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Ânkhkhonsou présentant devant lui une statuette d’Osiris

Partie inférieure d'une statue-cube théophore

Égypte > Basse-Égypte > Matboul (probablement)

Basse Époque > début de la XXVIe dynastie (probablement)

[voir chronologie]

Diorite

H. 22,9 cm ; L. 13,1 cm ; P. 21,7 cm

Co. 983

Comment

State of preservation

L’œuvre présente un état de conservation moyen. La partie supérieure de la statue n’est pas conservée : la tête, les épaules, les bras et les genoux du personnage ont disparu ; la partie supérieure de la figure divine, de la tête jusqu’aux genoux, est également manquante. L’extrémité des pieds du personnage, notamment du pied gauche, est endommagé et les détails sont peu visibles.

Les arêtes du pilier dorsal et du socle ainsi que les angles, notamment ceux de la face postérieure, sont endommagés ; sur les faces latérales du socle, de gros éclats sont partis, rendant par endroits les inscriptions illisibles. Les angles visibles du socle de la figurine sont également épaufrés.

Description

La statue figure un personnage assis, nommé Ânkhkhonsou fils de Tchaynypermout (I), les genoux ramenés contre le torse. Il ne subsiste aucune trace des bras, qui étaient sans doute croisés sur les genoux, les mains ouvertes ou bien tenant des attributs, comme sur la statue d’un personnage éponyme conservée au musée du Caire (JE 37150/CG 48624 ; BOTHMER, 1981, p. 75-83), à peu près contemporaine. On devine un torse charnu, sans muscle, au modelé très doux. Ânkhkhonsou porte un pagne long et simple, moulant, dont l’extrémité inférieure est rendue par une incision au niveau des chevilles ; il est maintenu en place à la taille par une ceinture simple assez large, également indiquée par des incisions parallèles. Cette ceinture est apparente seulement sur les flancs et le dos de la statue ; elle est plus haute à l’arrière. On constate que le personnage a des pieds de grande taille pour sa stature, avec des orteils longs et épais. Les ongles des doigts de pieds sont signifiés par des incisions, encore visibles sur le pied gauche. La vue de dos permet d’observer sa taille cintrée. Le pilier dorsal, qui n’occupe pas toute la largeur du dos, est peu saillant.

 

Ânkhkhonsou présente devant lui une statuette de dieu dont il ne reste que le bas des jambes et dont le socle épais empiète en partie sur les pieds du personnage. Cette statuette est reliée aux jambes du personnage par une réserve de pierre, visible sur les profils. Il s’agit sans doute d’une image d’Osiris puisque la divinité, debout et les jambes jointes, a les deux pieds pris dans une gaine moulante, apanage du dieu. Il pourrait même s’agir de la divinité composite Ptah-Sokar-Osiris, attestée depuis le Moyen Empire, puisque le texte mentionne la fonction de musicien de Sokar. Le dieu Ptah-Sokar-Osiris représente les trois aspects de l’univers : la création, la stabilité et la mort.

 

 

La statue d’Ânkhkhonsou s’inscrit dans une typologie purement égyptienne, attestée depuis le début de la XIIe dynastie et qui perdure jusqu’à l’époque ptolémaïque, soit une production qui s’étend sur deux millénaires : celle de la statue-cube (ou statue-bloc). Si elle apparaît parfois dans le domaine funéraire, elle est la statue de temple par excellence. S’ajoute un second type, celui de la statue théophore, qui apparaît au Nouvel Empire et symbolise un face à face entre le personnage représenté et la divinité : le dédicant ou le défunt rend hommage à la statue du dieu qui était conservée dans le naos du temple. Dans le cas de la statue du musée Rodin Co. 983, l’œuvre a été consacrée par le fils d’Ânkhkhonsou, Tchaynypermout (II), certainement suite au décès de son père.

 

Si l’on s’appuie sur les inscriptions, la statue était sans doute destinée à être placée dans un temple du site de Matboul, dans le delta septentrional, lieu de culte d’Amon-Rê mais aussi d’Osiris, connu depuis le Nouvel Empire jusqu’aux époques tardives. Ânkhkhonsou y exerçait la charge de « supérieur des chanteurs de Mout ». Les inscriptions inciteraient à attribuer la statue au temple de la triade amonienne. Cependant, l’iconographie renvoie davantage à un temple d’Osiris.

Les textes indiquent clairement la fonction de la statue et la volonté du dédicant : que son père Ânkhkhonsou, par l’intermédiaire de la statue, bénéficie de la réversion des offrandes faites aux dieux mais qu’il bénéficie aussi directement d’offrandes de la part des prêtres qui passeraient devant la statue.

