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Stèle funéraire

Stèle du directeur des chanteurs nommé Nemti-Hotep

Égypte > Provenance inconnue
Moyen Empire > Début de la XIIe dynastie
H. 77 cm ; L. 56 cm ; P. 6 cm
Calcaire
Co. 1305
 

Comment

State of preservation

Stèle fragmentaire connue grâce à cinq morceaux de calcaire. Trois fragments correspondant au côté dextre sont jointifs, tandis que le côté senestre est composé de deux éclats. Les deux côtés sont séparés par un manque central conséquent. Malgré les lacunes, la stèle est complète aux trois-quarts.
 
La pierre est en bon état de conservation. Aucune altération de l’épiderme n’est observée. La surface est abondamment griffée. Malgré de nombreuses cassures et épaufrures, les chants dextres et senestre sont originaux, comme en attestent les deux bordures constituées d’une moulure convexe taillée en fort relief (2 cm d’épaisseur). Le chant supérieur conserve des restes de la bordure moulurée originale, mais présente des manques très importantes. En revanche, le chant inférieur est tronqué et correspond à une cassure. Le revers, très repris, n’est pas un plan original.
 

Description

La stèle en calcaire fin est découpée en trois registres au sein desquels des figures et des hiéroglyphes sont gravés. 
 
Le premier registre comprend un texte répartit en dix colonnes, inscrit de droite à gauche. Il s’agit d’un Appel aux vivants, un texte destiné à interpeller les visiteurs des nécropoles et des lieux de pèlerinage, afin de les inciter à honorer le défunt. Le propriétaire, et commanditaire, de cette stèle est connu grâce à la mention de son nom à la fin de l’Appel aux vivants. Il s’agit d’un « directeur des chanteurs » nommé Nemti-hotep.
 
Le registre médian est totalement occupé par une scène qui représente deux personnages de part et d’autre d’une table d’offrandes. À gauche un homme est assis sur un siège, tourné vers la droite en direction du centre de la stèle. Il porte une perruque courte ou arbore un crâne rasé, une coiffure qui laisse ses oreilles découvertes. Il est vêtu d’un pagne court caractérisé par une ceinture et est paré d’un large collier qui couvre en partie ses épaules et retombe sur sa poitrine. Son avant-bras droit est tendu en direction de la table d’offrandes qui se trouve devant lui, la paume de sa main apparaît tournée vers le sol. Sa main gauche, quant à elle, tient un « chasse-mouche » à l’aspect floral à hauteur de son nez. L’homme est assis sur un siège à dossier bas agrémenté d’un coussin ou d’une pièce de tissus afin de le rendre plus confortable. Les pieds du siège prennent la forme de pattes de félin posées sur un petit socle quadrangulaire. La table d’offrandes, située au centre de la scène, est partiellement conservée. Elle se caractérise par une accumulation d’aliments disposés les uns à côté des autres, des denrées comestibles destinées à assurer la survie du défunt dans l’au-delà. Outre le morceau de bœuf, les légumes et les pains, trois jarres scellées sont maintenues verticalement grâce à des supports courts. Scellées grâce à un bouchon d’argile, elles sont placées sur un petit guéridon. À droite de la table d’offrandes, une femme se tient debout. Elle porte une longue perruque tripartite tombant dans son dos et sur son torse. Elle est vêtue d’une robe moulante à bretelles laissant apparaître sa poitrine. Tandis que sa main droite est représentée fermée et posée contre son buste, l’autre main tient un miroir.
 
Devant, entre cette femme et la table d’offrandes, une harpe est figurée et semble faire écho à la profession du défunt dépeint à gauche. Cet instrument est particulièrement bien mis en évidence par le sculpteur, à la fois par sa taille mais aussi par les détails apportés à la figuration de l’objet. Cette grande harpe posée au sol possède une armature en arc, ou en forme de « pelle » pour reprendre l’expression de S. Emerit, et une large caisse de résonance à la base. Le nombre de cordes représentées ici est de cinq, comme en témoignent les mécaniques bien détaillées au sommet de l’instrument. Sur ce type de harpe, les cordes sont, en effet, limitées et dépassent rarement le chiffre de huit. À la base, sous l’instrument, un nœud-tit (ou « nœud  d’Isis) est représenté. 
 
