Égypte > provenance inconnue
L’âge classique > Moyen Empire > XIIe dynastie
Basalte ?
H. 16,50 CM : L. 8,90 CM : P. 17,20 CM
CO. 3383
Égypte > provenance inconnue
L’âge classique > Moyen Empire > XIIe dynastie
Basalte ?
H. 16,50 CM : L. 8,90 CM : P. 17,20 CM
CO. 3383
Le musée possède seulement la partie inférieure de la statuette, à partir de la taille et de l’avant-bras gauche (au-dessous du coude) jusqu’aux pieds. Ce fragment conséquent présente un assez bon état général, même si le coin inférieur gauche du siège cubique a disparu. Une partie de l’auriculaire gauche a également disparu. On constate quelques éclats sur les arêtes du siège et l’index gauche. La base de la statue a également souffert, notamment l’avant du socle.
Le personnage est assis sur un siège cubique, la main gauche posée à plat sur la cuisse, les pieds joints. L’absence de trace d’arrachement sur la cuisse droite tend à indiquer que la main droite était décollée du bas du corps, sans doute ramenée à la poitrine. Dès l’Ancien Empire, on trouve des statues assises dont la main droite est ramenée sur la poitrine, ouverte ou fermée et la main gauche posée à plat sur la cuisse, une attitude alors déjà archaïque (VANDIER, 1958, p. 64). Au Moyen Empire, elle devient plus fréquente : il arrive que les hommes, qu’ils soient debout ou assis, portent la main gauche ouverte à la poitrine et posent la main droite à plat sur la cuisse (par exemple les statues conservées au musée du Louvre E 11216 et E 22747 ; DELANGE, 1987, p. 140-141 et 192-193). Elle continue à être attestée sur les effigies d’hommes assis au Nouvel Empire : la main gauche aussi bien que la droite peut être ramenée à la poitrine, ouverte ou tenant un objet comme un élément végétal, l’autre main posée à plat sur la cuisse ou esquissant un autre geste. L’attitude générale de la statuette du musée Rodin ne nous permet donc pas de trancher de manière certaine en faveur d’une datation Moyen Empire ou Nouvel Empire. Nous pouvons seulement supposer que la main droite était ouverte, la paume posée sur la poitrine, geste qui parait être le plus couramment attesté.
L’homme est vêtu d’un pagne long et moulant, lisse, refermé en portefeuille, qui part sous le nombril et descend juste au-dessus des chevilles. Comme c’est généralement le cas avec ce type de costume, le pan droit est croisé par-dessus le gauche. Ce pan droit est plus court que le reste du costume, ce qui n’est pas rare, comme on peut le voir sur deux statuettes du Moyen Empire conservées au musée du Louvre : l’une figure un homme assis (A 80, milieu XIIe dynastie ; DELANGE, 1987, p. 91-93) et l’autre, un homme debout (E 22747, début XIIe dynastie ; DELANGE, 1987, p. 192-193). Ce qui semble être une incision indiquant un retour de tissu sur la cheville droite n’est sans doute qu’une inclusion dans la pierre. Ce pagne long simple, dont le bord de l’étoffe est visible (sauf lorsqu’il est caché par une colonne de hiéroglyphes), est un des vêtements favoris des hommes du Moyen Empire ; il est porté surtout dans la première moitié de la XIIe dynastie mais est encore utilisé à la XIIIe dynastie (VANDIER, 1958, p. 249). Il ne semble plus utilisé après la Deuxième Période intermédiaire, remplacé par une jupe longue et moulante, lisse, sans pan apparent. Sur la statue Co. 3383, aucune ceinture n’est matérialisée, ce qui est loin d’être exceptionnel. Ce costume laisse dégagé le bas du ventre sur lequel on aperçoit le nombril, petit trou circulaire, et le modelé assez doux indiquant la musculature. La languette du pagne, simple à l’extrémité arrondie, est représentée à gauche du nombril, en léger relief et délimitée par une incision. En regard sur le pagne, se trouve une petite pièce de tissu ( ?) qui emble exécutée selon la même technique (léger relief et contour finement incisé) mais avec une forme légèrement différente puisque trapézoïdale. Cet élément ne semble pas connaitre d’équivalent dans la statuaire. Il nous faut envisager la possibilité que cette deuxième languette corresponde en fait à une impureté de la pierre, conservée par le sculpteur et maquillée en élément de fermeture.
La main posée sur la cuisse est relativement plate, comme le poignet et l’avant-bras. Les doigts sont longs et traités avec peu de volume ; le pouce, plus court et plus épais, est arqué. Le sculpteur a pris soin d’indiquer les ongles et les cuticules par des incisions.
Les pieds sont nus et posés à plat sur un socle qui prolonge l’avant du siège. L’espace entre les chevilles, de même que l’espace entre le siège et les jambes, n’est pas totalement évidé. Les orteils sont bien modelés et les ongles et les cuticules sont, comme sur la main subsistante, soigneusement indiqués.
Le siège cubique sur lequel le personnage est assis est simple, il ne porte aucun décor. À l’arrière subsiste l’amorce d’un pilier dorsal, prolongeant le siège vers le haut mais plus étroit que ce dernier. Une seule colonne de texte est gravée sur ce pilier dorsal et se poursuit sur l’arrière du siège. L’extrémité du socle qui prolonge le siège adopte une forme arrondie, reconnaissable malgré l’éclat ; deux colonnes de texte sont gravées, de part et d’autre des pieds.
