Message d'erreur

The text size have not been saved, because your browser do not accept cookies.

Reliquaire

Patte de Thot sous sa forme d'ibis

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVI– XXXIdynastie > 672 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

Bronze

H. : 3,5 cm ; L. : 3 cm ; P. : 9,5 cm 

Co. 5977

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en mauvais état de conservation. 

Le métal est oxydé et corrodé. La surface est rugueuse, particulièrement au niveau de la jambe et du tarse. Les doigts sont nettement plus oxydés, prenant aujourd’hui une teinte vert clair. 

Description

L’œuvre figure une patte d’ibis couché. De grande taille, la patte est fine et longue (9,5 cm). On remarque encore, malgré son état de détérioration, que les détails du coude et de la jambe ont été modelés dans le métal. Les doigts sont longs et fins. Les griffes sont aujourd’hui à peine discernables. Sur la partie droite, le quatrième doigt -le pouce- est replié  le long du tarse, indiquant que l’objet correspond à la patte gauche d’un oiseau au repos, allongé sur ses pattes repliées. On observe que seules les pointes des doigts étaient en contact avec le support d’origine, suivant la courbure naturelle des pattes d’un oiseau au repos. Voir pour comparaison, la figure d’ibis couché en bronze de l’ancienne collection Hilton Price, conservée à la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague Inv. N° ÆIN 1359 (cf. JØRGENSEN Mogens, Catalogue Egypt V. Egyptian Bronzes Ny Carlsberg Glyptotek, s. l., Ny Carlsberg Glyptotek, 2009, n° 84.3, p. 240 et 243).

 

Au dessus de la patte, dans le prolongement de la jambe, un tenon circulaire permettait le raccord avec le corps de l’ibis. Un tenon semblable, ménagé sous le coude, était destiné à maintenir l’oiseau sur un support, probablement le réceptacle de sa momie. 

 

Il existait deux sortes d’ibis en Égypte, l’« ibis blanc » (ibis aethiopica sive religiosa) et l’« ibis noir » (ibis falcinellus), auxquels Hérodote consacre son chapitre 76. Le premier affiche un plumage entièrement blanc et un bec rose, alors que le second a le cou, la tête, le bec, les pattes et la queue noirs. L’œuvre Co. 5977 n’étant qu’une patte, il est impossible de déterminer quelle espèce est ici figurée. 

L’ibis était considéré comme un ami des hommes car il détruisait les chenilles et les sauterelles qui menaçaient les récoltent, mais aussi d’après Hérodote, les serpents ailés venus d’Arabie et les scorpions. Il est étroitement et uniquement associé au dieu Thot, dieu lunaire, maître des « paroles divines » et seigneur d’Hermopolis. Thot, forme divinisée de Djéhouty identifié à Hermès par les Grecs, est le plus important des dieux lunaires. Il possède une personnalité complexe comprenant de nombreuses facettes. Il est à la fois la personnification de la Lune, mais aussi son protecteur, son gardien et parfois son adversaire. L’association à l’ibis se fait ici par la forme de son bec qui évoque le croissant de Lune, ainsi que par son plumage bicolore. Dans le Livre de la Vache céleste, Rê en fait son vizir et son substitut en déclarant : « Tu seras à ma place, mon remplaçant. On dira de toi : Thot, le remplaçant de Rê ». En tant que gardien et protecteur de la Lune, elle-même assimilée à l’œil d’Horus, Thot est « Celui-qui-compte-les-parties-[de-l’œil] » dans ses phases croissante et décroissante. Il possède ainsi des dons de calculateur et de mesureur. Les égyptiens ayant avancé que le pas de l’ibis faisait exactement une coudée, il est alors utilisé comme étalon type et Thot devient « maître de la coudée ». On retrouve souvent des statuettes en bronze d’ibis couchés pour que les pattes représentent le signe du bras qui était utilisé pour écrire une coudée comme c’est le cas pour l’œuvre Co. 5977.

De par l’observation rigoureuse et minutieuse des phases de la Lune, Thot devient le « savant » par excellence qui fait de lui le maître des écrits et du calame et le patron des scribes. Il établit le cadastre général de l’Égypte, inscrit le nom des rois sur l’arbre iched, légitimant leur accession au trône, et enregistre les résultats de la pesée du cœur. Enfin, il est juge et arbitre entre les dieux, notamment en prenant le rôle de médiateur dans le conflit qui oppose Seth et Horus. 

