Provenance > Égypte > Basse-Égypte > Sébennytos (probablement)
Datation > fin Basse Époque – début époque ptolémaïque
H. 58,5 cm ; L. 58,5 cm ; P. 15 cm
Granite rose
Co. 1408
Provenance > Égypte > Basse-Égypte > Sébennytos (probablement)
Datation > fin Basse Époque – début époque ptolémaïque
H. 58,5 cm ; L. 58,5 cm ; P. 15 cm
Granite rose
Co. 1408
Ce relief présente un état de conservation moyen. De forme approximativement quadrangulaire, aucune des tranches n’est intacte ; l’angle inférieur gauche a particulièrement souffert. Seul le chant supérieur est plat. S’il est d’origine, cela marque la jonction avec le bloc qui était placé au-dessus et complétait la scène par des inscriptions (la limite supérieure du bloc du musée Rodin ne correspond pas à la hauteur maximale du registre), voire comportait la scène d’un registre supérieur.
L’absence de détails fin, en partie due aux ravages du temps, doit sans doute aussi beaucoup au choix du matériaux, une pierre dure donc difficile à travailler.
Toute la partie gauche paraît jaunie : cela peut être dû aux conditions de conservation, à une veine un peu différente dans la pierre ou bien à des traces laissées par la terre d’enfouissement. Celle-ci est particulièrement présente dans l’arrondi entre le chant droit et le chant inférieur. Sur la figure centrale, une sorte de patine assombrit la pierre.
Des projections de plâtre et des taches sont visibles sur les chants et la face avant de l’œuvre.
Sur ce fragment de paroi orné de bas-reliefs sont représentées deux scènes tronquées, séparées par une bande verticale en relief. Dans la partie droite, deux divinités sont représentées tournées vers la droite : un dieu assis suivi d’une déesse debout.
À l’extrémité droite, le dieu est assis sur un siège dont seul le dossier arrondi subsiste. Il porte sur la tête un mortier dans lequel sont fichées quatre hautes plumes et qui repose sur une perruque courte couvrant les oreilles du dieu. Au niveau de son front se dresse un uraeus. Il semble également doté d’une barbe qui doit être la barbe à l’extrémité recourbée caractéristique des dieu masculins anthropomorphes. Il est paré d’un large collier-ousekh à plusieurs rangées de perles (semblable à celui conservé au Metropolitan Museum of Art inv. 22.1.247), un pendentif en forme de scarabée qui déploie des ailes de faucon (symbole de renaissance) et un pectoral-naos (voir par exemple celui au nom de Ramsès II conservé au musée du Louvre E 79). Il est vêtu d’un pagne lisse à ceinture, sans doute un pagne court qui arrivait au-dessus des genoux. L’amorce du bras gauche indique qu’il était tendu devant lui, tenant probablement un sceptre-ouas, tandis que le bras droit, également tendu, devait tenir une croix-ânkh.
Le visage du dieu, à l’aspect un peu poupin, présente un nez arrondi, une bouche souriante aux lèvres épaisses, des joues charnues et un menton court et rond. Ces traits renvoient à la production artistique de la XXXe dynastie. Les premiers souverains grecs vont perpétuer le style de la dernière dynastie indigène d’Égypte si bien que, sans nom royal, il est difficile d’attribuer la représentation à la XXXe dynastie ou à la dynastie lagide, encore plus à un règne précis.
Le dieu est suivi par une déesse léontocéphale. Un éclat a emporté la partie basse du corps mais il ne fait aucun doute qu’elle se tenait debout. La tête, au profil léonin clairement identifiable, avec des yeux profondément creusés, est dotée d’une oreille féline pointue et haut placée d’où part une collerette de fourrure qui fait le tour du cou, séparant ainsi la partie animale de la partie humaine de la divinité.
