont ainsi été proposées : réservoir d’images médicales, amulettes, représentations théâtrales (Jeammet & Ballet 2011, p. 73). 

Par ailleurs, leurs traductions ponctuelles en métal et en ivoire montrent que ces effigies devaient avoir une certaine importance, ou du moins que leurs propriétaires devaient être parfois d'un certain niveau social. Hans Peter Laubscher suggérait en 1982 qu'il s'agisse d'accessoires de table. Suivant l'idée que le rire exorcise et protège, les figurines faisaient l'objet de moqueries à charge sociale. Les attitudes contournées de certaines figures permettraient d'ailleurs de contrer le mauvais œil. En dehors de la tombe et du temple, ces personnages auraient donc été le sujet de plaisanteries, mais aussi de méditations pendant les banquets. Certains exemplaires d'ailleurs, tel le torse Co. 2505, arborent des attributs comme les couronnes et colliers de fleurs, dont la connotation festive devrait nous paraître contre-intuitive pour ces représentations de personnages en souffrance.

Luca Giuliani, en 1987, reprend l'idée de Laubscher qui, mise en regard d'un texte d'Athénée (IV, 128 cff), prend alors une dimension supplémentaire. Plus que de simples représentations pour la table, l'infirme, l’esclave ou la vieille auraient été véritablement présents lors des festivités afin de distraire l'assemblée de bourgeois. Les « grotesques festifs » peuvent alors être identifiés comme des grulloi (bouffons dansants, souvent atteints de nanisme) ou des gelotopoioi (personnes risibles par leur attitude).

Néanmoins, les thèmes sont divers et tous les « grotesques » ne comportent pas de tels éléments iconographiques. En somme, ces figurines et leurs modèles auraient constitué, pour les classes aisées et fortunées, la garantie par contraste de leur propre bien-être et de leur intégrité physique, voire de leur intégrité mentale (Jeammet & Ballet 2011, p. 74-75).

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