Dionysos Lykeios

Applique de mobilier

Égypte > provenance inconnue

Fin du IIIe - IVe siècle ap. J.-C. ?

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 8,76 cm; L.4,82 cm; P. 1,16 cm

Os, tibia de boeuf, face postérieure

Co. 2120

Commentaire

Etat de conservation

L’applique révèle un état d’usure prononcé, à la fois sur la face externe et la face interne, à tel point que les angles sont fortement émoussés. Elle présente plusieurs traces d’arrachements : l’une au niveau du ventre du personnage et de son poignet gauche, l’autre le long du bord dextre. Aussi plusieurs manques sont à déplorer : une partie du manteau, la jambe gauche en totalité, la jambe droite sous le genou, et la main gauche. Un petit arrachement est visible au milieu du sternum. La cage thoracique et le haut de l’abdomen comportent une série de rayures multidirectionnelles.

 

La surface comme le revers sont marqués par un fendillement de la matière osseuse. Celui-ci se matérialise au dos de la pièce par une fente et quelques fissures courant à la verticale, à partir du pan de fracture situé en partie inférieure senestre. L’avant-bras gauche porte une tache ocre qui s’étend sur la hampe du thyrse.

Description

Le caractère androgyne de la silhouette à la ligne sinueuse s’accorde avec l’un des types iconographiques dionysiaques connus depuis le IVe siècle av. J.-C. Le dieu exhibe un corps d’éphèbe aux chairs lisses. Cet aspect juvénile se trouve renforcé par la forte usure de la sculpture. Le bras droit de la divinité replié au-dessus de la tête, dans la pose de l’Apollon Lycien, exprime l’abandon à la torpeur engendrée par l’ivresse. Supporté à l’origine par une demi-colonne, son bras gauche retenait un thyrse feuillu. L’attribut est doté à son extrémité d’une volumineuse pomme de pin, aux écailles précisées par des incisions. Le fruit, plutôt ici arrondi que conique, parvient à la hauteur de la main droite levée, comme sur deux appliques du musée Benaki (12743 : MARANGOU 1976, p. 75, p. 88, n° 7, pl. 4b ; 18906 : MARANGOU 1976, p. 79, p. 91, n° 22, pl. 9b). La fine tige se terminant par une inflorescence se retrouve également sur deux autres appliques conservées autrefois à Berlin (WULFF 1909, p. 113, n° 390-391, pl. XVII). La pomme de pin est brisée sur la seconde, ce qui semble être aussi le cas sur un os sculpté présent dans les collections de l’Albertinum de Dresde au début du XXe siècle (PAGENSTECHER 1913, p. 230, pl. LIV-3). Le motif en dents de scie, encore reconnaissable sur la partie inférieure conservée du thyrse, semble être spécifique à de nombreuses appliques. Il traduit l’enroulement d’un ruban autour de la hampe du thyrse. Ce détail s’observe aussi sur toute la hauteur de la tige de l’attribut de Dionysos, sur une applique du Walters Art Museum de Baltimore (71.28 : RANDALL 1985, p. 86-87, n° 127), sur les deux appliques berlinoises et celle de Dresde déjà citées (WULFF 1909, p. 113, n° 390-391, pl. XVII ; PAGENSTECHER 1913, p. 230, pl. LIV-3), et sur un fragment du musée du Louvre (AF 6566 : MARANGOU 1976, p. 89). On identifie encore une fois le même motif gravé sur le thyrse que tient Dionysos sur un exemplaire du musée Benaki (12743 : MARANGOU 1976, p. 88, n° 7, pl. 4b)

 

La souplesse du corps de Dionysos répond à un fort hanchement. Tandis qu’il tourne légèrement son buste vers la droite, son visage regarde dans le sens contraire. En cherchant à traduire au mieux la torsion du buste et à appliquer le thyrse contre l’épaule gauche, l’artisan semble avoir exagéré la carrure de la figure. L’himation qui couvre son dos retombe le long de son flanc droit en larges plis. Seule la cuisse de la jambe d’appui a subsisté, la jambe gauche qui devait être croisée est perdue. Malgré une forte abrasion de la surface qui a entraîné la perte de détails anatomiques, la qualité de facture de l’applique est perceptible, tant dans la justesse de proportions, que dans la plasticité de la figure aux volumes bien déterminés. En effet, le buste est moins allongé que sur un certain nombre d’appliques (Co. 2107, Co. 2109, Co. 2232). La musculature, estompée par l’usure de la matière, demeure sensible dans le traitement des chairs. Le nombril est indiqué par une minuscule perforation pratiquée au burin.

 

Au-dessus des clavicules marquées par des butées de la lame, un cou relativement court supporte un visage aux traits très effacés. Deux minuscules percées circulaires signalent les pupilles placées au centre de grands yeux lenticulaires, non alignés. Le reste des détails anatomiques du visage a disparu sous l’effet de l’usure. La chevelure aux fines mèches incisées a été rendue avec application. Surmontant un haut front, une large mitra, dont le renflement trilobé évoque les corymbes du lierre, retient des mèches coiffées symétriquement de part et d’autre du visage, probablement réunies en un chignon sur la nuque.

 

Le lustre de la surface externe n’autorise pas l’appréciation du relief à sa juste valeur, et de ce fait ne facilite pas les rapprochements iconographiques ou stylistiques. Des appliques proposent des similitudes concernant des points particuliers, comme la coiffure couvrant la nuque privée de boucles ; il en est ainsi d’une pièce du musée Pouchkine au large bandeau pourvu de gros fruits de lierre (3041 : BANK, BESSONOVA 1977, p. 161, n° 301). En dépit de l’indéniable recherche de volume, le canon un peu court du corps, la carrure assez large, ainsi que le rendu stylisé des mèches de la chevelure et du thyrse, sont autant de critères qui nous orientent vers une datation à la fin du IIIe siècle ou au cours du IVe siècle. L’applique du musée Pouchkine a d’ailleurs été assignée à cette période. Les yeux lenticulaires disposés en oblique, et rendus de façon schématique, confortent cette hypothèse de datation. La plus grande prudence s’impose face à cette analyse stylistique, forcément incomplète et faussée par l’abrasion extrême de la pièce.

 

Comparaisons

-Berlin, anciennement au Staatliche Museen, I. 2883 (cf. WULFF 1909).

-Moscou, musée Pouchkine, 3041 (pour la coiffure).

Historique

Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.

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