Harpocrate

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE ROMAINE > 30 avant J.-C. – 395 après J.-C. 

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 11,3 cm ; L. : 4,7 cm ; P. : 2,5 cm 

Co. 1455

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en mauvais état de conservation. Le métal est très oxydé, les détails sont patinés par le temps. Le pied droit, les orteils du pied gauche et l’extrémité de la main gauche ont disparu dans une cassure. De la terre de fouille semble incrustée dans les plis, en particulier à l’arrière du personnage. Des stigmates d’un ancien montage à base de plâtre sont visibles an niveau des pieds. Cette matière plâtreuse apparaît en éclaboussure à la partie arrière de la corne d’abondance.

Description

La statuette figure la divinité Harpocrate. Il se tient debout, le pied gauche légèrement en avant créant un déhanché vers la droite. Son bras droit est replié vers son visage pour pouvoir poser l’index sur ses lèvres, signe de jeunesse selon l’iconographie égyptienne. Une corne d’abondance, dans laquelle fruits et fleurs représentent l’opulence de la vie, repose sur le bras gauche. Sa main retient l’extrémité pointue de cette corne. S’appuyant le long du bras du dieu, cette corne d’abondance s’étire jusqu’au niveau du visage.

Harpocrate est coiffé d’une chevelure bouclée de style romain, laquelle est surmontée de la couronne de Haute et Basse-Égypte, le pschent. Cette couronne, unique attribut égyptien de cette statuette, est de dimensions particulièrement modestes, comme posée à l’avant du crâne du personnage. Harpocrate est entièrement nu. Son cou est paré d’un collier finissant par un imposant médaillon, aux détails aujourd’hui indiscernables. Il serait vraisemblablement comparable au collier de la statuette Co. 1211

Le visage d’Harpocrate est ovale. Ses grands yeux encadrent un large nez qui surmonte une bouche presque entièrement fondue dans le métal. L’état de conservation actuel de l’œuvre ne permet pas de donner plus de précisions quant aux traits du visage. Pour ce qui est du corps, le cou est court et se mêle avec la masse du buste. Les épaules, étroites et tombantes, se poursuivent sur des bras lourds. Le buste est large. Les subtilités de modelé, notamment au niveau des pectoraux, du bas-ventre et du nombril, ne sont plus visibles. La taille n’est pas marquée contrairement aux fessiers ronds et aux parties génitales enfantines, rendues sous forme de boursouflures. Les jambes potelées sont légèrement tordues. Le genou gauche, axé vers l’intérieur pour ajouter à l’effet du déhanchement, adopte une position peu naturelle. Les deux pieds ont disparu et leur emplacement est enduit d’une matière plâtreuse moderne, stigmates d’une installation sur un système de présentation.

 

Harpocrate est une divinité bien connue dans l’art égyptien. Son nom égyptien Horpakhered, « Horus l’Enfant », a été transcrit par les grecs en Harpocrate. Sa première attestation date de la XXIe dynastie et sa première représentation de l’an 22 de Chéchanq III sur une stèle commémorant une donation pour le « flûtiste d’Harpocrate » (cf. FORGEAU Annie, Horus-Fils-d’Isis, La Jeunesse d’un dieu, BdE 150, Le Caire, 2010, p. 308).

Harpocrate est, à l’époque de sa création, Khonsou-l’enfant, fils d’Amon et de Mout et fait partie de la triade divine thébaine. Il devient ensuite un dieu à part entière, c’est-à-dire Horus l’Enfant, fils d’une union posthume entre Osiris et Isis. Enfant royal, son front est décoré d’un uraeus. Le dieu Seth, son oncle, cherchant à le tuer afin d’acquérir le pouvoir dont il doit hériter de son père, Harpocrate est élevé dans les marais de Khemnis, à l’abri de Seth. De par son histoire, il obtient une double symbolique, il est à la fois le nouveau soleil du matin et l’héritier divin qui doit succéder à son père, ce qui fait de lui le représentant et la représentation idéale du roi. Les pouvoirs divins qui lui sont attribués évoluent rapidement. En effet, d’après sa mythologie, sa mère Isis l’aurait guéri d’une piqûre de scorpion. Il obtient ainsi des capacités guérisseuses et protectrices face aux animaux dangereux comme le montre les stèles dites d’« Horus sur les Crocodiles ». Sur ce type de stèle, on peut voir Horus enfant maitrisant de chaque main un animal considéré comme dangereux, tels que les lions, les serpents ou les scorpions. On peut également mentionner Nepri, dieu du grain et de la moisson, qui peut être représenté nu avec un doigt à la bouche. Harpocrate, qui possède la même iconographie, devient alors un dieu de la fertilité lié à Min et aux cultes agraires.

L’iconographie égyptienne d’Harpocrate, dieu populaire à la fin des temps égyptiens, est simple et reconnaissable. Il s’agit d’un enfant nu portant la mèche de l’enfance du côté droit du crâne et généralement l’index à la bouche. Il peut être debout, assis sur un trône, sur une fleur de lotus ou sur les genoux d’une déesse qui l’allaite. Ses coiffes varient selon la divinité qu’il représente et c’est pourquoi, en plus de son iconographie infantile, il est l’image de tous les fils des triades divines et est ainsi naturellement distingué comme protecteur des enfants. De par son aspect juvénile caractéristique, nudité et attitude naïve du doigt sur la bouche, bonnet enserrant le crâne avec mèche de l’enfance, proportions des parties génitales, et enfin rondeur des joues et du ventre, Harpocrate devint l’image de tous les dieux enfants d’un panthéon égyptien de plus en plus sophistiqué. Les très nombreuses statuettes en terre cuite ou en bronze datant de l’époque hellénistique et romaine attestent de la popularité de son culte dont l’apogée se situe durant le IIe siècle de notre ère. Ici, avec l’œuvre Co. 1455, Harpocrate arbore une iconographie romaine. En effet, la corne d’abondance, réservée au dieu Hâpi en Égypte ancienne, ainsi que les boucles de cheveux et le déhanché sont clairement attribuables à l’époque romaine. 

 

Enfin, notons que les auteurs classiques ont mal interprété le geste du doigt sur la bouche et l’ont compris comme étant « un symbole de discrétion et de silence », interprétation reprise par la suite par les ésotériques. En aucun cas cette attitude fait mention d’un quelconque respect des dieux par le silence. Ce geste de placer le doigt sur la bouche pour marquer le silence est un geste de notre époque et de notre culture et ne peut pas être appliqué aux égyptiens anciens. L’attitude d’Harpocrate est simplement l’image de l’enfance comme l’est la mèche tressée sur le côté du crâne. 

 

Les statuettes d'Harpocrate présentant une iconographie romain sont relativement répandues. On peut citer quelques exemples dans les collections des musées, notamment au Musée du Louvre (Br335, Br1064), au British Museum (1772,0302.164, 1772,0302.163, EA36077, 1814,0704.937, 1896,0724.1), au Penn Museum de Philadelphie (30-62-3), ou encore au Brooklyn Museum (47.87).

Œuvres associées

Les collections du musée Rodin conservent une autre statuette en bronze du dieu Harpocrate sous une iconographie romaine, Co. 1211

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon / pavillon de l'Alma / vitrine 8, 355, "Harpocrate debout, coiffé de l'atef, les pieds manquent. Haut. 12 cent. Estimé vingt francs."

Donation à l’État français en 1916.

Commentaire historique

L'objet fut exposé dans une vitrine du pavillon de l'Alma à Meudon, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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