Homme debout présentant l’image d’une divinité

Statue théophore

Égypte > provenance inconnue

Les derniers temps > Basse Époque probablement

[voir chronologie]

Grauwacke probablement

H. 32,2 cm ; L. 11,4 cm ; P. 15,5 cm

Co. 881

Comment

State of preservation

Bien qu’il s’agisse d’un fragment assez conséquent, l’état de conservation de l’œuvre est moyen. Dans sa partie supérieure, elle est préservée à mi-hauteur du torse du personnage, mais les bras ont presque totalement disparu (il reste des traces de l’avant-bras gauche) ; elle conserve encore la base de la main gauche, ainsi que la main droite – marquée par un éclat conséquent – et la partie supérieure du poignet droit. La partie supérieure droite du pilier dorsal a disparu dans une cassure, qui a emporté le bras droit et tout le flanc droit jusqu’au niveau des reins. La tête de la figure divine a totalement disparu.

Dans sa partie inférieure, une cassure traverse en biais la statue, depuis le genou droit jusqu’au mollet de la jambe gauche ; elle est un peu plus basse au niveau du pilier dorsal.

Des épaufrures de tailles variables parsèment l’œuvre, notamment, pour les plus importantes, les arêtes du devanteau du pagne ; on constate quelques petits éclats sur la main droite et les attributs de la divinité, la main gauche du personnage, les deux profils du dieu et du personnage.

À l’arrière, les arêtes du pilier dorsal sont constellées de nombreux éclats de différentes tailles. Une partie de l’inscription a été arasée, résultat des conditions d’enfouissement plutôt que d’une action anthropique. Le pilier dorsal présente plusieurs paillettes ocre rouge, peut-être des restes de polychromie. 

Description

Le personnage masculin debout, dans l’attitude de la marche, jambe gauche en avant, présente devant lui l’image d’un dieu.

Ce dieu se tient debout, engoncé dans une gaine d’où dépassent seulement ses mains. Des lignes verticales incisées et un léger ressaut dans la pierre indiquent la limite du vêtement, dont les pans recouvrent le dieu jusqu’au milieu des avant-bras. Le long de la ligne des épaules, un petit bourrelet de pierre indique la limite supérieure du costume.

Les mains sont placées l’une au-dessus de l’autre et tiennent des regalia : pour la droite, le sceptre-nekhakha (fléau) et pour la gauche, le sceptre-aout, attributs du dieu Osiris, le premier à avoir exercé la fonction royale dans le pays du Nil. La hampe du sceptre-aout se poursuit sous la main gauche mais ne se trouve pas dans le même axe que l’extrémité supérieure. C’est un trait qui se retrouve sur d’autres figures du dieu, par exemple sur les ex-voto d’Osiris en bronze du musée Rodin (Co. 792 et Co. 806) ou encore sur la statuette conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. 61.45). La figure du dieu ne semble pas avoir été pourvue d’un collier. Des traces d’arrachement sous le cou conservent le négatif d’une barbe dont l’extrémité devait être recourbée, attribut typiquement divin. Une réserve de pierre relie l’arrière de la tête de la figure divine et le torse du personnage. Elle est étroite comme s’il s’agissait d’un pilier dorsal et se prolonge assez haut sur le torse, indice que le dieu portait une couronne haute, probablement la couronne-atef, l’un des attributs classiques d’Osiris.

Les genoux sont modelés dans la pierre et une légère dépression indique la séparation des jambes.

La figure divine devait être placée sur un socle qui reposait en partie sur les pieds du personnage.

 

L’homme porte un pagne lisse au tissu très fin dont la ceinture, visible sous le ventre, est figurée par deux incisions. Laissée libre de tout décor, elle n’était pas représentée sur les côtés si l’on se réfère au côté gauche, le seul préservé. En partie avant, le pagne présente une avancée plate et inclinée : il s’agit d’un pagne à devanteau triangulaire long et lisse, costume qui apparaît à l’Ancien Empire ; il réapparaît sporadiquement au Nouvel Empire (VANDIER, 1958, p. 110, 249, 495). C’est un costume qui se retrouve encore au Ier millénaire avant J.-C.

