Roi – Ptolémée VIII Évergète II

Égypte > provenance inconnue

Époque hellénistique et romaine > Dynastie lagide > règne de Ptolémée VIII Évergète II (170-163 puis 145-116 avant J.-C.)

[voir chronologie]

Calcaire

H. 67 cm ; L. 49 cm ; Ép. 6,5 cm

Co. 6403

Commentaire

Etat de conservation

L’état de conservation est médiocre. La pierre, altérée, est très pulvérulente. L’œuvre se compose de trois fragments : le fragment principal (fragment 1) approximativement carré, qui porte la figuration royale, un petit fragment (fragment 2) et un fragment de taille moyenne (fragment 3) qui prennent place dans le coin supérieur droit du fragment principal et complètent les cartouches.

 

L’œuvre, réalisée en relief dans le creux, n’a conservé aucune trace de polychromie visible. Les reliefs sont émoussés, en particulier le visage du personnage. Des éclats parcourent la surface, avec notamment de grandes épaufrures au niveau des bras et du torse, à l’extrémité inférieure du grand fragment ; on constate d’ailleurs qu’il n’y a pas d’arête marquée entre la face sculptée et le chant inférieur. Un éclat dans le cartouche de droite complique la lecture du nom du roi. Dans l’angle inférieur droit du fragment principal, un éclat est aujourd'hui perdu. Tous les autres angles sont marqués par des fissures, en particulier l’angle inférieur gauche du grand fragment.

 

Après nettoyage de l’œuvre en 2010, on constate encore des taches brunes sur l’épaule et l’aisselle gauche du personnage. Des petites taches de couleur turquoise sont disséminées sur toute la surface du fragment 3 (voir la section « Technè, Analyses »). La partie encore visible du chant supérieur du fragment 1 est couverte par endroits d’une fine couche d’enduit ocre. Une traînée rosâtre est visible sur le bord inférieur du fragment 1, mais aussi sur la portion du chant gauche (fragment 1) et la portion du chant droit (fragments 1 et 3) longeant la face sculptée : ce sont les traces laissées par un ancien encadrement en bois.

 

La plupart des chants des fragments ont été aplanis et sont usés, certains sont marqués tantôt par des traces indistinctes d’outils, tantôt par de profondes traces de gradine (chants inférieurs des fragments 2 et 3, en continuité sur les deux fragments). Le chant supérieur du fragment 3 et les chants gauches des fragments 2 et 3 correspondent à des cassures. Les chants aux extrémités droite et gauche de l’œuvre ainsi que les chants gauches des fragments 2 et 3 présentent des trous et des rainures faites par des agrafes, qui conservent encore des traces de rouille. C’est d’ailleurs une agrafe rouillée qui est la cause de la séparation entre ces deux fragments.

 

Au revers du fragment 1, la surface est plane mais de grandes gorges ont été taillées au ciseau. Au revers des fragments 2 et 3, les surfaces sont planes avec des traces légères d’outils de type râpe et/ou chemin de fer ; du côté gauche, le plan s’incline et on observe des traces de gradine.

 

L’humidité et la présence ancienne de plâtre au revers sont probablement à l’origine des altérations (pulvérulence) et notamment de la migration de sels en surface ; la dégradation a été accentuée par la présence des agrafes : leur expansion lors de leur oxydation a fragilisé des angles des fragments. Malheureusement, un dessalement n’a pu être réalisé.

 

Description

Ce fragment, provenant d’une scène aujourd’hui perdue, conserve le torse du roi Ptolémée VIII, tourné vers la droite. Il porte sur la tête la couronne blanche, très allongée, symbole de sa royauté sur la Haute-Égypte, ornée à l’avant d’un fin uraeus (cobra dressé). À la base de la tête royale, à la jonction entre la couronne et le cou, s’échappe un ruban qui ondule jusqu’à l’épaule droite. Une barbe postiche très fine, évasée à son extrémité, est attachée sous le menton. Le souverain lagide est paré d’un collier large et lisse, bordé à l’extrémité supérieure, au ras du cou, par une rangée de perles rondes et, à l’extrémité inférieure, par un rang de perles en gouttes d’eau.

La figure est coupée juste au-dessous des épaules si bien qu’il n’est pas possible de déterminer quel geste esquissait le roi.

 

Le visage est très abimé, notamment dans sa partie supérieure, indice vraisemblable d’un martelage. Néanmoins, on en distingue bien les contours. Il est pourvu d’une oreille assez grande et haut placée. Le profil est très proche de celui du visage du dieu Amon figuré sur un relief en grès daté de Ptolémée VIII et conservé au musée du Louvre (B 35) : racine du nez peu marquée, bout du nez arrondi, lèvres épaisses et bouche souriante, menton court et rond. Sur les deux œuvres, le visage est arrondi et joufflu, un peu poupin. Sur le relief du Louvre, le dieu Amon est également paré du même collier que Ptolémée VIII sur le fragment du musée Rodin.