Elle porte sur la tête une perruque tripartite, commune à la plupart des déesses, surmontée d’une couronne-atef. À la traditionnelle mitre centrale surmontée d’un disque solaire et flanquée de chaque côté par une fine plume d’autruche – attribut de Maât –, s’ajoutent plusieurs éléments : les plumes sont encadrées par un uraeus – cobra dressé, attribut divin et royal assimilé à l’ « Œil de Rê » – surmonté d’un disque solaire, tandis qu’à la base ont été placées deux cornes de bélier torsadées entre lesquelles pointe un disque solaire. La couronne-atef est généralement l’attribut d’Osiris, le désignant comme souverain de l’Au-delà (voir, par exemple, la représentation d’Osiris Ounennéfer de la tombe de la reine Néfertari publiée dans WILKINSON, 2003, p. 120), mais elle est également portée par le pharaon dans certains rituels.
L’aspect complexe qu’elle revêt ici renvoie davantage à Héryshef, un dieu étroitement lié à Rê et Osiris, comme sur l'amulette en or E 11074 conservée au musée du Louvre. Un élément d’une telle couronne – une plume de Maât flanquée d’un uraeus à disque solaire reposant sur une corne torsadée – est conservé dans les collections du musée de Lyon (musée des Beaux-Arts de Lyon G 1371). Il est daté de l’époque ptolémaïque et devait orner la couronne d’une statue.
La déesse est moins richement parée que son parèdre puisqu’elle ne porte qu’un collier simple à la base du cou. Aucune délimitation de la partie supérieure du vêtement n’est visible : peut-être porte-t-elle une jupe moulante haute, remontée sous le sein, à la manière des divinités de l’époque ptolémaïque ; peut-être le sculpteur n’a-t-il pas figuré la délimitation de son vêtement afin de retranscrire sa transparence. Le sein rond et bombé, qui semble implanté de manière peu naturelle sur la poitrine, est caractéristique de la XXXe dynastie (par exemple dans le cintre de la stèle de Thônis-Héracléion, qui porte un décret de Nectanébo Ier, conservée au musée gréco-romain d’Alexandrie) et de l’époque ptolémaïque (comme sur la stèle EA 612, conservée au British Museum).
Le bras droit pend le long du corps et tenait sans doute une croix-ânkh tandis que le bras gauche, légèrement projeté vers l’avant, tient un sceptre dont le sommet adopte la forme d’une ombelle de papyrus. Attribut traditionnel des déesses égyptiennes, il fait écho au hiéroglyphe ouadj, symbole de vigueur et d’éternelle jeunesse.
La même divinité, dans la même attitude et portant les mêmes attributs est représentée en symétrie par rapport à la ligne de séparation (elle est tournée vers la gauche), dans la partie gauche du fragment. Nous ne pouvons affirmer pour autant que les deux scènes étaient identiques.
S’il existe plusieurs déesses léonines plus ou moins interchangeables – Sekhmet, Bastet, Méhyt, Tefnout ou encore Hathor –, l’iconographie du dieu (coiffe particulière, uraeus et bijoux) nous permet d’identifier ce couple comme Anhour (Onouris) et sa compagne Méhyt.
Nous savons par l’épigraphie qu’il existe un culte pour ce dieu guerrier et chasseur dès la fin du IIIe millénaire mais ses fonctions, sa mythologie et son iconographie restent largement méconnues avant la XVIIIe dynastie. Il apparaît alors généralement anthropomorphe, comme sur le relief du musée Rodin, mais certains récits le présentent comme un homme à tête de lion, symbole de force et de pouvoir. Nous connaissons peu de choses de la déesse-lionne Méhyt, sa contrepartie féminine, si ce n’est qu’elle veille sur l’orée du désert et contrôle les ouadis ; elle occupe également un rôle de protectrice des sanctuaires.
Plusieurs textes font allusion à un mythe dans lequel Anhour, parti chasser dans le désert, traque une déesse lionne. Il la ramène en Égypte où elle devient son épouse sous le nom de Méhyt. Anhour signifie d’ailleurs « Celui qui ramène la Distante ». Selon Géraldine Pinch, cette Déesse Distante n’est peut-être à l’origine qu’une personnification des déserts de Nubie (PINCH, 2002, p. 177).
