Homme assis sur un siège cubique

Statuette

Égypte > provenance inconnue

L’âge classique > Deuxième Période Intermédiaire  > XIIIe-XVIIe dynastie

[voir chronologie]

Stéatite cuite

H. 14,30 cm ; L. 7,60 cm ; P. 14,10 cm

Co. 3374 

Comment

State of preservation

Nous ne possédons que la partie inférieure de la statuette : la partie supérieure manque, la statuette est brisée au niveau de la taille, au-dessus du coude droit jusqu’à l’avant-bras gauche. Ce qui est conservé est en bon état : quelques éclats manquent, principalement sur le siège et le socle ainsi qu’au bas du dos ; il manque également la partie avant de l’annulaire et l’auriculaire de la main gauche ainsi que la partie avant de l’annulaire de la main droite. Plusieurs fissures parcourent la statuette, l’une visible au-dessus du poignet gauche, une autre en travers des jambes et une troisième qui s’étend de la main droite au socle en passant sur le côté de la jambe droite. On observe de nombreuses micro-rayures, sans doute les traces d’outils laissées lors de la sculpture et du polissage de l’œuvre.

Description

Le personnage masculin, dont il ne reste que la partie inférieure à partir de la taille, est figuré assis sur un siège cubique, les deux mains posées à plat sur les cuisses, les jambes jointes. Si, au Moyen Empire, l’attitude classique – homme assis, les mains sur les cuisses, l’une fermée tenant un boudin ou un linge et l’autre posée à plat – est encore en vigueur, celle adoptée par l’homme de la statuette Co. 3374 prend de l’ampleur. Elle est connue dès l’Ancien Empire (VANDIER 1958, p. 66) ; peu fréquente, elle est reprise sous le règne d’Amenemhat III, pour la statuaire de ce souverain, avant de se répandre dans la sphère privée. Il s’agit donc d’une attitude empruntée par les particuliers à l’iconographie royale (VANDIER 1958, p. 230 et 256-257), attitude qui va connaître un grand succès durant le reste du Moyen Empire et encore aux périodes suivantes. Les statuettes adoptant cette attitude sont toutes en pierre, en particulier en pierre dure. On la retrouve par exemple sur une statuette en stéatite très proche de celle du musée Rodin : la statuette de Nebaouy, fils de Sat-Sebek, datée de la fin du Moyen Empire, achetée au Caire en 1912 (Musée royal de Mariemont, B.497 : DERRICKS, DELVAUX 2009, p. 59-63 ; CONNOR, TAVIER, DE PUTTER 2015, p. 297-311, p. 300, fig. 6).

 

L’homme porte un pagne long et lisse, qui descend jusqu’aux chevilles et masque le modelé des jambes. Le pan droit est croisé par-dessus le gauche, sa bordure étant matérialisée par un dénivelé entre les jambes. Le haut du pagne n’est visible ni à l’avant, ni à l’arrière de la statuette et aucune incision ou entaille dans la pierre, au bas du ventre, ne vient indiquer le bord d’une ceinture. Il s’agit certainement de la jupe remontant haut sur le ventre, presque jusqu’à la ligne des pectoraux, un costume très utilisé dans la deuxième moitié de la XIIe dynastie et à la XIIIe dynastie (VANDIER 1958, p. 250). C’est ce costume que l’on retrouve sur la statuette de Nebaouy, conservée à Mariemont.

 

Les bras et les mains présentent peu de relief. Les doigts sont longs et droits à l’exception du pouce gauche, un peu arqué. Les ongles des pouces sont marqués par une légère dépression dans la pierre, ceux des autres doigts par une simple incision.

Les pieds, entre lesquels l’espace n’est pas totalement évidé, sont nus et posés à plat sur un socle qui prolonge l’avant du siège. Les doigts des pieds sont très longs. Lorsqu’ils sont représentés, les ongles sont signifiés par une simple incision, peu marquée.

 

Le siège cubique est simple, sans support dorsal. Il ne porte aucun décor mais des colonnes d’inscriptions gravées sur les faces latérales. Ni l’avant du siège ni le socle ne portent d’inscriptions.

Le dessous de la statuette est d’origine et n’a subi aucune modification moderne.

 

Un changement a lieu après l’Ancien Empire : les statues de particuliers peuvent non seulement être placées dans les tombes – au Moyen Empire, chaque tombe de dignitaire possède au moins une statue, placée dans une niche au fond de la chapelle – mais aussi dans les temples afin de bénéficier des offrandes faites aux dieux ; il s’agit alors d’une faveur royale. On peut, en particulier, évoquer le site d’Abydos où de nombreuses statuettes en pierre ont été découvertes, des ex-voto déposés dans le temple principal du dieu Osiris dont le culte est en plein essor (VANDIER 1958, p. 225-226).

C’est peut-être de cette possibilité de faire déposer plusieurs effigies dans différents lieux (tombe et surtout sanctuaires) que résulte la tendance générale à la diminution de la taille de la statuaire privée vis-à-vis de ce qui avait cours à l’Ancien Empire (VANDIER 1958, p. 225-226). Commanditer des statuettes permettait de faire fabriquer plus d’objets mais aussi d’avoir des objets plus mobiles.

