Égypte > provenance inconnue
VIIIe siècle ap. J.-C. - première moitié du IXe siècle
H. 10,6 cm ; l. 2,1 cm ; P. max. 1,3 cm
Os, métatarse de bœuf, face antérieure
Co. 2046
Égypte > provenance inconnue
VIIIe siècle ap. J.-C. - première moitié du IXe siècle
H. 10,6 cm ; l. 2,1 cm ; P. max. 1,3 cm
Os, métatarse de bœuf, face antérieure
Co. 2046
Le pied gauche est manquant. La coloration de la face est plus claire que celle du dos. Quelques minuscules taches ocre parsèment la surface de l’objet. Des sédiments bruns se logent encore dans les creux et s’accrochent sur quelques éléments saillants, comme le nez et la bouche. On note également quelques marques noires. V. Picur a mis en évidence la présence de dorure sur la partie centrale, ce qui paraît très étonnant. Ceci pourrait correspondre à un reste de polychromie ou à une contamination à partir d’un autre objet. Un réseau de fentes court sur toute la hauteur de la poupée. Au revers, entre les jambes, s’observe un important soulèvement.
Cette poupée présente un corps au proportions allongées et une tête menue, à la forme ovale, sciée en partie supérieure. Le visage arrondi, supporté par un long cou, ne présente qu’un petit nez saillant surmontant une bouche menue. Les yeux et les sourcils étaient très certainement peints. Les oreilles, légèrement décollées et perforées, recevaient sans doute des anneaux, disparus aujourd’hui. Le corps offre des volumes, certes très simplifiés, mais modelés de façon réaliste, qui dénotent une lointaine influence de la sculpture hellénistique. Des bras articulés étaient rapportés. La poitrine généreuse est mise en valeur par un collier en forme de croisillon. Les seins surplombent un buste étroit, souligné par une succession de moulurations, qui pourraient suggérer des bourrelets de graisse au niveau de la taille. En-dessous se dessinent un ventre enflé et un pubis triangulaire, dont la jonction avec les jambes est soulignée par une démarcation en « V ». Les jambes ne sont séparées qu’à mi-hauteur, et les pieds suggérés par des incisions imprécises.
Sculptée en ronde-bosse avec un souci de modelé réaliste, cette figurine s’inscrit dans un ensemble répertorié par E. Rodziewicz comme le type 2.a du groupe I (RODZIEWICZ 2012, p. 16, 19). Ces figures féminines sont bien représentées dans de nombreuses collections (voir à titres d’exemples, MOGENSEN 1930, A 630 p. 80 ; WULFF 1909, n° 529 p. 132, pl. XXII ; KAMINSKI-MENSSEN 1996, Nr IV-24, 26, 27 p. 202-203, pl. 96-97 ; SHATIL 2016, pl. 6-1 p. 306). L’approche en relief du corps de la femme dont elles témoignent, contraste avec celle des autres poupées plus plates, aux détails anatomiques stylisés. Leur tête était sans doute agrémentée de cheveux humains, rapportés avec une substance adhésive, comme le montre la poupée 10737 du musée Benaki, vêtue de quatorze tuniques superposées (RUTSCHOWSCAYA & BÉNAZETH 2000, n° 267 p. 217). L’adjonction de détails peints s’avère probable, compte tenu les exemplaires peints conservés au musée Benaki d’Athènes, au musée d’art islamique du Caire et au Mayer Memorial Institute for Islamic Art à Jérusalem (RODZIEWICZ 2012, p. 16, fig. 5.5 - 5. 6 p. 345).
Découvertes en grand nombre, à la fois au Proche-Orient et en Égypte, ces figurines ont longtemps été considérées à tort comme des poupées datant de l’époque byzantine, ou se rapportant aux communautés chrétiennes (RODZIEWICZ 2012 p. 9-18) Il est établi aujourd’hui qu’elles correspondent à une production qui apparaît à la fin du VIIe siècle, abonde au VIIIe-Xe siècle, pour ensuite décroître au XIe siècle, face aux interdits religieux (SHATIL 2016, p. 304-305). Renvoyant à des types de poupées connus pour le monde parthe (CAUBET & GABORIT 2004, p. 83-87), elles révèlent une influence moyenne-orientale. Leur apparition coïncide donc avec la mise en place d’une nouvelle civilisation au Proche-Orient et en Égypte, suite à l’arrivée des conquérants musulmans. Les exemplaires similaires découverts sur le site d’Istabl’Antar ont été datés de la fin de la période omeyyade, ou du début de l’époque abbasside, grâce à des contextes documentés (RODZIEWICZ 2012, p.16-17 n° 279-281 p. 174-176, pl. 37-38 p. 387-388, po. 99 p. 449). Aussi est-il possible de proposer une exécution de notre pièce au cours du VIIIe siècle ou au début du IXe siècle. On ne peut néanmoins écarter une réalisation plus tardive, car un exemplaire très proche a été découvert dans des niveaux de l’époque fatimide, dans le fouilles de Burg-al-Zafar au Caire.
Retrouvées principalement dans des contextes domestiques, ces statuettes ont d’abord été perçues comme des représentations à connotation magique ou apotropaïque en lien avec la fertilité ou la naissance (WOOLLEY 1907 p. 219-220 ; WULLF 1909 p. 131). Bien qu’elles puissent avoir joué un rôle éventuel dans l’éducation des filles et dans leur préparation à leur futur statut de mère (RODZIEWICZ 2012 p. 10), il semble que ces figurines aient avant tout servi de jouet. Elles ont peut-être cumulé plusieurs fonctions dans le temps : jouet, dans l’enfance de la propriétaire, puis objet symbolique, avec l’arrivée à l’âge adulte (SHATIL 2016, p. 304).
Comparaisons
-Berlin, anciennement au Staatliche Museen, I. 3719 (WULFF 1909, n° 529 p. 132).
-Chicago, Oriental Institut Museum, E25460, E25585.
-Copenhague, Ny Carlsberg Glypothek, AE. I. N. 865.
-Francfort-sur-le-Main, Liebieghaus Skulpturensammlung, 2778.20 (KAMINSKI-MENSSEN 1996, Nr IV-24, 26, 27 p. 202-203).
-Le Caire, fouilles archéologiques de Burg-al-Zafar.
-Le Caire, fouilles archéologiques d’Istabl ‘Antar (RODZIEWICZ 2012 n° 8638, 8695-2, 9134-2).
-Londres, British Museum, 1986,0320.3.a.
-Londres, Petrie Museum, UC59359.
-Paris, musée du Louvre, DAI, OA 6015.11, OA 6015.13.
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.