 

L’extrémité gauche du relief est incisée d’une double ligne verticale qui semble se poursuivre vers le bas et marque sans doute la limite de la scène. À l’extrémité droite, une fine bande verticale, creusée dans la pierre, descend à hauteur d’yeux du souverain : elle devait séparer les cartouches gravés au-dessus du roi du reste des inscriptions qui légendaient la scène, cette dernière devant se poursuivre plus à droite. Il s’agissait peut-être d’un face à face entre le roi et une ou plusieurs divinités, une scène classique de l’art pharaonique largement favorisée à l’époque lagide. Le règne de Ptolémée VIII ayant été marqué par une intense politique de (re-) construction des temples égyptiens, le relief Co. 6403 peut sans doute être restitué dans un contexte religieux, ornant la paroi d’un temple.

 

La datation tardive de l’objet et son origine supposée amènent à penser que le martelage est imputable à une occupation post-pharaonique du temple d’où proviendrait ce relief.

Inscription

Deux cartouches, gravés au-dessus du roi, nous révèlent son identité. Le texte, inscrit en colonne, est orienté en fonction du souverain (lecture de droite à gauche). Il livre une partie de la titulature de Ptolémée VIII.

Le premier cartouche donne son nom de Roi de Haute et de Basse-Égypte (nom de couronnement) : « L'héritier des deux dieux apparus (θεοι επιφανοι), celui que Ptah a choisi, celui qui exécute la Loi de Rê (ou : le créateur de Maât, c’est Rê), celui à la vie puissante c’est Amon ».

Le second cartouche donne son nom de Fils de Rê (nom de naissance) : « Ptolémée vivant éternellement, aimé de Ptah ».

 

À partir de Ptolémée III, plusieurs rois de la dynastie lagide – dont Ptolémée VIII – vont porter comme nom de Fils de Rê « Ptolémée, vivant éternellement, aimé de Ptah », se plaçant ainsi sous la protection du dieu tutélaire de la ville de Memphis. L’ancienne capitale de l’Égypte conserve une grande importance, notamment religieuse, à l’époque ptolémaïque. C’est d’ailleurs du nom antique du temple du dieu Ptah à Memphis, Hout-ka-Ptah, « le château du ka de Ptah », que serait dérivé le nom grec Aegyptos, lui-même à l’origine du mot « Égypte ».

 

C’est ici le nom de couronnement, « L'héritier des deux dieux apparus, celui que Ptah a choisi, celui qui exécute la Loi de Rê (ou : le créateur de Maât, c’est Rê), celui à la vie puissante c’est Amon », qui permet l’identification du roi représenté et donc la datation du relief puisqu’il est propre à Ptolémée VIII. À nouveau, il établit un lien étroit entre le roi et le dieu Ptah, mais évoque également les divinités solaires Amon et Rê, érigées au rang de dieu national sous la forme syncrétique Amon-Rê. Il se présente à la fois comme un souverain légitime, un roi juste et un monarque de droit divin. Ces caractéristiques, loin d’être une nouveauté, ont été mises en avant par les pharaons tout au long de l’histoire égyptienne à travers des textes, des représentations, mais surtout leurs titulatures.

La graphie du nom sur le relief du musée Rodin est assez atypique puisque les signes de l’œil et de l’estrade, servant à écrire irou maât « celui qui exécute la loi, celui qui accomplit la justice », sont placés après les signes des dieux Rê et Amon, qui se font face, tandis qu’on les trouve généralement juste avant. Cette disposition correspond davantage au principe d’antéposition honorifique mis en œuvre par les Égyptiens dans l’écriture hiéroglyphique, qui consiste à inscrire en tête d’expression le signe qui a le plus d’importance, en l’occurrence celui qui désigne le dieu.

 

Derrière le roi est incisée une autre inscription, en colonne, au sens de lecture orienté en fonction du personnage (de droite à gauche). Bien qu’incomplète, on peut reconstituer la formule d’eulogie « (toute) protection, (toute) vie, (tout) pouvoir sont derrière (en français ; « autour de ») [lui comme Rê éternellement] », même si le signe neb « tout, chaque » n’a pas été gravé. Cette formule se retrouve fréquemment sur les reliefs ptolémaïques, derrière le souverain, par exemple sur les différentes portes érigées par les premiers rois lagides à Médamoud (SAMBIN-NIVET, CARLOTTI, 2015, p. 373-454). C’est également cette formule qui est gravée derrière Ptolémée X sur les parois de la Salle de Pount du temple de Wannîna conservées au musée Rodin (Co. 6404).

 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

 

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 13 ou 22 (?)

 

Donation Rodin à l’État français 1916

Commentaire historique

Le relief Co 6403 a été sélectionné pour être présenté aux visiteurs dès l’ouverture de la première salle des Antiques, au premier étage de l’hôtel Biron, en 1919. La photographie, prise en 1920, témoigne de sa présentation dans l’ancien montage en bois de Kichizo Inagaki (les trois fragments sont réunis), réalisé entre 1913 et 1916, à la demande de Rodin. Il est accroché au mur parmi une série de grands reliefs dont ceux provenant de la Salle de Pount du temple de Wannîna (musée Rodin, Ph. 3864).

 

Entre 1967 (ou 1971) et 2004, il a été déposé chez la maison André. Le fragment principal (fragment 1) a été retrouvé par la société André en novembre 2004 et le petit fragment (fragment 2) un peu plus tard. Ils ont été assemblés et restaurés en 2006. Le dernier fragment, de taille moyenne (fragment 3), a été découvert par la suite par la société André et assemblé aux autres en 2010.

 

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