égypte > provenance inconnue
époque tardive ou époque ptolémaïque > XXVIe - XXXIe dynastie > 656 - 30 avant j.-c.
bronze (alliage cuivreux)
h. : 32 cm ; l. : 12,5 cm ; p. : 24,3 cm
co. 212
égypte > provenance inconnue
époque tardive ou époque ptolémaïque > XXVIe - XXXIe dynastie > 656 - 30 avant j.-c.
bronze (alliage cuivreux)
h. : 32 cm ; l. : 12,5 cm ; p. : 24,3 cm
co. 212
L'oeuvre est en mauvais état de conservation.
Le métal très oxydé est fendu ou a disparu à de nombreux endroits. Les deux pattes avant sont sectionnées, l’œil gauche a été refait et il manque le pied arrière gauche. Une asymétrie importante est visible du côté gauche de l’animal.
En 1991, les restauratrices Fabienne Dall’Ava et Marie-Emmanuelle Meyohas constatent que la statue est très déformée et fissurée. Le plâtre a sans doute était introduit dans les creux pour camoufler ces déformations. D’importantes cassures, avec des décalages de niveau entre les morceaux, sont visibles à de nombreux endroits. Des lacunes de surface sont remplies de plâtre. La surface du métal est recouverte de produits de corrosion, sulfates, malachite parfois cristallisée, azurite. Des spots de chlorures apparaissent ponctuellement.
La statuette en bronze représente une chatte grandeur nature, assise sur ses pattes arrière. Les proportions sont bonnes mais les lignes générales de l’animal sont exagérées, notamment celles de la face.
Les oreilles, originellement percées, sont élancées. Le métal y a été dégrossi le long du bord extérieur. Leur bord intérieur se prolonge sur des arêtes encadrant le front. Pommettes et mâchoires étant proéminentes, les joues sont creusées et le pinch est marqué. L’arête du nez est fine à sa base puis s’élargit progressivement jusqu’au cuir du nez, particulièrement imposant sur cette œuvre. Les patons, sur lesquels les moustaches ne sont pas rendues, surmontent une large gueule et un petit menton. Les yeux, dont le contour est simplement creusé dans le métal, sont pleins. Ils n’étaient donc pas incrustés.
Le cou fin et court surplombe un sternum bombé et de longues pattes antérieures sur lesquelles les carpes sont modelés. L’ossature des épaules est rendue de façon angulaire. La grande détérioration de la partie dorsale de la statue ne permet pas de préciser ses détails. Notons toutefois que le haut du dos semble exagérément fin par rapport à la zone des fessiers. La queue, qui émerge progressivement de la croupe, longe le corps du côté droit et finit sa course au devant du pied antérieur droit.
Sous les pieds avant, un ressaut de forme rectangulaire permettait l’emboitement de la statue dans un socle antique, aujourd’hui disparu. La statuette repose aujourd’hui sur un socle en bois, déjà visible sur les clichés des vitrines du temps de Rodin (voir par exemple sur la photographie Musée Rodin, Ph. 830, cf. CHOUMOFF Pierre, L’atelier de peinture à Meudon, 20-23 novembre 1917).
(En ce qui concerne les termes utilisés pour la description de l’anatomie des félins).
Cette figure de chatte représente la déesse Bastet sous sa forme zoomorphe, déesse protectrice du foyer et de la fertilité féminine. Bastet est également la forme apaisée de Sekhmet, déesse agressive, fille et œil de Rê, qui est le plus souvent représentée en lionne. Bastet est Maîtresse de Bubastis dans le delta du Nil, et son culte connait un essor considérable à partir de la Troisième Période Intermédiaire, lors de l’installation de la capitale à Bubastis. C’est notamment sur ce site, mais aussi à Thèbes (Haute-Égypte), à Beni Hassan (Moyenne-Égypte) ou sur le site de Saqqarah (Basse-Égypte), que furent mis au jour des cimetières contenant des centaines de chats momifiés. Les momies ou simulacres de momies étaient introduits dans des coffres de bois ou de bronze de forme rectangulaire ou zoomorphe, ou bien directement dans une statuette prenant l’aspect d’un chat assis. Des têtes de chat en bronze étaient aussi occasionnellement placées sur une momie enveloppée, en tant qu’ornement (cf. SCHORSCH Deborah, FRANTZ James H., dans Appearance and Reality, BMMA 55/3, hiver 1997-1998, p. 18). Ces momifications étaient destinées à deux pratiques religieuses différentes. Les momies pouvaient être des commandes de particuliers dans le cadre de leurs dévotions à la déesse Bastet. Mais elles pouvaient également être utilisées au cours de l’accomplissement du culte journalier dédié à la déesse féline.
Les dimensions du bronze Co. 212 laissent supposer que cette représentation de la déesse avait pour fonction de contenir une momie de chat et qu’elle correspond à l’une de ces deux catégories d’objets rituels.