Enfin, le registre inférieur conserve la représentation de quatre personnes : deux hommes debout à gauche faisant face à trois femmes, également debout, à droite. Les hommes sont stylisés de la même manière : ils portent une perruque longue laissant les oreilles apparentes, un large collier non détaillé et un pagne triangulaire saillant avec un nœuds bien marqué à la ceinture. Leur main gauche tient un bâton (la canne-mdw) et la main droite un morceau de tissu (le longe-s). 
Face à eux, se trouvaient trois femmes orientées vers la droite, et elles-aussi représentées de la même manière. De la première, il ne reste que l’arrière de la chevelure. Les deux suivantes sont debout, les jambes serrées, le bras droit plié tenant une fleur de lotus qu’elles hument, tandis que le bras gauche est figuré le long du corps. Leur main tient un miroir par le manche. Ces femmes sont coiffées d’une perruque tripartite ¬laissant l’oreille dégagée et sont vêtues d’une robe longue et ajustée, tenue par une bretelle traversant leur poitrine et laissant les seins apparents. Cette tenue est typique du Moyen Empire et du début du Nouvel Empire. Seule la dernière femme, encore entière, arbore des  périscélides à ses chevilles.
Les noms de ces personnes sont connus grâce à des hiéroglyphes inscrits à proximité de leurs visages. Ainsi, seule la femme représentée au second registre, celle positionnée à proximité de la harpe, demeure anonyme.
 
Cette stèle, conservée au musée Rodin, présente un style caractéristique du début de la XIIe dynastie. On remarque, en effet, que les hiéroglyphes sont nettement délimités, que les représentations des personnages sont canoniques, que les membres sont longs et élancés surtout pour les représentations féminines, ou encore que les traits des visages sont habilement modelés. De même, la représentation de la table d’offrandes suggère que cette stèle pourrait appartenir à « l’atelier n°5 » déterminé par R. Freed (FREED 1996).
De provenance inconnue, cette œuvre semble entretenir des liens avec la région d’Assiout. En effet, la présence du nom théophore Nemti-hotep, mentionnant le dieu Nemti vénéré dans les 10e et 12e nomes de Haute Égypte, permet de supposer que la famille était originaire de cette région.
 
Le propriétaire et commanditaire de cette stèle porte le titre de « directeur des chanteurs ». Cette fonction, bien connue depuis l’Ancien Empire, était attribuée à des membres d’une élite sociale intermédiaire ou supérieure, comme en témoignent les insignes de pouvoir qu’ils arborent sur leurs monuments funéraires. Ces musiciens ne sont pas représentés en fonction, en train de jouer d’un instrument, avant le Nouvel Empire, ce qui explique l’iconographie du deuxième registre avec la mise en évidence de la harpe. 
 
Les premières figurations de harpes sont datées de la IVe dynastie et apparaissent dans les mastabas de l’élite situés dans les grandes nécropoles royales. Très vite on constate une diversification de cet instrument, qui évolua tout au long de l’époque pharaonique. Alors que les harpes figurées dans les tombes de l’Ancien et du Moyen Empire sont en forme de « pelle », au Nouvel Empire de nouveaux types se développent comme notamment des harpes portées par le musicien, arquées ou triangulaires. 
Plusieurs figurations de harpes sont également connues pour le début du Moyen Empire, des représentations qui offrent des parallèles intéressants pour une meilleure compréhension de la stèle Co. 1395 du musée Rodin. La harpe dépeinte dans la tombe d’Antefoqer et de Senet (TT60), une tombe thébaine datée du début de la XIIe dynastie, montre que ces instruments se jouaient tenus contre le corps, généralement appuyé contre l’épaule du musicien qui se tenait accroupi ou agenouillé. De même, toute comme sur la stèle du musée Rodin, un nœud-tit est représenté à la base de la harpe.
 
Outre la représentation de la harpe et la mention du dieu Nemti, cette stèle est relativement classique pour le début de la XIIe dynastie. Le texte mentionné dans le premier registre est un Appel aux vivants, un thème de la littérature funéraire attesté à partir de la Ve dynastie et dont le but est d’interpeller les passants, les visiteurs lors des cérémonies religieuses ou les prêtres en charge du culte, afin de leur faire prononcer le nom du défunt et de lui fournir les offrandes nécessaires à sa survie dans l’au-delà. Ce texte est généralement inscrit sur les monuments situés à proximité des lieux de passage dans les nécropoles ou sur les sites de pèlerinages comme Abydos, soit à l’entrée des tombes, sur les stèles fausses-portes, les stèles commémoratives ou encore les statues à proximité desquelles les offrandes étaient déposées. Durant le Moyen Empire, l’Appel aux vivants se rencontre régulièrement, de manière plus ou moins développée, au sein des formules funéraires.
Malgré le caractère classique de l’Appel aux vivants et de ses nombreuses mentions sur les monuments funéraires, on note cependant une forte individualisation du texte inscrit sur la stèle conservée au musée Rodin. Il pourrait s’agir d’une version locale de la région d’Antaeopolis, mais cela ne peut être vérifié en l’absence d’autres stèles provenant avec certitude de cette région.
 
 

Historic

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 75, "Stèle en pierre calcaire, composée, semble-t-il de 3 registres, dans lesquels les sujets ont été superposés les uns aux autres. En haut, 9 lignes verticales d’hiéroglyphes ; au milieu, un homme assis tourné vers la droite, des offrandes, une harpe et une femme debout tournée vers la gauche ; en bas, 2 personnages debout tournés vers la droite et une femme tenant un miroir et des fleurs 77 x 52 Monument faux."
Donation Rodin à l'État français en 1916.

Historic comment

Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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