ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 656 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 5,5 cm ; L. : 2 cm ; P. : 18,5 cm
Co. 2436
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 656 - 30 AVANT J.-C.
BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)
H. : 5,5 cm ; L. : 2 cm ; P. : 18,5 cm
Co. 2436
L'oeuvre est en mauvais état de conservation.
Le reliquaire est complet hormis le scellement. Le métal est oxydé et la corrosion a effacé les détails, notamment les écailles du corps de l'anguille, les caractéristiques des attributs, ainsi que les traits du visage. La partie inférieure avant du reliquaire est écaillée. La plaque qui refermait celui-ci a disparu, de même que les restes momifiés qu’il contenait. À l’arrière du réceptacle, une fissure parcourt l’œuvre sur environ trois centimètres.
On note la présence des concrétions de terre sur l’ensemble de l’objet, particulièrement le long de la queue et derrière la partie dressée.
Le reliquaire présente une épaisse couche de carbonates verts assez vifs (malachite). La surface est grenue. Des traces de terre d’enfouissement sont encore bien visibles. Des chlorures sont disséminés sur la surface. Il a été ouvert sur l’une de ses parois qui était bouchée par une plaque rectangulaire en bronze disparue.
L’œuvre figure le dieu Atoum à corps d'anguille, buste de cobra et tête humaine sur un socle creux de forme rectangulaire, réceptacle servant de sarcophage. Le corps dressé est légèrement décalé sur le côté gauche du socle. La partie allongée est d’abord rectiligne, puis, à partir d’une première bélière située à environ deux centimètres de la partie dressée, elle ondule avec grâce. Le corps est d’épaisseur égale sur l’ensemble de l’œuvre. La longue nageoire dorsale de l’anguille est dessinée. Une seconde bélière vient terminer la queue. Un renfort de bronze, permettant de consolider la figure, relie la partie dressée à celle allongée. L’oxydation du métal a comblé l’espace qui séparait ces deux parties.
La tête humaine est coiffée d’un nemes surmonté de la couronne atef ornée d’un uraeus imposant. L’atef se compose ici uniquement d’une fine mitre centrale flanquée de deux hautes plumes d’autruche. Cette couronne est un attribut de roi et également de divinités, telles qu’Osiris ou Atoum. Le profil d’une barbe se dessine sous le menton. Une fine ligne sur la face, dessinant un cercle dans lequel de la terre s’est incrustée, pourrait être le contour de l’œil. Mis à part cet élément, la corrosion du métal rend illisible les autres détails du visage, des couronnes et du corps du poisson serpentiforme. Un exemplaire assez similaire au Co. 2436, mais de plus grande taille, est conservé dans les collections égyptiennes des Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles (E. 2169, ancienne collection Philipp). Il ne subsiste que la partie antérieure du reliquaire mais celui-ci, mieux préservé et restauré récemment, permet de restituer la probable évocation des caractéristiques anatomiques de l’anguille du Co. 2436 (THERASSE Isabelle, in L. Delvaux, I. Therasse, Sarcophages sous les étoiles de Nout, Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire, 15 octobre 2015-20 avril 2016, Bruxelles, 2015, p. 194-195).
Une étiquette sur laquelle on peut lire B 215 est collée sous le reliquaire. À l’intérieur de celui-ci, on trouve également un bout de papier avec le numéro d’inventaire donné par Boreux en 1913, 410.