De très nombreuses statuettes de ce type ont été mises au jour. Le musée du Louvre, le British Museum, le Penn Museum, le MMA, le Musée égyptien du Caire et de Turin regroupent en effet à eux-seuls près de soixante œuvres.
La statuette Co. 212 fait 32 cm de haut, or, seules quelques statuettes de chatte ont une hauteur équivalente.
Au Musée du Louvre : E 2533 (27,6 cm) et E 22 889 (37,5 cm). Cette dernière possède un scarabée rapporté sur le front. L'oeuvre Co. 203 devait certainement avoir également cet insecte inscrusté à l'emplacement décrit.
Au MMA de New York : 56.16.1 (32 cm) et 58.38 (38 cm).
Au British Museum : EA 64391 (42 cm). Cette statuette porte également un scarabée sur le front et des boucles d'oreille en or.
Au Museo Egizio di Torino : Cat. 0873 (34,5 cm).
Au Penn Museum de Philadelphie : E 14284 (56 cm).
Aux Musées du Cinquentenaire de Bruxelles : E. 06750 (45 cm).
Dans les collections du Musée Rodin, Co. 813, Co. 2371, Co. 804, Co. 769, Co. 2337, Co. 2424 et Co. 771 sont également des statuettes de chatte assise sur ses pattes postérieures. La statuette fragmentaire Co. 203 consiste en une tête de chatte qui avait probablement la même posture que Co. 212 à l’origine.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin avant mai 1906.
BOREUX 1913 : Meudon, Objets non en vitrine, atelier de peinture, 551, "Chat assis en bronze. Le métal est fendu ou a disparu en un grand nombre d'endroits. L'œil gauche a été refait. Estimé mille francs."
Donation à l’État français en 1916.
La statuette était exposée à Meudon dans l’atelier de peinture de la villa des Brillants.
Rodin la protégeait sous une petite cloche où elle fut photographiée, un drap posé à l'arrière pour lui servir de fond (musée Rodin, Ph. 1168).
Elle fut acquise avant mai 1906, date à laquelle elle fut décrite par Paul Gsell : « (...) Il me conduit dans une autre salle. Sous une vitrine, un chat égyptien de bronze vert, assis sur son train postérieur et droit sur ses pattes de devant, ferme à demi ses yeux énigmatiques et, relevant son museau plat semble encore attendre les hommages du peuple qui adorait les bêtes. » « Quelle grandeur de vérité ! dit Rodin. Ce n'est pas un chat, c'est toute l'espèce des chats ! Dans l'attache des membres, dans l'arc du dos, dans la charpente de la tête, il y a l'éternité d'un type vivant. Ces Egyptiens travaillaient pour toujours. Et d'ailleurs le culte qu'il vouaient aux animaux les aidaient à les comprendre. Ce chat, c'était un dieu pour l'artiste qui le modelait. C'était pour lui ce que fut, par exemple, la Vierge pour les sculpteurs du moyen âge ou de la Renaissance. Voilà pourquoi ce chat égyptien vaut les madones des cathédrales !» (GSELL 1er mai 1906, p. 94).
Paul Gsell le décrivit à nouveau en 1914 : « Sous une vitrine, un chat égyptien, de bronze vert, assis sur son train postérieur, se redressait sur ses pattes de devant, dans une majestueuse immobilité. – Il est admirable, mais j’ai beaucoup de peine à le préserver de l’oxydation. Voyez ses yeux qui se tuméfient et qui pleurent des granulations de métal !... Cette bête sacrée verse des larmes sur sa divinité perdue… Dites-moi si jamais aucun peuple a mieux exprimé l’énigme troublante de l’âme animale… Que c’est beau !... Seule une race pénétrée de dévotion pour les bêtes pouvait leur attribuer une telle noblesse… Car ce chat, pour l’artiste égyptien qui l’a sculpté, c’était à peu près l’équivalent de la Vierge pour les imagiers du Moyen Age !... » (GSELL 1914, p. 51).
Un autre photographe la saisit, posée sur une des gaines à rinceaux en plâtre que Rodin avait fait mouler pour poser ses propres sculptures lors de l’exposition de l’Alma en 1900. Sa silhouette se découpait sur un fond blanc, de face et de profil (musée Rodin, Ph. 2703-2704). Ces trois tirages montrent que la statue était déjà présentée sur son socle en bois actuel, conçu par Rodin ou acheté avec l’objet. A cette époque, le corps de la chatte était rempli de plâtre, et présentait de nombreuses fissures et les pattes de devant étaient cassées en deux. Le bronze était extrêmement corrodé, fidèle à la description qu’en fit Rodin au critique Paul Gsell.
A la mort de Rodin, en novembre 1917, une photographie de Pierre Choumoff montre la statuette exposée dans la grande vitrine le long de la verrière, parmi d’autres objets de la collection (musée Rodin, Ph. 830).