Le dessous de la statuette est d’origine et n’a subi aucune modification moderne. Il a été nivelé mais pas poli.
Si l’attitude est attestée à différentes périodes, le costume oriente plutôt vers une datation du Moyen Empire. Un parallèle peut être établi avec la statuette E 22747, conservée au musée du Louvre et déjà évoquée. Bien que l’homme soit représenté debout et qu’il y ait inversion dans le geste des mains, la statuette est très proche de la nôtre : elle a été réalisée dans du basalte ; la main gauche est portée à la poitrine, la main droite est contre la cuisse ; le pagne est très similaire, si ce n’est que le pan droit, croisé par-dessus le gauche, admet une pointe sur le haut des cuisses. Cet appendice se retrouve sur plusieurs autres statuettes de la période, notamment celle de Kay conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. 33.1.3 ; OPPENHEIM, 2015, n. 86). À titre d’hypothèse, nous pouvons supposer que la seconde languette de notre statuette – celle sur le pagne – est en fait une réinterprétation de cet appendice ou, à l’inverse, que l’inclusion a été utilisée pour rendre cette pointe de tissu ; cependant, rien ne vient étayer cette idée. Une autre statuette du Moyen Empire, conservée dans la même collection (inv. 2013.626, début de la XIIe dynastie ; OPPENHEIM, 2015, p. 145-146, n° 79) présente deux éléments intéressants : une languette gravée sur le pagne, sous le nombril, et un pan à appendice. Cependant, cette languette ne s’ajoute pas à celle à côté du nombril, comme sur la statuette du musée Rodin, mais la remplace – aucune languette n’est représentée sur le corps du dignitaire – et a une extrémité arrondie, non une forme trapézoïdale.
Nous pouvons envisager différentes possibilités quant à la fonction de l’œuvre du musée Rodin. Cette typologie statuaire de dignitaire se retrouve dans deux contextes archéologiques différents. Il s’agit soit d’une statue funéraire, déposée dans une sépulture, soit d’une statue installée dans un temple. Statue à vocation funéraire, elle permettait au défunt de recevoir les offrandes déposées dans, ou devant, sa tombe. Statue placée dans un sanctuaire, elle permettait à son propriétaire de bénéficier de la réversion des offrandes faites au dieu. Dans l’un ou l’autre contexte, elle participait à la survie et au confort de son propriétaire dans l’au-delà.
Enfin, nous pouvons souligner une nette différence de qualité d’exécution entre la ronde-bosse, très fine, et la gravure assez frustre des inscriptions. Il est possible que deux artisans du même atelier, aux qualifications, différentes aient travaillé sur l’œuvre, l’un pour la sculpture et l’autre pour la gravure, à moins qu’un seul et même artisan ait exécuté les deux tâches, maitrisant mieux l’une que l’autre. Le texte atteste de la difficulté d’écrire sur le basalte, pierre dure, en particulier sur un objet de petites dimensions.
La colonne de hiéroglyphes encadrée de lignes verticales et gravée à l’arrière de la statue, qui se développe sur le pilier dorsal et se poursuit sur le siège, donne la filiation maternelle du propriétaire de la statuette. Deux petites colonnes de hiéroglyphes bornées de lignes verticales et gravées de part et d’autre des pieds, sur le socle, donnent également le nom du personnage et sa filiation maternelle.
Fait notable, tous les signes sont orientés pour assurer une lecture de droite à gauche, aussi bien sur les deux colonnes de part et d’autre des pieds que sur celle gravée au dos du siège. Conformément au souci d’harmonie des Égyptiens anciens, les signes des deux colonnes du socle devraient être affrontés. Or, ils suivent une disposition identique. Si cette disposition correspondait à la volonté d’orienter les signes de la statuette face au dieu d’un sanctuaire, la colonne du dosseret serait orientée également vers l’image du dieu, ce qui n’est pas le cas. Il semble donc que les signes aient été gravés par un scribe en suivant le sens usuel d’écriture en hiératique, de droite à gauche. Cela s’explique sans doute par le fait que l’artisan utilisait un modèle écrit en hiératique, sur papyrus ou ostracon.
Le personnage est qualifié de maâ-khérou « juste de voix » et neb imakh « titulaire d’une pension (auprès du dieu) », deux expressions qui indiquent son statut de défunt ; cependant, la statuette ne semble pas avoir porté de formule d’offrandes.
L’anthroponyme peut être lu Dédou-Sobek, un nom théophore formé sur le nom du dieu crocodile Sobek, courant au Moyen Empire. Il est écrit graphiquement Sobek-Dédou à cause de l’antéposition honorifique. Le nom de sa mère, Héqet, est lui aussi courant au Moyen Empire et doit sans doute être compris Hé(né)qet, « bière ».
La formule de filiation présente une particularité puisque le nom de la mère est introduit non pas par més(ou)~n, « mis au monde par », mais ir(ou) n, « engendré pour ». Cette formule associée au nom de la mère est attestée à partir du règne de Sésostris Ier, à la XIIe dynastie (OBSOMER, 1993, p. 196).
L’épigraphie confirme une datation du Moyen Empire.
Acquise par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913: Hôtel Biron, 187, "Partie inférieure (à partir de la ceinture) d'une statuette de personnage assis, la main gauche posée à plat sur la cuisse. Les inscriptiosn gravées de chaque côté des pieds et sur le pilier dorsal donnent le nom de [hiéroglyphes]. 11e-12e dynasties. Granit gris. Haut. 16 cent. Estimée cent francs."
Donation Rodin à l’État français 1916
La statue fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.