l'orfèvre Nay

Égypte > provenance inconnue

L’Empire des conquérants > Début du Nouvel Empire

[voir chronologie]

Calcaire polychromé ; couche préparatoire (stuc ?) ; peinture ocre rouge et noire  ?

H. 49,00 CM : L. 18,00 CM : P. 27,00 CM

CO. 3077

Comment

State of preservation

L’œuvre est en très mauvais état : calcaire pulvérulent, feuilletage superficiel et interne, éclats, fissures. Le visage, le buste, les bras, les mains, les jambes ainsi que le revers de la statue sont lacunaires ; la partie antérieure des pieds ainsi que l’avant du socle ont disparu.

Des restes d’enduit peint subsistent en plusieurs endroits : sur l’oreille droite, le côté droit et le dessus de la coiffure, l’espace non évidé entre le bras droit et le torse ainsi que sur le flanc droit, les avant-bras, le haut de la cuisse gauche, le côté de la cuisse droite, la partie postérieure des pieds, l’assise du siège cubique et le dessus du socle.

Si la coloration ocre rouge intentionnelle ne fait aucun doute sur certains éléments anatomiques comme l’oreille droite, le flanc droit, l’avant-bras gauche et les pieds, il est parfois difficile de déterminer s’il y a eu utilisation de pigment noir ou si une patine noire a recouvert le pigment ocre rouge (cette question se pose notamment pour la coiffure ; on observe le phénomène de patine noire sur l’avant-bras droit).

Description

Malgré l’état général de conservation de cette œuvre inédite, il s’agit sans conteste d’une représentation masculine (par la forme de la perruque et la couleur ocre rouge des chairs).

Le personnage est assis sur un siège cubique, les deux mains posées sur les cuisses, les jambes jointes. La main gauche est à plat, la main droite a disparu ; elle pouvait être posée à plat, en symétrie de la gauche, ou bien fermée, le poing serrant peut-être un linge ou un boudin. Cette attitude de l’homme assis les mains posées sur les cuisses demeurera classique tout au long de la période pharaonique.

 

Il porte une perruque mi-longue qui laisse les oreilles dégagées (seule l’oreille gauche est encore conservée) et s’évase jusqu’aux épaules en couvrant la ligne supérieure des trapèzes. À l’avant, elle est bombée sous les oreilles ; à l’arrière et sur le sommet de la tête, elle est plus plate. Aucune mèche n’est indiquée. Cette coiffure est parfois qualifiée de perruque « en poche ». Il s’agit en fait d’une variante de la perruque évasée couramment portée au Moyen Empire et du début du Nouvel Empire, qui descend assez bas sur le front et passe derrière les oreilles. Pour cette variante, les deux retombées qui encadrent le visage ne se terminent ni par une ligne horizontale, ni en oblique sur les clavicules, mais sont rejetées dans le dos, se gonflent sous les oreilles et s’arrondissent au niveau des épaules, comme s’il s’agissait d’une « poche » dont on aurait recouvert une vraie perruque – notamment dans le cas où les mèches ne sont pas indiquées, comme sur notre statue. Peut-être une véritable étoffe englobait-elle la perruque (VANDIER, 1958, p. 251). On la retrouve par exemple sur une statue d’homme assis en tailleur, conservée au musée du Caire (CG 463 ; BORCHARDT, 1925, p. 54-55 et pl. 77).

Cette variante de la perruque évasée est toujours présente au Nouvel Empire, surtout dans la première moitié de la XVIIIe dynastie (VANDIER, 1958, p. 482-483). On la trouve notamment sur la statue EA 124, conservée au British Museum et datée des environs du règne de Thoutmosis III ; fragmentaire, elle devait représenter, à l’origine, un homme assis dans la même position que la statue du musée Rodin (PORTER, MOSS, 1964, p. 790).

Elle est encore beaucoup utilisée au Ier millénaire avant J.-C., notamment à l’époque libyenne (PERDU, 2012, p. 38 (et n. 24)). Nous pouvons évoquer la statue-cube du musée du Caire CG 559, datée de la XXIIe dynastie (BORCHARDT, 1925, p. 105-108 et pl. 94). Cette coiffure trouve peut-être son expression la plus aboutie aux époques tardives où elle prend véritablement la forme d’une bourse (on parle de perruque « en bourse ») : elle aussi laisse les oreilles dégagées mais elle est plus courte, moins évasée et, surtout, elle est plus arrondie dans le bas (PERDU, 2012, p. 42). Il est parfois difficile de faire la distinction entre la variante de la perruque évasée qui nous concerne et la perruque en bourse, comme c’est le cas avec la statue agenouillée de Nakhthorheb, datée de la XXVIe dynastie et conservée au musée du Louvre (A 94 ; PERDU, 2012, p. 42 (et n.73), p. 272-281, n°23).

