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Apis

sous sa forme de taureau

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVI– XXXdynastie > 656 - 332 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 12,7 cm ; L. : 4 cm ; Pr. : 13,4 cm 

Co. 685

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre présente un bon état de conservation.

Le métal est oxydé, notamment sur la tête, à la naissance de la queue et sur le flanc droit. Les détails anatomiques et iconographiques sont cependant toujours visibles. L’œuvre est complète, à l’exception du socle qui la soutenait. Des taches rouge foncé et vert clair sur l’ensemble de l’objet marquent la présence d’oxydes et de carbonates. 

Description

L’œuvre Co. 685 figure le dieu Apis sous sa forme bovine. Il se tient debout, les deux pattes avant légèrement avancées. On note la présence d’une petite plaque sous les sabots avant et sous les sabots arrière, sous laquelle un tenon est visible. Ces deux tenons, un à l’avant, le second à l’arrière, permettaient de maintenir le taureau dans un socle plus grand, aujourd’hui disparu. 

Le taureau est coiffé d’un disque solaire orné d’un uraeus dont la tête s’élève jusqu’au centre du disque. La partie centrale du corps du cobra présente de petites lignes horizontales. Celles-ci démarquent le corps dressé de ses ailerons, déployés de chaque côté. 

 

La tête du taureau, approximativement triangulaire, présente un museau pointé vers le bas. Les deux narines rondes et l’ouverture de la gueule se discernent sur le museau. Ce dernier est séparé de la partie frontale, aplanie, par un modelage du métal créant un relief, particulièrement visible de profil. Les yeux, incisés et légèrement globuleux, sont rehaussés d’arcades sourcilières proéminentes bien que naturelles. Les oreilles triangulaires et creusées en leur centre se dégagent à l’arrière. Une incision en forme de triangle s’observe sur le front. Cette marque permettait aux prêtres en charge du culte d’Apis de distinguer son héraut du reste du troupeau. Plusieurs œuvres présentent cette marque distinctive, notamment certaines conservées au British Museum de Londres, inv. n° EA58963, inv. n° EA61615 ou encore inv. n° 1898,0225.1. Enfin, deux cornes pointues soutiennent la base du disque solaire. 

 

Conformément à l'iconographie d’un taureau Apis, l’artisan a incisé des éléments sur le corps du taureau, après la fonte de l’objet. Le cou de l’animal est paré d’un large collier, à cinq rangs. Les rangs extérieurs, ainsi que la rangée centrale, sont décorés de fines lignes, qui créent ainsi des sections. Un tapis central recouvre son dos. Décoré de losanges, ses deux extrémités sont frangées. Deux éléments ailés se distinguent de part et d’autre, étendus sur les épaules et les flancs du taureau. Au garrot, il peut être restitué un scarabée ailé, comme on le voit sur une figurine du Musée d’archéologie méditerranéenne de Marseille (inv. n° 620, in Musée d'archéologie méditerranéenne : guide des collections, 2013, p. 30) ou sur l’œuvre inv. n° EA58963 du British Museum. Malheureusement, l’état de conservation du métal à cet endroit ne permet pas de l’affirmer. Sur la croupe, il s’agit d’un vautour ailé, également visible sur les deux œuvres de Marseille et de Londres précédemment citées. Pour un schéma des caractéristiques décorant le corps des taureaux Apis en bronze, voir la notice de la statuette inv. n° B.485 du musée royal de Mariemont, très proche de celle de Rodin (Luc DELVAUX, « Apis », in DERRIKS, DELVAUX 2009, p. 185-186).

 

Le corps du taureau est traité de façon naturaliste, les détails anatomiques sont réalistes et représentés avec soin. Les proportions du corps sont naturelles. En effet, le cou épais annonce un corps fin mais musclé. Légèrement bombé sur le dessus, il se poursuit sur des épaules aux omoplates dessinées. La pointe de l’épaule est clairement visible, de même que les hanches sur la croupe (pour le vocabulaire général anatomique des bovidés, voir le site internet suivant). De celle-ci se dégage la queue qui longe la patte arrière droite et s’arrête sur le jarret. Á son extrémité, la touffe de poil finale a soigneusement été soigneusement figurée. Conformément à l’anatomie d’un bovin, deux pans de peau sont représentés au niveau du poitrail et sous le ventre, devant les parties génitales. Les pattes, quant à elles, présentent de nombreux détails anatomiques suggérant que l’œuvre devait à l’origine avoir une manufacture de qualité, notamment les genoux, les canons, les ergots, ainsi que la démarcation entre les paturons et les sabots fendus en deux. Les pattes du taureau adoptent une allure assez inhabituelle, plus proche de celle du veau que du mâle adulte (voir la notice de la statuette du musée du Louvre inv. n° N 5073 par Noëlle TIMBART, « Statuette d’Apis [cat. 311b] » dans Des animaux et des pharaons, 2014, p. 283 ou la statuette en bronze Berlin, inv. n° 2585, dans ROEDER 1956). La jeunesse de l’animal semble être confirmée par la représentation peu saillante des parties génitales.

