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Relief

Face à face de deux personnages, partie inférieure

Égypte, provenance inconnue
Nouvel Empire > fin de la XVIIIe dynastie d’après le style
Calcaire polychromé
H. 28,3 cm ; L. 41,2 cm ; P. 7,5 cm.
Co. 3485

Commentaire

Etat de conservation

Bien que fragmentaire, le relief est en bon état général. De nombreux manques et éclats en surface sont consécutifs à une desquamation de l’épiderme de la pierre. Trois des chants correspondent à des cassures, avec quelques reprises sommaires au ciseau. Le chant senestre est bien dressé avec des traces de piquetage et de râpe. Le revers est sommairement aplani comme en attestent des traces de ciseau. Des restes de polychromie ocre-rouge sont observables sur les carnations (pieds et mains).

Description

Le bas-relief laisse apparaître les membres inférieurs de deux personnages masculins, représentés à même échelle. Placés debout sur une ligne de sol, ils se font face. Le personnage principal est celui orienté vers la droite. L’homme de droite, aux carnations plus sombres, a le pied gauche vu en miroir, glissé derrière le pied gauche du personnage qui lui fait face. Le personnage de gauche est vêtu d’un pagne court, tandis que celui de droite porte un pagne long, dont la finesse du lin laisse transparaître les jambes. La tonalité blanc-crème qui matérialisait le tissu en lin avec lequel ces pagnes étaient confectionnés n’est pas visible aujourd’hui.

 

Le découpage actuel du relief accorde au personnage de droite une position centrale. Cette impression est accentuée par la frise décorative qui clôture verticalement la scène derrière lui. Il est plus corpulent et semble avoir été pourvu d’un ventre rebondi. La ceinture de son pagne, placée bas sur l’amorce d’un ventre dont la silhouette courbe est encore perceptible, en atteste. Ses deux poignets sont ornés d’un large bracelet, seule parure visible sur ce fragment.

 

Le modelé du personnage de droite qui n'est pas vraiment classique attitude relève du style de la XVIIIe dynastie. De ses deux mains, il tient fermement un sceptre-ouas placé horizontalement. À l’extrême-droite du relief, la partie inférieure du sceptre-ouas se superpose à la frise ornementale qui marque la fin de la scène d’où ce relief provient. Au niveau de sa main droite, un élément court s'adjoint à ce sceptre. L’interprétation des objets tenus par le personnage et leur position horizontale est peu commune. La qualité d’exécution du relief semble écarter l’idée d’y voir un repentir, laissé apparent. S’agit-il de la matérialisation d’un bâton court accolé à un sceptre-ouas, ou celle d'un sceptre-ouas à la tête dédoublée ? Un exemple de dédoublement est attesté sur un pilier provenant de la tombe d’Imeneminet à Saqqara-Nord (fin XVIIIe dynastie, règnes de Toutankhâmon-Ay), sur la hampe de la canne tenue par la statue d'un roi de la Ve dynastie, Menkaouhor (musée du Louvre, E 3028a et B 48, N 151, IM 2614 in DELANGE 2019 p. 304-308 N° 103). Si les rois peuvent tenir dans une main plusieurs regalia, l'iconographie du relief Co. 3485 demeure, en l’état actuel de nos recherches, unique. Autre interrogation, le fait que ce sceptre soit tenu horizontalement, et à deux mains, est un élément singulier, pour lequel les parallèles sont encore à établir.

 

Il semble possible de restituer que l'homme placé à droite se tient légèrement incliné vers le personnage qui lui fait face. Dans l’iconographie pharaonique, les dieux sont vêtus d’habits classiques, costumes archaïques remontant aux débuts de l'histoire égyptienne. Ainsi, les dieux masculins étaient-ils le plus souvent vêtus de simples pagnes, tandis que les déesses arboraient des robes fourreaux à bretelles. Inversement, les humains, y compris la famille royale, se faisaient représenter avec des vêtements de leur époque. Le personnage de droite, vêtu d’un costume ample et complexe, était donc très probablement un pharaon, tourné vers une divinité masculine, reconnaissable à son pagne traditionnel court. En l’absence du reste du monument, d’attribut ou autre élément de costume, il n’est pas possible d’identifier cette divinité. En raison de l’aspect fragmentaire du monument, et sans connaissance de son contexte de découverte, les seuls éléments représentés ne permettent pas de situer avec précision la scène et le rite dépeint. Il est néanmoins possible de suggérer que ce relief provient d’une scène d’hommage rendu par un roi à un dieu, insistant sur la relation de proximité unissant les deux protagonistes comme en témoigne la superposition de leurs pieds. La présence du sceptre-ouas se justifie ici, puisqu’il s’agit d’un insigne du pouvoir, symbole de la puissance que les dieux offrent au souverain.

 

Cet objet a été classé initialement comme faux dans l’inventaire de Boreux en 1913, vraisemblablement en raison des détails singuliers de son décor. Mais il semble bien probable d’y voir une réalisation de la fin de la XVIIIe dynastie. L’apparence du roi apporte plusieurs indications quant à la datation potentielle de la scène. La représentation d’un souverain « grassouillet », pour emprunter l’expression de J.-L. Chappaz, avec un ventre proéminent et des fessiers affirmés, est caractéristique de l’iconographie de la fin du règne d’Amenhotep III et de l’époque amarnienne. Le style assez classique et canonique de ce relief permet donc de suggérer une datation assez probablement comprise entre la fin du règne d’Amenhotep III et les premières années de règne de son fils Amenhotep IV. Tenir horizontalement l’un des regalia ne semble pas réellement étonnant pour cette période. En effet, parmi les blocs datés du début du règne d’Amenhotep IV découverts à Thèbes, le bloc KHES 64 montre le souverain tenant le sceptre-héqa par la crosse et non pas par le manche.

Inscription

Anépigraphe

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian en septembre 1912.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 96, "Fragment bas relief représentant la partie inférieure de deux personnages dont l’un tient un sceptre [dessin] dans la position horizontale. Objet faux. 40 x 28."

Donation Rodin à l'État français 1916.

Commentaire historique

Le relief apparaît pour la première fois sur une liste d’objets égyptiens, expédiés par l’antiquaire Joseph Altounian à Rodin le 31 août 1912. Il s’agit d’un avis d’expédition de six caisses à dédouaner, avec, dans la caisse 8,  « 1 Bas-rel. coul. deux hommes en marche manque à partir de la ceinture. Beau trav. de la IVe dyn. 200 » (ALT 147, archives musée Rodin).

 

La plupart des objets de ce lot provient de l’expédition d’Altounian à travers l’Égypte entre le 24 juillet et 7 août : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » (10 août 1912, ALT 147, archives musée Rodin). Le marchand avait parcouru la route suivante : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire.

 

J. Altounian achetait encore au Caire quelques œuvres dont « 1 bas relief couleur Bahari. » (Livre de vente 1912, archives Altounian) qui pourrait correspondre au relief Co.3485 de la collection de Rodin. Le 28 Août 1912, Altounian écrivait au sculpteur : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivé à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; pour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la fera suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.» (ALT 147, archives musée Rodin). Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont le relief Co.3485 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912 (ALT 147, archives musée Rodin).

 

Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

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