 

Les innombrables représentations de Thot se limitent à trois types différents. Le plus souvent, le dieu est ibiocéphale. Il peut être également zoomorphe en prenant l’aspect d’un ibis ou d’un babouin assis, second animal sacré du dieu. Il est rare de le rencontrer entièrement anthropomorphe, ou cynocéphale bien que quelques exemples peuvent être cités, notamment dans la sixième heure du Livre de l’Amdouat, face à Nectanébo Ier dans les catacombes de Touna el-Gebel, ou sur la façade du tombeau de Pétosiris sur ce même site. 

Touna el-Gebel est connu pour être le centre culturel de Thot où la cosmogonie hermopolitaine s’est mise en place. On y trouve un ibiotapheion, immense nécropole animale où ibis et babouins y étaient momifiés et inhumés dans des jarres en terre cuite ou dans des cercueils en bois ou en calcaire. L’œuvre Co. 5977 représentant une figure de reliquaire, il est possible qu’elle provienne de ce site. 

 

Les reliquaires de l’Antiquité égyptienne sont des objets archéologiques assez bien connus, les cimetières d’animaux sacrés étant nombreux sur le territoire égyptien. Ils comprenaient deux types d’animaux, les « uniques » et les « multiples ». La première catégorie regroupe des animaux choisis, parmi ses congénères et par les prêtres grâce à une statue divine qu’ils manipulaient, pour représenter de son vivant une divinité particulière. Les « uniques » les plus connus sont les taureaux Mnévis et Apis dont la plus ancienne attestation d’inhumation date du règne d’Amenhotep III. Ici, avec l’œuvre Co. 5977 il s’agit du reliquaire d’un « multiple ». Ces « multiples »n’étaient pas choisis pour leur caractère sacré mais c’est par les rites de leur mise à mort, leur momification et les prières récitées à cet instant que leur était conféréun caractère divin. Les animaux les plus représentés sont les serpents, les chats, les chiens, les ibis et les crocodiles. Ils n’avaient pas de pouvoir à part entière, c’était le dieu qu’ils représentaient à leur mort qui était encensé. Ils devenaient alors un ba de la divinité, acquéraient un rôle de médiateur et devenaient capables de transmettre les doléances de la population. Les reliquaires étaient créés sur demande des dévots et les prêtres se chargeaient d’y insérer l’animal entièrement momifié, soit une partie de sa momie, voire même un paquetage imitant la forme de l’animal. Ces « meurtres » étaient pratiqués cachés du regard de la population car la loi égyptienne condamnait à mort toute personne ayant tué même accidentellement un animal. Quoiqu’il en soit, ils étaient courants afin de subvenir aux besoins des commanditaires. Au fil du temps, les commandes devenant de plus en plus nombreuses, certaines bêtes étaient ainsi élevées dans le seul but de servir à leur mort d’objet de dévotion.

 

Les figures d’ibis en bronze sont des objets bien connus. Voici quelques exemples d’ibis couchés qui figurent très certainement ce à quoi l’objet Co. 5977 devait être à l’origine. 

Musée du Louvre, Paris : E17380 et N4118F.

Metropolitan Museum of Art, New York : 58.125.4a-c et 10.184.4.

British Museum, Londres : EA64515 et EA64516.

 

Pour des figurines d’ibis couchés entièrement conservés, comparer avec les trois ibis en bronze conservés à la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague Inv. N° ÆIN 271 (cf. JØRGENSEN, op. cit., n° 84.2, p. 240 et 242, probablement acquis en Égypte dans les années 1890) ; Inv. N° ÆIN 1359 (ibid., n° 84.3, p. 240 et 243, acquis à la vente de la collection Hilton Price en 1911) ; Inv. N° ÆIN 1778 (ibid., n° 84.4, p. 240 et 244).

Œuvres associées

Le musée Rodin conserve une patte en bronze appartenant à un ibis, Co. 5994. Contrairement à Co. 5977, l’œuvre Co. 5994 est une patte d’ibis figuré debout. De plus, cette patte faisait partie intégrante de l’oiseau et ne pouvait pas, comme c’est le cas pour Co. 5977, être détachée du corps. 

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

Donation à l’État français en 1916.

< Retour à la collection