 

L’homme est vêtu d’un pagne lisse et moulant. Le flanc droit ne porte aucune ligne de démarcation pour différencier l’extrémité supérieure du pagne des chairs de l’abdomen : il passait sans doute sous le nombril. Il est difficile de déterminer sa longueur exacte. On peut supposer de l’absence d’évidement entre les jambes qu’il descendait jusqu’au-dessus des chevilles.

Ce type de jupe sans apprêt apparait dès la Première Période Intermédiaire (Metropolitan Museum of Art, inv. 26.3.129) ; il est surtout porté dans la première moitié de la XIIe dynastie, mais est encore utilisé à la XIIIe dynastie. Il est maintenu à la taille par une ceinture qui n’est pas toujours figurée. Le bord extérieur de l’étoffe est généralement visible sur le devant de la jupe (le pan droit passe par-dessus) ; il est parfois souligné, voire caché, par une colonne de hiéroglyphes (VANDIER, 1958, p. 249). On trouve un exemple sans inscription sur la statue EA 461 du British Museum et avec inscription sur la statuette 22.12 du Walters Art Museum de Baltimore (VANDIER, 1958, pl. LXXXVII, 7).

Le pagne moulant long et simple, uni, avec ou sans colonne de hiéroglyphes peinte ou gravée, est très courant au Nouvel Empire ; c’est le costume favori de hommes de la XVIIIe dynastie jusqu’au règne d’Amenhotep III, mais il continue à être porté par la suite (VANDIER, 1958, p. 494). À la différence de la production du Moyen Empire, il n’y a pas de pan apparent, comme sur la statue de Nedjem du British Museum (EA 840 ; PORTER, MOSS, 1964, p. 789), ou encore la statue d’Ousi du Museum of Fine Arts de Boston (inv. 09.525 ; PORTER, MOSS, 1964, p. 606), qui datent toutes deux de la première moitié de la XVIIIe dynastie.

Il est encore porté au Ier millénaire av. J.-C., principalement aux périodes libyenne (XXIIe dynastie), kouchite (XXVe dynastie) et saïte (XXVIe dynastie), sur les statues d’hommes assis sur un siège, agenouillés et les statues-cubes (PERDU, 2012, p. 49). Sur la statue-cube de l’intendant Akhimenrou, datée de l’époque saïte, une ligne gravée marque l’extrémité supérieure du pagne sur les flancs et l’extrémité inférieure au-dessus des chevilles (musée du Louvre A 85 ; PERDU, 2012, p. 144-151, n°8).

Sur la statue du musée Rodin, il est impossible de déterminer si le bord de l’étoffe était représenté pour mettre en évidence le pan droit du pagne, ni si une colonne de hiéroglyphes était peinte, voire gravée dessus.

 

Entre les chevilles subsiste une réserve de pierre qui adopte une forme de triangle inversé du fait de deux entames obliques dans la pierre. On remarque dans la fente près de la cheville droite des traces de la couleur ocre rouge qui recouvrait le pied. Cette réserve de pierre correspond sans doute à un élément de costume qui retombait en pointe entre les chevilles. Au Moyen Empire, sur plusieurs statues et statuettes d’hommes portant un pagne long moulant, le pan droit, croisé par-dessus, est un peu plus long et se termine en pointe entre les chevilles. C’est le cas de la statuette 22.12 du Walters Art Museum de Baltimore mentionnée plus haut (VANDIER, 1958, pl. LXXXVII, 7). Sur la statue de Sobeknakht du musée du Caire (CG 390 ; BORCHARDT, 1925, p. 8-9 et pl. 62), le bord extérieur du pagne n’est pas signalé ; une pièce de tissu a tout de même été sculptée entre les chevilles du personnage, sous la ligne gravée matérialisant l’extrémité inférieure du pagne, ce qui signifierait que cette excroissance représente soit le bord intérieur du pagne, normalement non visible, soit l’extrémité d’un autre vêtement, porté sous le pagne. Enfin, nous pouvons mentionner la statue du British Museum EA 1785 (MÁLEK, 1999, p. 378 (801-430-830)) : l’homme, assis, n’est pas vêtu d’un pagne mais enveloppé dans un long manteau. Il semblerait que l’étoffe fasse deux fois le tour de son corps, le pan droit figuré par-dessus. Le bord extérieur part en oblique, le pan droit est légèrement plus bas que l’extrémité inférieure du manteau et dépasse sur la cheville droite. Ici c’est, sans doute possible, le bord intérieur du vêtement qui dépasse sous la couche d’étoffe pour former une pointe entre les chevilles.

Cette particularité du pagne long se retrouve encore au Nouvel Empire, comme sur le fragment inférieur de la statue d’Ahmès Touri, vice-roi de Koush au début de la XVIIIe dynastie, conservée au British Museum (EA 1279) : bien qu’aucun pan ne soit visible, une pointe descend du pagne, entre les deux chevilles ; cette pièce d’étoffe n’est pas distinguée du reste du pagne par une ligne incisée. Elle se trouve au même emplacement et adopte la même forme que sur la statue précédente : il s’agit sans doute de l’extrémité du bord intérieur du pagne.