Ainsi, la statuette du musée Rodin, dont l’origine exacte n’a pu être déterminée, pourrait provenir de la tombe de son propriétaire ou encore d’un sanctuaire, un grand sanctuaire comme celui d’Osiris à Abydos ou un temple local de moindre importance (Au Moyen Empire, ce type statuaire est plutôt lié aux temples). Mais qu’elle soit issue d’un contexte funéraire ou religieux, elle devait, in fine, permettre à son propriétaire, une fois défunt, de profiter des offrandes afin de continuer à vivre dans l’au-delà.

 

La différence de qualité entre l’exécution de l’effigie et la gravure de l’inscription, réalisée de manière expéditive, est frappante. Cette dichotomie semble fréquente sur les statuettes réalisées en stéatite, comme l’effigie de Renseneb, conservée à la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague (AEIN 60 ; CONNOR, TAVIER, DE PUTTER 2015, p. 300, fig. 4), et peut sans doute être imputée à différents facteurs comme la compétence de l’artisan et la nature du matériau.

 

À partir du milieu du Moyen Empire, la production statuaire augmente considérablement et devient accessible à un plus grand nombre d’officiels et de membres de l’élite de rangs variés. La roche la plus utilisée dans la statuaire du Moyen Empire est la granodiorite mais on constate l’apparition de statuettes (10-30 cm) exécutées dans une pierre noire et brillante, qui continuent à être produites à la Deuxième Période intermédiaire. Elles se caractérisent par une surface lisse et luisante, d’apparence vitrifiée, au reflet un peu gras, un aspect « mou » dans le rendu des volumes et des formes, des traits du visage simplifiés, des arêtes, des angles et des stries des vêtements arrondis. Lorsqu’elles portent des signes hiéroglyphiques, ils semblent tracés d’une main rapide et malhabile, incisés plus que véritablement gravés. Ces statuettes constituent environ 17% du corpus des sculptures privées de la fin du Moyen Empire et de la Deuxième Période intermédiaire (toute fin de la XIIe dynastie-XVIIe dynastie).

 

Du fait de sa couleur généralement noire, parfois très soutenue, le matériau a souvent été identifié, à tort, comme de la grauwacke, de la granodiorite, du basalte voire de l’obsidienne. En réalité, ces statuettes ont été réalisées en stéatite, également appelée « pierre à savon » (Sur ce matériau, consulter DE PUTTER, KARLSHAUSEN 1992, p. 140-143 et l’étude récente CONNOR, TAVIER, DE PUTTER 2015, p. 297-311). À l’état naturel, c’est une pierre dense, friable, très tendre et facile à travailler (elle se raye à l’ongle), de couleur grise, beige ou blanche. Cependant, après avoir été sculpté, le matériau de ces statuettes n’est pas laissé en l’état, il subit une nouvelle transformation : la stéatite est cuite à 900°C. Elle devient alors plus dure et change de couleur selon l’atmosphère de cuisson : brun-rouge (atmosphère oxydante) ou noire (atmosphère oxydante puis réductrice).

La cuisson permet ainsi d’indurer la pierre pour atteindre une dureté comparable à celle des pierres sombres traditionnellement utilisées pour la statuaire royale et des hauts dignitaires (notamment la grauwacke et la granodiorite), de lui donner sa couleur noire ou rouge et son aspect lustré. Les expériences en archéologie expérimentale ont mis en évidence que 7 à 8 heures suffisaient – sans doute moins pour les sculpteurs chevronnés d’Égypte ancienne – pour produire une statuette complète d’une vingtaine de cm de hauteur, incluant la sculpture des détails et le polissage. Les expérimentations ont également permis d’observer qu’au-delà de 1000°C, les statuettes présentaient des fissures, probablement le résultat d’une déshydratation trop rapide. Une cuisson un peu trop forte pourrait donc expliquer les fissures sur la statuette du musée Rodin ou encore sur celle du musée royal de Mariemont (Mariemont B.497).

 

Deux caractéristiques transparaissent à travers le corpus des statuettes en stéatite du Moyen Empire et de la Deuxième Période intermédiaire : si la stéatite est facile à tailler, les objets réalisés dans ce matériau sont, d’une part, de petite taille et, d’autre part, d’une qualité esthétique moindre. Les résultats sont bien souvent inférieurs à ceux obtenus pour les statues en « belles pierres dures » contemporaines. Ces statuettes ont sans doute été réalisées dans des ateliers différents, les hauts dignitaires de la cour ayant accès aux ateliers royaux. Même si les sculpteurs imitaient la statuaire royale et des membres éminents de la cour dans les attitudes et les attributs, ils n’avaient pas les capacités, la volonté ou l’entrainement suffisant pour les égaler.