On ne peut que faire le parallèle avec le mythe de la Déesse Lointaine, dans lequel l’ « Œil de Rê », fille et protectrice du dieu (qui peut être Sekhmet, Hathor, Bastet, Mout, Tefnout, Ouadjet ou bien Méhyt), ivre de colère pour des raisons qui divergent selon les traditions, s’enfuit dans le désert (de Nubie dans certaines versions) sous la forme d’une lionne. Rê envoie alors un de ses fils (Thot, Chou ou Anhour) pour apaiser la déesse et la ramener en Égypte, auprès de lui, où se trouve sa place. En récompense, le dieu victorieux obtient d’épouser la déesse.
C’est sans doute la similitude entre ces deux mythes, ainsi qu’une autre lecture possible du nom du dieu Anhour, « Celui qui porte le ciel », qui conduit les Égyptiens du Ier millénaire à assimiler d’une part Anhour et Chou, maître de l’air qui soutient le ciel, d’autre part Méhyt et Hathor-Tefnout, et à amalgamer les deux mythes, à moins que ceux-ci n’aient dès l’origine constitué deux variantes d’un même récit.
Puisque Chou et Tefnout sont parfois identifiés respectivement au soleil et à la lune, Méhyt peut personnifier la pleine lune ; son retour à sa place symbolise alors la restauration de l’œil d’Horus, incarnation de la lune et de l’ordre cosmique. Cette assimilation trouve un écho dans la signification du nom Méhyt, « Celle qui est complétée ».
Leurs principaux lieux de culte se trouvent à This (Thinis), dans la région d’Abydos et, à partir du Ier millénaire, à Sébennytos, dans le Delta. Ce site a d’ailleurs livré plusieurs reliefs où Anhour et Méhyt sont figurés côte à côte, debout (Copenhague, Ny Carlsberg Glyptothèque, AEIN 1061 ; KOEFOED-PETERSEN 1956, p. 48-49 et pl. 59) ou bien assis (Baltimore, Walters Art Museum inv. 22.5), datés respectivement des règnes d’Alexandre IV (fils d’Alexandre le Grand) et de Ptolémée II.
Hati, un scribe du temple d’Onouris à This qui a vécu à l’époque ramesside, a laissé une statue-cube théophore très intéressante : contre ses jambes, il présente des figurines d’Onouris-Chou et de Méhyt « qui réside dans Béhédet (Edfou) », chacune assise sur son propre siège (British Museum EA 1726). Une chapelle est effectivement consacrée à Méhyt « qui réside dans Béhédet » au sein du temple d’Edfou. Elle renferme un hymne adressé à la barque de la déesse qui met en exergue son rôle de protectrice du temple. Anhour (Onouris) est également représenté à ses côtés dans ce même temple (cf. CAUVILLE, 1982). À partir de la période gréco-romaine, Anhour et Méhyt sont fréquemment représentés sur les murs des temples comme acteurs principaux du mythe de la Déesse Lointaine et comme divinités protectrices du fait de leur caractère guerrier.
L’épigraphie nous apporte la clé pour déterminer la provenance du relief du musée Rodin. En plus de confirmer l’identité de la déesse, la mention de la localité « Tcheb-netcher », c'est-à-dire la Sébennytos des Grecs (actuelle Samanoud), nous renvoie à la capitale du XIIe nome de Basse-Égypte, berceau des souverains de la XXXe dynastie et principal lieu de culte du couple divin à partir du IVe siècle avant J.-C. Le temple d’Anhour et Méhyt, majoritairement construit en granite rose, a depuis longtemps été démantelé et de nombreux blocs sont éparpillés tant dans les musées que chez les collectionneurs privés. Les autres sont conservés in situ. Les cartouches relevés appartiennent à Nectanébo II, Philippe Arrhidée, Alexandre IV et Ptolémée II. Selon toute vraisemblance, la construction du temple a débuté sous Nectanébo Ier (les statues du musée du Louvre E 25492 et du musée Rodin Co. 1420 témoignent de son activité sur le site) mais la pose du décor remonte au règne de Nectanébo II, qui a également fait ériger deux naos, l’un dédié à la dyade locale formée par Anhour et Méhyt (musée du Caire CG 70012 ; ROEDER, 1914, p. 42-43, pl. 14, 47 b-e), l’autre dédié à Chou (musée du Caire CG 70015 ; ROEDER, 1914, p. 47-48, pl. 63 c-d, 83 a-b). Les travaux se sont poursuivis sous les règnes suivants, notamment Ptolémée II. C’est sans doute de ce temple que provient le relief Co. 1408.