Les reliquaires de l’Antiquité égyptienne sont des objets archéologiques assez bien connus, les cimetières d’animaux sacrés étant nombreux sur le territoire égyptien. Ils comprenaient deux types d’animaux, les « uniques » et les « multiples » (cf. CHARRON Alain (dir.), La mort n’est pas une fin, Pratiques funéraires en Égypte d’Alexandre à Cléopâtre, Catalogue d’exposition 28 septembre 2002-5 janvier 2003, Musée de l’Arles antique, Arles, 2002, p. 176). La première catégorie regroupe des animaux choisis, parmi ses congénères et par les prêtres grâce à une statue divine qu’ils manipulaient, pour représenter de son vivant une divinité particulière. Les « uniques » les plus connus sont les taureaux Mnévis et Apis dont la plus ancienne attestation d’inhumation date du règne d’Amenhotep III. Ici, avec l’œuvre Co. 2436 il s’agit du reliquaire d’un « multiple ». Ces « multiples » n’étaient pas choisis pour leur caractère sacré mais c’est par les rites de leur mise à mort, leur momification et les prières récitées à cet instant que leur était conféré un caractère divin. Les animaux les plus représentés sont les serpents, les chats, les chiens, les ibis et les crocodiles. Ils n’avaient pas de pouvoir à part entière, c’était le dieu qu’ils représentaient à leur mort qui était encensé. Ils devenaient alors un ba de la divinité, acquéraient un rôle de médiateur et devenaient capables de transmettre les doléances de la population. Les reliquaires étaient créés sur demande des dévots et les prêtres se chargeaient d’y insérer l’animal entièrement momifié, soit une partie de sa momie, voire même un paquetage imitant la forme de l’animal. Ces « meurtres » étaient pratiqués cachés du regard de la population car la loi égyptienne condamnait à mort toute personne ayant tué même accidentellement un animal. Quoiqu’il en soit, ils étaient courants afin de subvenir aux besoins des commanditaires. Au fil du temps, les commandes devenant de plus en plus nombreuses, certaines bêtes étaient ainsi élevées dans le seul but de servir à leur mort d’objet de dévotion.
Sur le dessus de l’œuvre Co. 2436 est représentée une anguille, animal sacré du dieu Atoum. De plus, la couronne atef est un attribut de cette divinité. Ce reliquaire avait donc sans équivoque la fonction de représenter Atoum. Selon la cosmogonie héliopolitainne, Atoum est un dieu démiurge qui grâce sa semence créa le premier couple divin, Shou et Tefnout qui façonnèrent ensemble le monde, représentant réciproquement la terre et le ciel. Atoum est également une divinité solaire et était considéré comme la manifestation du Soleil couchant. Il avait une importance capitale dans la mythologie égyptienne ; il n’est donc pas étonnant que de très nombreux reliquaires de multiples ou d’uniques aient été mis au jour, notamment des taureaux Mnévis, des ichneumons, des anguilles ou des serpents qui représentent tous ce même dieu.
Cette iconographie exprime ses capacités de divinité primordiale issue du milieu aquatique des origines. L'anguille, poisson de forme serpentine vivant entre la vase et l'eau, rappelle qu'il est issu du Noun. Sa forme de cobra décrit son lien privilégié avec la royauté. Atoum n'adopte cette iconographie que sur de rares amulettes ou dans la statuaire votive en bronze. Dans ce cas, les statuettes surmontent toujours un sarcophage de l'animal en question, l'anguille Mastacembelus (voir le très bel exemple au Musée du Louvre N 5200).
Co. 2336 n'est pas une œuvre unique en son genre bien qu’elle soit moins courante que les reliquaires de serpent ou de mangouste. Le Musée de la Vieille Charité à Marseille conserve un exemple du même type (n° d’inventaire inconnu), le British Museum de Londres également (EA 49143). L'état de conservation de cette dernière oeuvre ne permet pas de confirmer qu'il s'agit d'une anguille ou un serpent.
Les collections du Musée Rodin ne possèdent que cet exemple de reliquaire du dieu Atoum représenté sous la forme d’une anguille à tête humaine.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913, Meudon, atelier de peinture, vitrine 11, 410, "Atoum, sous la forme d'une anguille à tête humaine déroulant ses anneaux, sur une base rectangulaire creuse, coiffure Atef. Bronze. Long. 18 cent. 1/2. Estimé cinquante francs."
Donation à l’État français en 1916.
Le reliquaire était exposé en 1913 dans une vitrine de l’atelier de peinture, dans la villa des Brillants à Meudon.