 

Inscription

Deux colonnes de hiéroglyphes (lecture de droite à gauche), délimitées par des lignes incisées, sont gravées sur le pilier dorsal de la statue : le texte comporte une formule d’offrandes qui mentionne la triade divine Amon-Rê, Mout et Khonsou ainsi qu’un toponyme et les titres du propriétaire de la statue.

Une ligne de hiéroglyphes gravée court également sur le socle – sur la face avant et la face latérale droite (lecture de droite à gauche) ainsi que sur la face latérale gauche (lecture de gauche à droite) : l’inscription donne le nom, les titres et la filiation du personnage.

 

Le seul toponyme mentionné dans l’inscription est la localité de Ta-bener, située à Matboul, au sud-est de Xoïs, dans le delta septentrional [DARESSY, 1921, p. 143 ; GAUTHIER, 1929, p. 13-14]. Des vestiges inscrits, portant le nom de cette localité, nous apprennent qu’elle était consacrée à la triade Amon-Mout-Khonsou et à Osiris. Elle devait donc comprendre un temple dédié à la triade amonienne où officiait le propriétaire de la statue, Ânkhkhonsou, « supérieur des chanteurs de Mout ».

 

Les textes nous apprennent qu’Ânkhkhonsou était le fils d’un certain Tchaynypermout (I), mais également que son propre fils portait le nom de Tchaynypermout (II). Il semble d’ailleurs que ce dernier ait fait réaliser la statue au profit de son père défunt. Il porte le titre de « supérieur des chanteurs de ce temple », le nom du temple en question n’étant pas précisé. Il s’agit sans doute là aussi du temple dédié à la triade amonienne de Matboul puisqu’on sait par une statue d’Osiris conservée à Baltimore (Walters Art Museum inv. 22.184 ; BOTHMER, 1960, p. 48-49, n° 41, pl. 38, fig. 89-91 ; GUERMEUR, 1996, p. 35 (doc. 2) ; GUERMEUR, 2005, p. 184 ; JANSEN-WILKELN, 2014, p. 990 (60.431)) qu’il était « supérieur des chanteurs d’Amon-Rê maître de Ta-bener ». Le texte porté par cette statue d’Osiris a également permis de restituer le nom de sa mère, épouse d’Ânkhkhonsou : Tadithor (GUERMEUR, 2005 p. 184).

Les membres masculins de la famille portent des noms théophores qui mettent en évidence leur lien avec la triade amonienne puisque Tchaynypermout peut se traduire par « rejeton de la maison de Mout » et Ânkhkhonsou, « Khonsou est vivant ».

 

Les inscriptions de la statue Co. 983 comprennent également une formule d’appel aux passants, spécifiquement adressée aux prêtres-ouâb du temple dans lequel la statue a été déposée, peut-être celui où Ânkhkhonsou officiait ou bien celui d’Osiris.

 

Enfin, le texte loue l’habileté d’Ânkhkhonsou dans sa fonction de musicien. Il a la capacité de satisfaire les dieux, de les apaiser lorsqu’il joue de l’instrument netekh. Le mot netekh est d’origine sémitique et désigne un instrument de musique encore indéterminé, sans doute en bois d’après le déterminatif utilisé dans la seule autre occurrence connue (Papyrus Anastasi IV, 12,3).

Ânkhkhonsou est également qualifié de « musicien de Sokar », un titre connu depuis le Nouvel Empire. Il a peut-être un lien avec le rituel-khen pour faire sortir Sokar, une litanie d'invocations destinées à accompagner la sortie du dieu à l'extérieur du sanctuaire-Shetayt (GOYON, 1968, p. 96, n. 74).

Historic

Acquise par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 9 « Partie inférieure d’une statuette de personnage accroupi qui tenait devant lui une statuette d’Osiris debout. Le haut manque. La tête du personnage manque aussi. 22 x 22 [cm]. Pilier dorsal à deux lignes d’inscriptions. Inscription autour de la base. [Estimée à] 150 F. »

Donation Rodin à l’État français 1916.

Historic comment

La staue fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

Elle a été déposée au musée du Louvre en 1933 sous le numéro d’inventaire de la donation Rodin  9 et y a reçu un nouveau numéro d’inventaire, E 15545.  Elle est alors décrite dans l'inventaire des monuments égyptiens transmis par le musée Rodin, sous le n° 2 « Statuette en granit noir. Personnage accroupi nommé [hiéroglyphes] tenant devant lui une statuette d’Osiris. La tête et les épaules des personnages et la partie supérieure du dieu sont détruits. Sur le pilier dorsal, inscription en deux colonnes. Haut. 0,23 » (archives musée Rodin). Elle a été restituée au musée Rodin en 1967, à l’occasion de l’exposition Rodin collectionneur.

 

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