 

Attesté dès le règne de l’Horus Aha à la première dynastie, le culte du taureau Apis est aussi ancien que l’est la civilisation égyptienne. De par cette longévité, il s’enrichit de nombreuses associations avec d’autres dieux. Vénéré particulièrement à Memphis, il est naturellement associé à Ptah, dieu local, dont il devient le « héraut » à partir du règne d’Amenhotep III à la XVIIIdynastie. Lié à l’origine à la fécondité et par conséquent à la fonction royale, il ajoute à ses marques reconnaissables un disque solaire entre ses cornes, orné d’un ou de deux uraei symbolisant son affiliation au dieu Rê. Cette association au dieu solaire se retrouve chez un autre bovidé, le taureau Mnévis d’Héliopolis, possédant également un disque solaire entre les cornes. En l’absence d’inscription qui identifierait clairement le dieu figuré, ces deux taureaux sont bien souvent confondus. Apis obtient aussi des prérogatives funéraires en se fondant avec Osiris et devient Osirapis, qui bien plus tard donnera le dieu Sérapis (pour un exemple de ce syncrétisme, voir la statuette d’un Osisis-Apis présumé, conservée au musée du Louvre et où le triangle d’or incrusté sur le front de la divinité inciterait à y voir une forme d’Apis (inv. n° E 3736 in GOMBERT-MEURICE Florence, « Statuette d’Osiris-Apis ? [cat. 310] » dans Des animaux et des pharaons, 2014, p. 282).

Pour reprendre l’appellation d’Alain Charron, Apis faisait partie des « uniques », c’est-à-dire « une bête choisie parmi ses congénères de la même espèce pour être l’hypostase de la divinité de la cité » (cf. La mort n’est pas une fin, 2002, p. 176). L’animal bénéficiait d’un statut à part. Soigneusement traité, il portait couronne, un culte propre lui était rendu, et il bénéficiait de funérailles dignes d’un dieu.Toutefois, ces uniques n’étaient pas des dieux à part entière mais des ouhem. Ce mot, traduit généralement par « héraut », faisait de l’animal un intermédiaire entre les hommes et les dieux. Il avait un rôle de médiateur, chargé de transmettre au dieu les prières des dévots et il assurait parfois la fonction d’oracle. 

 

« Cet Apis-Épaphos est un taureau né d’une vache qui ne peut plus par la suite avoir d’autre veau. Les Égyptiens disent qu’un éclair descend du ciel sur la bête qui, ainsi fécondée, met au monde un Apis. Le taureau qui reçoit les nom d’Apis présente les signes suivants : il est noir, avec un triangle blanc sur le front, une marque en forme d’aigle sur le dos, les poils de la queue double et une marque en forme de scarabée sous la langue. » Bien qu’Hérodote (L’Enquête, III, 28, trad. A. Barguet) le décrive comme tel, les Apis représentés sur les très nombreuses stèles découvertes par Mariette au Sérapeum possèdent une robe blanche tachetée de noir. 

Né d’une vache elle-même considérée comme manifestation d’Isis (voir CASSIER 2012, p. 15-20), Apis vit entouré de son harem et de sa mère dans un enclos sacré, appelé le sekos, dans l’enceinte du temple de Ptah à Memphis. À sa mort, il recevait tous les hommages généralement réservés aux hommes et était enterré dans des tombes indépendantes à Saqqârah jusqu’au règne de Ramsès II. Son culte prenant une importance considérable, notamment à la Basse Époque, période à laquelle on retrouve d’innombrables statuettes en bronze le représentant, un immense réseau de couloirs souterrains a été aménagé dans la nécropole memphite : l’actuel Sérapeum. Après 70 jours, période d’accomplissement des rites funéraires, un nouvel héraut était recherché parmi les troupeaux d’Égypte. 

 

La plupart du temps, Apis est représenté sous la forme d’un taureau passant, un disque solaire entre ses cornes. Mais d’autres figurations de ce dieu ont pu être utilisées. Par exemple, un homme à tête de taureau tenant le sceptre ouas et la croix ankh, ou encore une momie humaine à tête de bovidé. C’est à partir de la Basse Époque que de nouveaux attributs viennent compléter l’iconographie du taureau, notamment un scarabée ailé sur son garrot, un vautour ailé sur sa croupe et un tapis aux bords frangés sur son dos. 

 

L’œuvre Co. 685 relève du domaine de la dévotion personnelle. À la mort du dieu bovidé, de nombreuses statuettes en bronze étaient commandées, moulées puis présentées en offrandes sur les lieux de culte afin de demander au dieu d’accorder ses bienfaits et sa protection au commanditaire. 

De par sa qualité d’exécution et les nombreux détails anatomiques et iconographiques qui l’ornent, cette statuette serait à dater le plus probablement  de la Basse Époque. 

Œuvres associées

Les collections du musée Rodin conservent plusieurs statuettes du dieu Apis sous la forme bovine, Co. 798Co. 807Co. 1234Co. 2369Co. 2395Co. 2422 et Co. 5629. Les œuvres Co. 2369 et Co. 5629 sont à rapprocher de Co. 685 par la présence du disque solaire et de tapis frangé sur le dos. 

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon, atelier de peinture, vitrine 10, 386, "Taureau Hapi en bronze. 13 x 13. Estimé quatre cents francs."

Donation Rodin à l'État français 1916.

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