S’il ne fait aucun doute que l’élément qui était sculpté entre les chevilles faisait partie du costume, sa nature précise reste à déterminer, plusieurs interprétations étant possibles sans une restitution exacte du pagne de la statue du musée Rodin.

 

Nous ne pouvons rien dire du traitement du visage, du torse (nombril, musculature), des mains et des pieds, ces éléments ayant tous en partie ou totalement disparu. Comme souvent dans la statuaire égyptienne, l’espace entre les bras et le torse n’est pas évidé pour assurer la solidité de l’objet. On peut encore observer que la taille est cintrée et le buste fin, ce qui devait contraster avec des épaules assez larges. L’espace entre le siège et les jambes est en partie évidé, si bien que le profil des mollets, dont le galbe est marqué mais pas trop prononcé, ressort en fort relief. Les malléoles externes sont signifiées par un relief.

 

Le siège cubique est simple. Les différentes faces ne sont pas tout à fait perpendiculaires les unes par rapport aux autres, si bien que les faces latérales partent légèrement en biais. Il se poursuit à l’avant par un socle sur lequel les pieds nus du personnage reposaient à plat ; l’espace entre les pieds semble avoir été partiellement évidé. À l’arrière, la statue présente encore les traces d’un pilier dorsal en saillie qui devait s’élever jusqu’à mi-hauteur de la tête.

 

Bien que la statue soit très altérée, on peut encore percevoir les proportions d’un individu fin et élancé. Son état de conservation déplorable trahit une bonne facture d’origine et une grande qualité d’exécution, indications qu’il s’agit d’un personnage de haut rang, un dignitaire, peut-être même un proche de l’entourage royal. Les principaux critères de datation, basés sur l’attitude, la coiffure, le costume et la morphologie, renvoient à une datation comprise entre la XIIe dynastie et la première moitié de la XVIIIe dynastie. L’impression générale laissée par la statue nous pousse cependant à privilégier une datation basse, dans la première moitié de la XVIIIe dynastie, entres les règnes d’Amenhotep Ier et Amenhotep III.

 

Cette statue peut provenir de la tombe de son propriétaire (dont nous ignorons le nom et les titres) ou bien d’un sanctuaire, une faveur royale accordée au dignitaire. La longue inscription qu’elle portait à l’origine, à présent indéchiffrable, devait sans doute fournir des informations telles que la datation et la provenance de l’œuvre, sa fonction exacte, ou encore l’identité de l’individu représenté. L’utilisation du calcaire plutôt que d’une pierre dure comme la diorite, le grès, ou encore le quartzite, plus résistantes aux intempéries, ainsi que la préservation des pigments sur les parties les moins endommagées, poussent néanmoins à supposer que la statue était à l’origine destinée à être déposée à l’abri dans une tombe.

 

Inscription

À l’origine, 6 ou 7 colonnes d’inscriptions hiéroglyphiques gravées se développaient sur chaque face latérale du siège – aucune trace visible ne subsiste sur la face arrière – et devaient donner le nom et les titres du propriétaire. Cependant, l’espace permet le développement d’un texte plus long, peut-être une formule d’offrandes élaborée et/ou une inscription autobiographique. On peut déterminer que sur le côté droit, la lecture se faisait de haut en bas et de droite à gauche ; c’est le seul côté qui a conservé quelques signes encore lisibles : le signe neb (« seigneur » ou « chaque ») dans la deuxième colonne, le groupe heb (« fête ») dans la troisième.

Historic

Acquise par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 82, Statue du [hiéroglyphes] dont la femme s'appelait [hiéroglyphes] est représenté assis, les mains posées sur les genoux. Les pieds manquent et l'épaule gauche est mutilée. Légendes de cinq lignes verticales, sur l'un des côtés du siège ; de six lignes sur l'autre côté, d'une ligne au dos des la statue. Calcaire peint en rouge. Haut. 48 cent. ; Larg. 26. Estimé mille huit cent francs.

Donation Rodin à l’État français 1916

Historic comment

La statue fut exposée sur une sellette dans le vestibule de l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français. Elle y fut photographiée par Eugène Druet après mai 1913 (Ph.04097, 02474).

Elle fait partie de l’ensemble des œuvres égyptiennes et assyriennes qui furent déposées au musée du Louvre en 1933-34 et inventoriée sous le numéro E. 15547 : « Statue en terre cuite peinte stuquée d’un personnage assis, les mains posées sur les cuisses sur un siège cubique. Très dégradée. L’épiderme de stuc n’est conservé que sur le visage (bouche et menton refaits au plâtre), sur une partie de l’avant-bras gauche et sur le haut de la cuisse droite. Les parois latérales du siège étaient couvertes par une inscription en colonne, dont on ne distingue encore sur le côté droit, le mot (…). Haut. 0m49. » La statue fut rendue au musée Rodin en 2004.

 

Back to collection >