Égypte > Provenance inconnue
Époque romaine probablement > 30 avant J. C. – 395 après J. C.
Granodiorite
H. : 48 cm ; L. : 39,6 cm ; P. : 33 cm
Co. 5900
Égypte > Provenance inconnue
Époque romaine probablement > 30 avant J. C. – 395 après J. C.
Granodiorite
H. : 48 cm ; L. : 39,6 cm ; P. : 33 cm
Co. 5900
Le fragment appartient sans doute à un groupe statuaire dont la majeure partie a disparu. En effet, la trace d’arrachement latérale visible à la gauche du personnage féminin du musée Rodin et la grande plaque sur laquelle il s’adosse permettent de restituer qu’un second personnage se tenait à ses côtés. Seule la partie supérieure du personnage féminin, conservé jusqu’au-dessous de la poitrine, est parvenue jusqu’à nous. L’amorce de ses bras est encore perceptible. Un important fragment est manquant au niveau de la partie gauche de sa tête : la cassure est oblique et assez nette, témoignant peut-être d’un débitage ancien de la pierre. De même, l’arrière de la tête et le dos du fragment conservé sont très lacunaires ; l’appui dorsal est très abîmé en surface et son polissage semble n’avoir jamais été achevé. Ailleurs, toute la surface de la statue est en bon état malgré des épaufrures et rayures nombreuses. Quelques concrétions de terre sont localisées dans les interstices des gravures. Un trait rouge, situé sous le sourcil droit, constitue l’unique trace conservée de la polychromie antique. Des vestiges de matière plâtreuse au niveau du nez et dans la partie basse de la statue indiquent une restauration, contemporaine de son arrivée sur le marché de l’art. Ces éléments parasites ont été dissimulés à l’aquarelle lors de la campagne de restauration de 2016.
Ce fragment a été décrit antérieurement comme provenant d’un couvercle de sarcophage en pierre, ce qui paraît peu probable compte tenu de son caractère particulièrement massif et de l’aspect de la partie arrière, qui semble bien correspondre à un pilier dorsal. Le fragment de statue Co. 5900 serait plus vraisemblablement la partie droite d’un groupe statuaire monumental, peut-être une dyade royale ou divine. L’image est celle d’une femme, comme l’indiquent sa silhouette et sa coiffe de déesse ou de reine déifiée. Un second personnage - au moins - devait se tenir à sa gauche, comme le suggère le large appui dorsal qui se continue vers la gauche. L’attitude des deux personnages est aujourd’hui perdue et il est impossible de préciser si ceux-ceux-ci étaient figurés debout et/ou assis. L’amorce des bras du personnage féminin est conservée mais reste difficile à interpréter. Il peut être envisagé qu’elle tenait son bras droit le long du corps ou bien le posait sur sa jambe droite dans le cas d’une attitude assise, alors qu’il semble qu’elle avance son bras gauche vers le côté gauche, pour enlacer un second personnage aujourd’hui disparu. Cette restitution présumée incite à voir dans la statue Co. 5900 l’élément d’une dyade représentant un couple, réel ou symbolique, royal, divin, ou bien les deux tout à la fois.
Le personnage conservé est coiffé d’une longue perruque tripartite enveloppante, couvrant les épaules et cachant les oreilles, surmontée d’une dépouille de vautour dont les ailes encadrent le visage. Malgré la cassure, il est possible de suggérer que la perruque était dotée d’une raie médiane. Les détails incisés de la coiffe – mèches bouclées de la perruque et plumes du vautour - sont nombreux, précis et de bonne qualité. En plus de cette coiffure complexe, lourde et spectaculaire, la femme est vêtue d’une robe à bretelles et à décolleté trapézoïdal, couvrant une poitrine menue sous laquelle on peut observer une ligne de couture du vêtement. Ornant son cou, les lignes de démarcations d’un large collier large sont observables entre les pans de la perruque. Il s’agit d’un pectoral laissé vide, mais aux détails peut-être peints à l’origine. Le visage, ovale et aux joues pleines, semble engoncé dans la perruque et paraît légèrement disproportionné, en retrait. Les yeux sont singulièrement petits, soulignés par un trait de fard relativement large et court qui s’étend vers les tempes, maquillage légèrement asymétrique puisqu’il s’étire plus brusquement vers le haut sur l’œil droit que sur l’œil gauche. Les sourcils, traités en léger relief, sont presque horizontaux. Le nez est droit et fin ; la bouche petite, fine et charnue, esquisse un sourire en demi-lune très discret. En l’absence d’inscription, l’identification du personnage représenté et la datation de l’œuvre ne peut être envisagée qu’à l’aide de critères stylistiques ou iconographiques.