Du fait de l’état de la statue, nous ne pouvons rien dire concernant le traitement du torse et des bras, qui étaient tendus et légèrement avancés. Néanmoins, l’allure générale du corps est celle d’un homme athlétique. Les mains sont étroites et les doigts longs et fins, à l’exception du pouce. Des incisions indiquent le contour des ongles. Sur les faces latérales, une incision sur le pilier dorsal dessine le contour de la fesse, peu bombée, et de l’arrière de la jambe.

 

Le personnage semble toucher du bout des doigts les coudes de l’image divine. Il ne la saisit donc pas comme s’il s’agissait d’un objet : ses mains sont en réalité étendues de part et d’autre de la statuette, sans vraiment la maintenir.

La typologie de l’homme debout « tenant » une statue divine ou un symbole divin, c'est-à-dire la statue théophore, apparaît à la XVIIIe dynastie. La paternité de cette typologie est sans doute à imputer à Senmout, grand intendant de la reine Hatchepsout. Les statues théophores se développent surtout à partir de la fin de la XVIIIe dynastie et à l’époque ramesside pour perdurer jusqu’à la fin du Ier millénaire avant J.-C. Elles mettent en lumière le rapport entre l’homme et la divinité. Jacques Vandier, dans son étude méthodique de cette typologie, s’est trouvé face à la difficulté d’interpréter le geste du personnage envers la statue divine de manière satisfaisante. Pour lui, le groupe théophore était peut-être la commémoration de l’offrande d’une statuette divine faite au temple par un particulier, ou bien la matérialisation de la dévotion du dédicant qui se faisait représenter dans un rôle de protecteur, non pas du dieu mais de la statuette divine.

En réalité, il faut plutôt voir dans ce type de groupe un face à face : la statue théophore est la représentation en trois dimensions d’une scène d’audience en deux dimensions entre le dieu et un particulier, qui appartient généralement aux classes supérieures de la société égyptienne. Le dignitaire est dans une attitude de prière et d’attente respectueuse, c’est-à-dire les deux mains posées à plat sur les cuisses, plutôt que dans une attitude d’adoration, les deux mains levées, les paumes tournées vers la divinité. Le dédicant n’attend rien de moins que de bénéficier des bienfaits accordés par la divinité, notamment de la réversion des offrandes quotidiennes qui lui sont faites dans son temple.

Ce petit groupe statuaire privé devait donc être placé dans la cour d’un temple, peut-être un sanctuaire dédié à Osiris. Cependant, il n’y a pas toujours corrélation entre le dieu représenté et le dieu tutélaire du temple où était déposée la statue. 

 

Inscription

Le pilier dorsal porte deux colonnes d’inscriptions hiéroglyphiques (lecture de droite à gauche) délimitées par des lignes verticales incisées. Les signes, gravés en creux avec soin, sont aujourd'hui très mutilés si bien que la lecture de la plupart d’entre eux demeure incertaine et il y a trop de manques pour combler les blancs grâce au contexte.

L’inscription devait, entre autres, énoncer les nom et titres du propriétaire de la statue, indications précieuses qui ne nous sont pas parvenues. Le texte rendait peut-être également compte des qualités morales du personnage, subtilité attestant de sa bonne foi auprès du dieu et appuyant sa demande. La publication de cette notice suscitera peut-être un raccord avec d’autres fragments, conservés dans d’autres collections, permettant ainsi de restituer l’identité et les fonctions du dignitaire représenté sur la statue Co. 881.

Historic

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 87, « Fragment d’une statuette de personnage debout qui tenait devant lui une image d’Osiris. Basalte gris. Haut max 30 cent. […] ».

Donation Rodin à l’État français 1916.

Historic comment

La statue fut probablement achetée auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi :  « 1 statuette femme debout tenant Osiris sur les genoux granit noir 110 » (ALT 147, archives musée Rodin).

 

L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.

 

Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont la staue Co. 881 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.

La statue fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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