 

Si on peut se demander pourquoi le choix s’est porté sur la stéatite et sa cuisson, la question primordiale est sans doute « pour qui ? ». Dans la sculpture privée, le choix des pierres est souvent lié à des productions spécifiques et au niveau social. Les dimensions, le matériau, la qualité d’exécution, les inscriptions (les titres) et, quand ils sont connus, les contextes de découverte, pointent vers des individus qui n’appartiennent pas aux plus hauts cercles de la cour, mais qui ont des moyens suffisants pour ériger un monument funéraire ou un cénotaphe et y installer une statuette ou des stèles. Les spécificités de cette pierre permettent ainsi de produire des statuettes pour les catégories les plus modestes de l’élite et les dignitaires provinciaux.

C’est avant tout un matériau abordable, avec un coût d’extraction moindre. Aucune carrière de stéatite n’est connue mais les gisements sont facilement accessibles : elle peut être extraite sans difficulté dans de nombreux endroits le long des ouadis reliant la vallée du Nil à la mer Rouge, les pistes désertiques étant très fréquentées à l’époque pharaonique, en particulier dans la région du Ouadi Hammâmât. L’extraction demande peu de moyens, nécessite des expéditions modestes et autorise donc des expéditions de nature privée, avec une simple caravane. Des petits blocs peuvent être ramassés sans même nécessiter d’extraction. Nous sommes donc loin de ce qui a cours pour l’extraction de la grauwacke, dont les gisements se trouvent également au Ouadi Hammâmât, qui se fait dans le cadre d’expéditions royales utilisant parfois plus d’une centaine de participants. La petite taille des œuvres peut d’ailleurs s’expliquer par la nature des expéditions et certainement aussi par les propriétés de la pierre : à l’état naturel, elle est assez friable, il est donc difficile, voire impossible, de transporter des gros blocs sur les centaines de kilomètres qui séparent la mer Rouge de la vallée du Nil sans les endommager.

La tendreté de la roche permet une sculpture aisée. La pierre nécessite donc moins de compétences pour être taillée et autorise une production plus rapide. Sa capacité à se transformer par la cuisson doit également être appréciée puisque cela permet de lui donner l’apparence de pierres plus nobles et ainsi d’imiter la statuaire des hauts dignitaires en pierres dures.

Ce choix se limite-t-il à la simple question du coût ? Ou bien existe-t-il d’autres raisons, comme la symbolique de la pierre ou simplement la question du privilège et de la permission accordée par le roi ?

 

On constate un nouveau pic d’utilisation de la stéatite sous Amenhotep III, où elle est alors largement utilisée pour les représentations du roi et des hauts dignitaires.

 

Inscription

À compter du Moyen Empire, le texte porté par les statues et statuettes tend à occuper une place de plus en plus importante (VANDIER, 1958, p. 226), allant parfois jusqu’à recouvrir la quasi-totalité de la surface de l’objet, comme c’est le cas sur certaines statues-cubes. Ces objets ne sont plus dans le serdab de la tombe aux parois inscrites. Ici, cependant, seules deux colonnes de hiéroglyphes, séparées par des lignes verticales, ont été gravées grossièrement sur chaque face latérale du siège. Les signes suivent la même orientation que le personnage représenté (côté droit : lecture de droite à gauche ; côté gauche : lecture de gauche à droite).

L’inscription commence par une formule d’offrandes, indice du rôle attendu de la statuette, qui évoque Ptah-Sokar. Ptah est le dieu tutélaire de Memphis ; très tôt, il est assimilé à Sokar, patron de la nécropole de Saqqara, pour devenir la forme syncrétique Ptah-Sokar, une divinité funéraire.

L’espace laissé vide dans la première colonne, entre la formule de ny-sout hétep et le nom du dieu, était peut-être destiné à recevoir le nom d’une autre divinité.

Le texte donne ensuite le nom ainsi que les titres du dignitaire. Malheureusement, l’état de l’inscription laisse une certaine place au doute : ce nom peut se comprendre « Horiâa » ou bien « Hori juste-de-voix », une épithète indiquant son statut de défunt. Il est « préposé de Nékhen (Hiérakonpolis) du service du vizir ». Il occupe ainsi la même charge que son père, Sébekhotep – un nom courant, qui se retrouve tout au long de la période pharaonique (RANKE, 1935, p. 305, n°6).

 

La forme des signes permet de dater cette statuette entre la XIIIe et la XVIIe dynastie, c'est-à-dire au cours de la Deuxième Période intermédiaire.

Historic

Acquise par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon, pavillon de l'Alma, vitrines 23 et 24, 525, "Partie inférieure (depuis la ceinture) d'une statuette en schiste brun représentant un personnage assis ; les mains posées à plat sur les genoux. Deux lignes verticales d'hiéroglyphes ont été gravées très grossièrement de chaque côté du siège. Elles paraissent donner au défunt le nom de [hiéroglyphes]. Douzième dynastie. Haut. 14 cent. Estimé quarante francs."

Donation Rodin à l’État français 1916

Historic comment

La statuette était exposée du vivant de Rodin dans les vitrines 24 et 25 du pavillon de l'Alma à Meudon.

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