La perruque enveloppante est une coiffure féminine qui apparaît dans l’art égyptien au cours de la XVIIIe dynastie. Au Nouvel Empire, elle est fréquemment associée au vautour déployé dans la statuaire des reines - motif dit de « dépouille de vautour » -, puis de certaines déesses. Le rapace est pour sa part présent dans les coiffures des épouses royales depuis l’Ancien Empire et plus précisément la IVe dynastie (ZIEGLER Christiane (éd.), Reines d’Égypte : d’Hetephérès à Cléopâtre, catalogue d’exposition, Forum Grimaldi, Monaco, 12 juillet - 10 septembre 2008, Monaco, 2008, p. 118-121, 311, n° 137). On a voulu longtemps faire de ce vautour un attribut exclusif de la reine-mère, c’est-à-dire ayant enfanté l’héritier du trône, par le biais d’un jeu de mot impliquant le hiéroglyphe du vautour qui sert à écrire le nom commun « mère » en égyptien ancien en raison de sa valeur phonétique (Gardiner Sign-List G14). Quoi qu’il en soit le vautour , d’abord associé à la déesse Nekhbet, protectrice de la royauté, est un attribut fréquent de la déesse Mout, épouse d’Amon, le dieu dynastique, dont il sert aussi à écrire le nom. Cet attribut sera emprunté ensuite par d’autres déesses, au premier rang desquelles figure Isis, l’épouse d’Osiris. Dans le cas présent, il paraît difficile de trancher sur l’identité du personnage représenté : il pourrait s’agir d’une reine ou d’une déesse, Isis semblant une bonne candidate eût égard au nombre d’images connues de cette divinité à la période présumée de cette statue.
La datation de l’œuvre est problématique. La robe portée par le personnage est très proche de celle dont sont vêtues les quelques reines du Moyen Empire dont des statues nous sont parvenues, mais elle est attestée également aux époques suivantes. La perruque enveloppante suggèrerait une date postérieure à la XVIIIe dynastie, ce que semble confirmer le style du visage, qui reste néanmoins très atypique : sa forme ovale, le nez droit et les petits yeux surmontés de sourcils horizontaux, les joues pleines, sont autant d’éléments qui suggèrent une datation très tardive, d’époque ptolémaïque voire même plutôt romaine, avec toute la prudence qui s’impose. La combinaison entre ce visage tardif et le vêtement et la coiffure archaïques pourrait indiquer que la tête de la statue aurait été retaillée à l’époque gréco-romaine, à partir d’une œuvre plus ancienne d’époque pharaonique. Cette hypothèse, formulée là encore avec de grandes précautions, aurait le mérite d’expliquer à la fois le mélange de styles observé, de même que le retrait et la légère disproportion de la tête, enfoncée dans la perruque et dont les côtés sont bordés d’un curieux et trop large espace qui les sépare de la coiffe.
Le musée Rodin ne conserve aucune oeuvre similaire.
Anépigraphe.
Ancienne collection Giovanni Dattari.
Acquis par Rodin entre 1912 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 77, "Partie supérieure d'un couvercle de sarcophage de femme en basalte noir (granit gris) assez abimé. La partie gauche de la coiffure manque et le granit est très abimé. Epoque romaine. Haut. 52 cent. Larg. 40 cent. Estimé mille francs. N° 298 de la vente Lambros Dattari 1912."
Donation à l’État français en 1916.
L’œuvre provient de l’ancienne collection d’antiquités égyptiennes de Giovanni Dattari (1853-1923), collectionneur italien resté surtout célèbre en tant que numismate (DAWSON 2012, p. 143 ; SAVIO 2008, p. 275-285).
Elle figurait à la vente Lambros-Dattari, qui s'est tenu à l'hôtel Drouot du 17 au 19 juin 1912 et portait le numéro 298 : « Buste d’Isis en basalte noir ; elle est coiffée du calft finement sculpté, la partie supérieure simulant les ailes du vautour. Jolie sculpture égypto-romaine. Cassure sur le haut de la tête. H. 50 cent (planche XXXI). Sur l’illustration du catalogue, on remarque que le nez est entier ainsi qu’il y a un bouchage sur le front, éléments qui ont aujourd’hui en partie disparus, ne laissant que des traces de plâtre de scellement. D'après le procès-verbal de la vente, l'oeuvre fut alors achetée par l'antiquaire Brimo pour 450 francs, puis revendue à Rodin par lui-même ou par un autre antiquaire avant l'été 1913, date de l'inventaire de Charles Boreux (Archives de Paris).
La tête fut exposée du vivant de Rodin à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.