Jean Sainte Fare Garnot (1908-1963)
Ancien élève de l’École Normale Supérieure et de l’École pratiques des hautes études, Jean Sainte Fare Garnot est un égyptologue français, fondateur du Centre de recherches égyptologiques de la Sorbonne (C.R.E.S.) et ancien directeur de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire. Dans les années 1950, avec une équipe de chercheurs, notamment composée de Claire Lalouette, Paul Barguet, Jean Leclant et de Jean Yoyotte, il entama des recherches approfondies sur la collection d’antiquités égyptiennes de Rodin.
Jean Sainte Fare Garnot
© Archives familiales
Dans une lettre du 4 juin 1958 adressée à Jean Leclant, Sainte Fare Garnot fit part de l’intérêt d’une stèle égyptienne conservée au musée Rodin et dotée d’un proscynème au nom d’« Oup-cuaout ».
Mon cher Jean,
J’espère que votre santé continue d’être bonne, que vous pourrez affronter en pleine forme les labeurs de votre « périple ». J’ai écrit, il y a quelque temps, à M. Santelli, pour appuyer chaudement une éventuelle demande de crédit complémentaire, formulée par vous. Où cela en est-il ?
J’ai demandé à M.Berger de réunir notre commission le samedi 29, à 15h. La veille, j’aurai présenté les fouilles de Robichon à la Soleb, à l’Académie.
Il faudrait, pendant le peu de temps qui nous reste avant votre départ, que nous prenions nos dispositions pour votre contribution aux Mélanges Mariette. Vous pourriez la rédiger sur le bateau, à condition d’emporter la documentation. Je vous enverrai une photo de la stèle Rodin [à identifier]. Son intérêt est d’être avec proscynème au nom d’Oup-cuaout (et non hnty imntyw ni Osiris), seigneur d’Abydos. Il vous faudrait dès maintenant réunir les exemples de proscynèmes du même type sur les stèles XI°-XII°-XIII° dynasties. Cf. l’index du Lange Schaefer, la thèse Gayet (Louvre), les articles Upuat (Roscher) (Bonnet et (?) dans Pauly Wissowa ?), enfin l’article de Meyer dans Z.A.S., 1905.
A bientôt ; mille amitiés. Répondez moi à Paris ; j’y serai Samedi soir.
Jean Sainte Fare Garnot
P.S. Vous aurez bien assez à faire avant votre départ sans que j’ajoute à votre fardeau. Mais, puisque vous me l’aviez proposé et à tout hasard, il y a, dans Orientalia 17 (1948), deux articles, l’un de Kees sur les phylai, l’autre de Otto sur les statues de temple, dont j’aimerais m’entretenir avec vous, si vous avez le temps de les regarder à nouveau (ainsi, peut-être, que du c.r. de Frankfort, Religion, par Kees, Orientalia 20 (1951), mais encore une fois il n’y a là aucune nécessité : une simple option !
Quelques jours plus tard, le 11 juillet 1958, Jean Sainte Fare Garnot recontacta Jean Leclant et partagea avec lui des extraits d’articles intéressants pour l’analyse d’une stèle égyptienne de la collection de Rodin :
Kurt Pflüger : The private funerary stelae of the Middle Kingdom and their importance for the study of ancient Egyptian History. Journal of the American Oriental Society, vol. 67, 1947, p. 127-135.
L’auteur énumère divers critères de datation, tirés des motifs, entre autres, p. 130 : « The dog, usually underneath the owner’s seat, is depicted a few times on the dated stelae of the II th Dyn., is very rare under Sesostris I and disappears after his reign”. (n’y a-t-il pas un chien sous un fauteuil sur la stèle de Rodin ?)
5. The motif of smelling the lotus does not appear on dated stelae earlier than Sesostris I, when it is rather frequently met with, but only in connection with women. Later it seems to become somewhat rarer. From the time of Amenemmes II onwards, men, too, are represented as smelling the lotus.
6. The motif of holding the lotus (à verifier, affirm. parait un peu bizarre), only in connection with women, is first found on dated stelae under Sesostris I. It disappears after the time of Amenemmes II, having always been rare.
P. 193 “Taken as a whole, the figure on stelae of the later time (après Amenemhat III) look almost anaemic, as compared with those of the Feudal age (jusqu’à Sésostris III)… the later generations look emaciated, even decadent”. (Les personnages de la Rodin sont, en effet, maigrillots et filiformes.)
Ibid. « … We furthermore see, as early as Amenemmes II, figures of gods, particularly of the funerak deities, Osiris and Wepwawet, appearing in the Upper part of stelae”.
Voici, mon cher Jean, les seuls passages de l’article de Pflüger qui, me semble-t-il, puissent avoir une importance pour l’étude de la stèle du musée Rodin [à identifier] ; à vous de voir s’il y a lieu de les utiliser ou non. En tout cas, vous aurez la certitude de n’avoir rien laissé de côté d’essentiel, car j’ai lu l’article d’un bout à l’autre, au Collège.
J’ai commencé cette note à Paris ; je la termine à Bénodet (Finistère), où nous voici, depuis hier, installés à l’Hôtel Beauséjour, face à la plage.
J’espère que ce billet vous atteindra en temps voulu. Si je trouve ce soir de grandes enveloppes à Bénodet (où, assez naturellement, l’équipement de bureau est, dans les magasins, plutôt pauvre), j’y joindrai la seconde partie de mon étude « Notre maître Gustave Lefebvre », à paraitre dans le prochain BIFAO. Vous pourrez garder cette « frappe ». J’ai avec moi ici tous les éléments de la bibliographie rassemblée par vous, et les compléments que j’ai pris , à la dernière minute, au Collège de France. Il ne me reste donc plus qu’à faire la dactylographie du tout, et à l’envoyer à Lajuncomme.
Tâchons de rester en liaison. A bientôt, mon cher Jean. Béatrice et moi nous réunissons pour vous assurer de notre amitié fidèle, vous souhaiter, au cours de votre long et beau voyage, les expériences les plus magnifiques et les plus enrichissantes.
Jean Sainte Fare Garnot
P.S. Pour gagner du temps, j’enverrai la notice Lefebvre à Karachi !