Il est également possible, mais moins probable, que le relief provienne du temple voisin de Behbeit el-Hagar (ancienne Hébyt), dont les étapes de construction et de décoration sont semblables. Bien que dédié au culte d’Isis et Osiris-Hemag, des blocs inscrits au nom de la déesse Méhyt « maîtresse de Sébennytos » et la figurant au côté d’Anhour y ont été découverts. La dyade de Sébennytos recevait un culte dans une chapelle érigée sur le toit du temple (SPENCER, 1999, p. 81).
Si le relief du musée Rodin provient bien de Sébennytos, il ornait les parois du temple où était placée une statue du roi Nectanébo Ier, également conservée dans les collections du musée sous le numéro Co. 1420.
Dans son état actuel, l’inscription, incomplète, comprend une colonne de hiéroglyphes (lecture droite-gauche) encadrée par deux lignes verticales, le tout exécuté selon la technique du bas-relief. Il subsiste également des traces d’un signe nb entre la colonne de hiéroglyphes et le disque qui couronne la coiffe de la déesse, témoignant de la présence d’une deuxième colonne de texte.
L’inscription est difficile à lire du fait de l’état de conservation des reliefs. On distingue néanmoins, après un signe endommagé qui appartenait au nom de la déesse, la mention « Fille de Rê, maîtresse de Tcheb-netcher (Sébennytos) » ainsi que quelques signes qui comprennent plusieurs lectures. La comparaison avec des blocs inscrits provenant des temples de Sébennytos et de Behbeit el-Hagar permet de comprendre la suite de l’inscription, qui se poursuivait et de restituer la séquence : « Méhyt, la fille de Rê, maîtresse de Tcheb-netcher, l’Œil de Rê, la maîtresse du ciel, souveraine de tous les dieux ».
Ces blocs, qui sont conservés soit dans des musées (Copenhague, Ny Carlsberg Glyptothèque AEIN 1061 ; KOEFOED-PETERSEN, 1956, p. 48-49 et pl. 59), soit in situ à Sébennytos (EDGAR, 1911, p. 92, n°4 = SPENCER, 1999, p. 59, n°6 ; EDGAR, 1911, p. 92, n°5 = SPENCER, 1999, p. 61, n°8, fig. 6, pl. IX,1 ; EDGAR, 1911, p. 93, n°7 = peut-être SPENCER, 1999, p. 67-69, n°19, fig. 17) et Behbeit el-Hagar (NAVILLE, 1890, p. 26 et pl. VI), sont datés des règnes de Philippe Arrhidée, Alexandre II Aegos (Alexandre IV) et Ptolémée II.
Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian en mai 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 80, Bas-relief fragmentaire en granit de Syène représentant un roi (→) coiffé de la double plume et portant au cou un collier terminé par un pectoral. Derrière lui une déesse léontocéphale (→) coiffée de l’atef. Roi et déesse sont vus jusqu’à mi-corps. La même déesse (tournée ←) était figurée à nouveau dans la partie gauche du bas-relief. Haut 62, Larg 60. [Estimé à] 1000 Frs.
Donation Rodin à l’État français 1916
Le relief fut posé le lond du mur, dans le vestibule de l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français. Il y fut photographiée par Eugène Druet après mai 1913, à côté du torse Co.1420 (Ph.06034).